Qassem Soleimani, général iranien, ancien commandant de la Force al-Qods du corps des Gardiens de la Révolution Islamique (CGRI), a été assassiné le 3 janvier 2020 sur ordre de Donald Trump par une frappe de drone ciblée, en représailles à l’invasion de l’ambassade des États-Unis à Bagdad – qui n’a fait aucune victime – le 31 décembre 2019, par des partisans des Kataeb Hezbollah.
Il avait écrit une lettre s’adressant à sa fille, à propos de son engagement patriotique et de la vie. Voici ci-dessous l’intégralité de cette lettre :
Lettre du soldat « Qassem » à sa fille
Au nom d’Allah, Le Tout Clément, Le Très Miséricordieux,
Est-ce mon dernier départ ou mon sort est autre chose ? Quoi qu’il en soit, je suis satisfait de la satisfaction de Dieu. Dans ce voyage, j’écris pour toi, afin que ces mots te soient un souvenir dans la nostalgie de mon absence lorsque je te manque. Tu peux y trouver peut-être quelque chose qui te sera bénéfique.
À chaque fois que je commence le voyage, j’ai l’impression de ne plus vous revoir. Plusieurs fois en cours de route, j’imaginais vos visages pleins d’amour, un par un, devant mes yeux, et à plusieurs reprises, en pensant à vous, j’ai versé des larmes. Vous m’avez manqué, je vous ai confié à Allah. Bien que j’aie eu moins d’occasions d’exprimer mon amour et que je ne puisse vous transmettre mon amour intérieur. Mais ma chérie, as-tu déjà vu quelqu’un se regarder devant un miroir et dire à ses propres yeux : « Je vous aime » ? Ça n’arrive que rarement mais cela montre que ses yeux lui sont les plus précieux. C’est vous qui êtes mes yeux ; que je le dise ou pas, vous m’êtes si chers. Je vous ai toujours inquiété depuis plus de vingt ans et Allah – qu’il soit glorifié et exalté – a décidé que cette vie ne s’arrête pas et que vous rêverez toujours dans la peur et la panique. Ô ma fille, que je réfléchisse et que j’ai réfléchi sur ce monde pour faire autre chose pour vous qui vous rendrait moins inquiet, j’ai constaté que je ne puisse rien faire et ce n’était pas et ce n’est ni plus à cause de mon intérêt pour le militarisme. Ce n’était pas ni sera non plus à cause de ma profession. Ce n’était pas ni n’est dû à la contrainte ni à la persistance de quiconque. Non, ma fille, je ne suis jamais en mesure de vouloir vous inquiéter, même pas un instant à cause de la profession, de la responsabilité, de la persistance ou de la contrainte, encore moins vous faire pleurer.
J’ai remarqué que dans ce monde, chacun a choisi pour lui-même un chemin à franchir ; l’un apprend la science et l’autre enseigne la science. L’un fait du commerce, l’autre fait de l’agriculture, et il existe des millions de chemins à parcourir, ou mieux dire, il y en a un pour chaque être humain, et chacun aurait choisi un chemin pour lui-même. Je me suis demandé alors quel chemin devrais-je prêter. J’ai beaucoup réfléchi et passé en revue quelques questions et je me suis demandé tout d’abord, quelle est la longueur de cette route ? Où est sa fin ? Combien de temps ai-je ? Et au fond, quelle est ma destination ? J’ai constaté que je suis un être éphémère et que tout le monde est éphémère. On reste quelques jours et puis on s’en va. Certains vivent quelques années, d’autres des décennies, mais peu de gens atteignent cent ans. Mais tout le monde part et l’existence de tout le chacun est momentanée. J’ai vu que si je fais du commerce, le fruit final sera juste la possession des quelques pièces d’or brillantes, quelques maisons ou bien quelques voitures, mais qu’elles n’auront aucun effet sur mon destin dans cette direction.
