À la fin du XIXe siècle, les Juifs du Yiddish land partent à la conquête du monde. Partant de l’Ukraine, de Biélorussie, des pays baltes et de l’actuelle Pologne, ils se déplacent d’abord vers l’Allemagne. Dans le même temps, les Juifs d’Allemagne partent aux Etats-Unis (mais il y a aussi une émigration directe du Yiddish land vers les États-Unis).
Face à ce mouvement de migration et de conquête, une immense vague d’antisémitisme déferle sur l’Europe, avec, en Allemagne, l’antisemitismusstreit à partir de 1879, en France l’affaire Dreyfus en 1894 et en Russie le protocole des sages de Sion qui fait surface en 1903.
Dans tous ces pays, et en Grande-Bretagne et aux États-Unis également, se pose le problème de la double loyauté : les Juifs travaillent-ils pour les intérêts de leurs pays d’accueil ou pour les intérêts millénaires de la nation juive et donc souvent contre les intérêts de ces pays ?
Emmanuel Macron vient de signer, comme Jeremy Corbyn en Angleterre, une charte de lutte contre l’antisémitisme qui exige précisément dans un de ses points qu’on ne pose pas le problème de la double loyauté, mais on peut illustrer son importance capitale en étudiant la biographie de Chaïm Weizmann, le premier président d’Israël (d’abord président provisoire, de 1948 à 1949, puis officiellement élu de 1949 à sa mort en 1952).
Chaïm Weizmann est né le 27 novembre 1874 à Motal en Biélorussie, donc il est au départ russe. Jusqu’à onze ans, il étudie dans une cheder, école primaire religieuse juive dans laquelle il étudie l’hébreu. À onze ans, il va au collège de Pinsk où il se fait remarquer pour ses prédispositions en science et spécialement en chimie, il en sort diplômé avec les honneurs en 1892. Mais la Russie ne profitera pas de l’enseignement qu’elle a donné à cet élève. D’abord parce que déjà à cette époque, il devient membre actif du Hove Vei Zion, un mouvement sioniste. Et puis surtout parce qu’en 1892, il part poursuivre ses études en Allemagne : il y étudie la chimie à l’Institut Polytechnique de Darmstadtd et, en 1894, il intègre la Technische Hochschule de Berlin. À Berlin, il rejoint les cercles d’intellectuels sionistes. En 1897, il termine son cursus et obtient son doctorat en chimie en Suisse à l’université de Fribourg.
Mais l’Allemagne non plus ne profitera pas de l’enseignement qu’elle a donné à Weizmann, pire, elle va intensément en subir les conséquences. S’il termine ses études en Suisse, son troisième pays, c’est peut-être à cause de l’antisemitismusstreit, un débat sur la question juive, qui fait alors rage dans l’élite intellectuelle en Allemagne, entre notamment Heinrich von Treitschke et Theodor Mommsen. Mais c’est peut-être aussi parce qu’il était attiré en Suisse par le développement du mouvement sioniste : en 1898, il assiste au second congrès sioniste à Bâle, devenant ainsi aux côtés de Theodor Herzl un des chefs de file du mouvement. En 1903, il fonde à Genève son parti, la Fraction démocratique, qui milite en faveur du « sionisme pratique ». Au cours de cette période genevoise, il fonde la première maison d’édition sioniste, Der Jüdische Verlag, puis s’attaque à l’un des projets qui lui tient le plus à cœur : la future création de l’université hébraïque de Jérusalem.
En 1904, et c’est là que les ennuis vont commencer pour l’Allemagne, il part s’installer en Angleterre, son quatrième pays : il va enseigner à Manchester. Devenu sujet de Sa Majesté en 1910, Chaïm Weizmann s’investit dans l’effort de guerre britannique durant la Première Guerre mondiale. En 1916, à la tête des laboratoires de l’amirauté britannique, il met au point un mécanisme de fermentation bactérienne permettant de produire de grandes quantités de substances, telles que l’acétone, essentielles à la fabrication d’explosifs pour les Alliés (l’acétone sert à la fabrication de la cordite notamment utilisée pour les obus de la Navy). Autrement dit, Chaïm Weizmann qui a appris la chimie en Allemagne, va s’en servir contre l’Allemagne. Il n’est donc pas exclu qu’il soit indirectement responsable de la mort d’anciens camarades d’université ou même d’enfants de ces derniers ! Cela dit, il ne le fait pas que pour les beaux yeux d’Albion : il obtient en remerciement par Lloyd George (alors Minister of Munitions) l’appui britannique à la création d’un État pour les Juifs. Il travaille alors avec Lord Balfour, également très concerné en tant que premier Lord de l’Amirauté, à la rédaction d’une déclaration favorable à l’établissement d’un « foyer national juif » en Palestine.
À partir de 1920, il est à la tête de l’Organisation sioniste mondiale, assumant la responsabilité de président par deux fois, de 1920 à 1931, puis de 1935 à 1946. En 1929, il devient président de l’Agence juive à sa fondation. L’agence juive se charge d’organiser l’émigration vers Israël, c’est toujours le cas aujourd’hui. Comment ne pas supposer qu’avec de telles responsabilités et avec ses connaissances en chimie et en explosif qu’il a développées dans des laboratoires anglais, il n’ait pas aussi soutenu le terrorisme de l’Irgoun Zvaï Leoumi, créée en 1931 en Palestine contre la puissance mandataire : la Grande-Bretagne. Il est donc peut-être aussi indirectement responsable de la mort de soldats et sujets britanniques, par exemple lors de l’attentat du 22 juillet 1946 à l’hôtel King David. Au fond, qui sait si Weizmann ne s’est pas dès le départ intéressé à la chimie pour son potentiel « explosif » ?
Aujourd’hui en France (et en Occident), le problème de la double loyauté se pose plus que jamais avec toute l’élite médiatique et politique complètement sous l’emprise du CRIF et de la LICRA, lesquelles organisations militent sans relâche pour l’immigration massive. Il se pose aussi bien sûr avec l’immigration musulmane elle-même.
Francis Goumain
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