J’ai pensé que je devrais vivre pour vous, j’ai constaté que vous m’êtes très importants et précieux, de sorte que si vous souffrez, la douleur couvrirait tout mon être. S’il vous arrive un problème, je me verrai au milieu des flammes. Si vous me quittez un jour, tout mon être s’effondrera. Je me demandais alors comment puis-je résoudre ma peur et mes inquiétudes ? J’ai réalisé que je devais me connecter avec quelqu’un qui puisse résoudre en moi cette question importante et il n’est autre que Allah Tout Puissant. Cette valeur et ce trésor que vous êtes, les fleurs de mon être, ne peuvent être préservés ni avec richesse ni pouvoir. Sinon, les riches et les puissants doivent être capables de s’empêcher de mourir, ou que leur richesse et leur pouvoir doivent anticiper leurs maladies incurables et les protéger de tomber malades. J’ai choisi Allah et donc Son chemin. C’est la première fois que j’avoue cela : « Je n’ai jamais voulu être militaire », je n’ai jamais aimé recevoir des grades militaires. Je préfère à toutes positions et postes, le beau mot de « Qassem », qui venait de la bouche pure de ce martyr Bassidji et Pasdar. J’aimais toujours et j’aime encore être « Qassem » sans suffixe ni préfixe. Par conséquent, j’ai légué d’écrire sur ma tombe, le « soldat Qassem » uniquement et pas même « Qassem Soleimani », car c’est une exagération qui alourdit le fardeau de la sacoche.
Ma chérie, j’ai demandé à Allah de remplir toutes les artères de mon être et tous mes capillaires, d’amour pour Lui-même et de remplir mon être de son Amour. Moi, je n’ai pas choisi ce chemin pour tuer quelqu’un, tu sais que je ne peux même pas voir un oiseau décapité.
Si j’ai pris les armes, c’est pour dresser contre les meurtriers, pas pour tuer.
Je me considère comme un soldat devant la porte de demeure de chaque musulman qui est en danger, et j’aimerais qu’Allah me donne la capacité de défendre tous les opprimés du monde. Je ne donnerai ma vie pour le cher Islam, car ma vie en est peu de valeur face à sa grandeur et ni pour le chiite opprimé, dont la valeur est plus grande que celle de mon être, non, non… mais je combats pour cet enfant terrifié sans défense et sans refuge, pour cette femme effrayée qui a un bébé accroché à sa poitrine et pour cette personne sans abri, en fuite et poursuivie par l’ennemi, qui a laissé une ligne de sang derrière elle.
Ma chérie, j’appartiens à cette armée qui ne dort pas et ne doit pas dormir pour que les autres puissent dormir en paix, pourvue que ma tranquillité soit sacrifiée pour leur quiétude afin qu’ils puissent dormir paisiblement. Ma chère fille, vous vivez chez moi, en sécurité, avec dignité et honneur. Que puis-je faire pour cette fille sans abri qui n’a aucune aide et pour ce bébé qui pleure et qui n’a rien et qui a tout perdu. Alors, sacrifiez-moi et confiez-moi à Lui.
Laissez-moi m’en aller, m’en aller et partir. Comment puis-je y rester alors que toute la troupe de combattants est partie et que j’y demeure seul.
Ma fille, je suis trop fatigué. Je n’ai pas dormi depuis trente ans, pourtant je ne veux plus dormir. Je verse du sel dans mes yeux pour que mes paupières n’osent pas se rapprocher, de peur que dans ma négligence, cet enfant sans défense ne soit décapité. Qu’attendez-vous de moi quand je pense que cette fille effrayée, c’est toi, c’est Narjis, c’est Zeinab, et que cet adolescent et ce jeune homme allongé dans l’abattoir et sur point d’être décapités, c’est mon Hussein ou mon Réza ? Être observateur ? Être insouciant ? Être homme d’affaires ? Non, je ne peux pas vivre ainsi.
Que la paix et la miséricorde de Dieu soient sur vous.
Qassem Soleimani