LE 14 JANVIER, l’INSEE a publié le bilan démographique de la France de 2024. Il est particulièrement alarmant. Voici les principaux chiffres à retenir. Au 1er janvier 2025 la France compte 68,6 millions d’habitants. En 2024, 663 000 bébés sont nés en France. C’est 2,2 % de moins qu’en 2023 et 21,5 % de moins qu’en 2010, année du dernier pic (relatif) des naissances. L’indicateur conjoncturel de fécondité s’établit à 1,62 enfant par femme, après 1,66 en 2023. Depuis la fin de la Première Guerre mondiale, il y a plus d’un siècle, cet indicateur n’a jamais été aussi bas. Rappelons que pour seulement renouveler les générations, il faut un indicateur de 2,1 enfants par femme. On en est très loin. En 2014, le taux de fécondité était encore dans notre pays de deux enfants par femme. Quelle chute abyssale en l’espace d’une seule décennie !
En 2024, 646 000 personnes sont décédées en France, soit 1,1 % de plus qu’en 2023. Cette hausse est liée à l’arrivée des générations nombreuses du baby-boom à des âges de forte mortalité, et cette situation devrait continuer à s’aggraver dans les années qui viennent. Le solde naturel s’établit à + 17 000 en 2024, soit le niveau le plus faible depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’espérance de vie à la naissance se stabilise à un niveau historiquement élevé : 85,6 ans pour les femmes, 80 ans pour les hommes. Mais avec les modes de vie actuels, la nourriture industrielle et l’air vicié, il n’est pas sûr que la vie continue durablement à s’allonger. Le nombre de mariages est de 247 000 en 2024, le nombre de Pacs, hétérosexuels à 95 %, est de 204 000. Autrement dit le mariage civil se dissout et se dilue de plus en plus dans le Pacs, une union des plus précaires et éphémères.
Le solde naturel entre les naissances et les décès devrait bientôt être négatif. On assiste donc à un vieillissement de la population dans un premier temps, avant l’étape suivante qui sera celle de sa diminution graduelle. Et ce malgré “l’apport” d’une très forte immigration. On en arrive en effet à un niveau où même les entrées massives d’étrangers chaque année sur le territoire national et les naissances en France des allogènes ne suffiront bientôt plus à assurer un solde naturel positif. L’Institut Montaigne commente : « La dernière fois que le solde naturel était si bas, nous étions en guerre. Il deviendra bientôt négatif si les naissances continuent de baisser et sous l’effet de décès en hausse avec l’arrivée des premiers boomers à des âges de plus forte mortalité. La population française a continué d’augmenter en 2024, plus lentement qu’en 2023 et presque uniquement grâce au solde migratoire qui assure désormais les neuf dixièmes de notre croissance démographique ».
Et la situation est encore plus catastrophique dans le reste de l’Europe, y compris en Europe de l’Est, Russie comprise. Le taux de fécondité moyen sur le Vieux Continent est de 1,53 enfant par femme (1,62 en France). C’est pire au Japon où le taux est de 1,2 %. Le taux de fécondité le plus bas au monde est celui de la Corée du Sud avec 0,72 enfant par femme. Qui dit mieux ?
LES RAISONS de la dénatalité en France sont multiples, l’ami Jean Beaumont en dresse la liste dans son article en page 2, mais parmi toutes les causes fort nombreuses et très diverses, on ne peut passer sous silence la question de la légalisation, de la banalisation et de la massification de l’avortement. La loi Veil a été promulguée il y a un demi-siècle le 17 janvier 1975. Elle a fortement aggravé (même si elle ne l’a pas créé) l’hiver démographique que nous connaissons depuis de longues décennies. En l’espace de cinquante ans, dix à douze millions de bébés ont été avortés légalement dans le ventre de leur mère (200 à 250 000 par an). Ce génocide silencieux, légalisé et remboursé à 100 % par la Sécurité sociale, bien mieux qu’une grippe, des soins dentaires ou des problèmes oculaires, est l’une des causes principales, même si elle est loin d’être la seule, de la dénatalité française. Mais ce phénomène se retrouve partout en Occident. Les derniers pays en Europe qui résistaient encore, comme le Portugal et l’Irlande, ont également cédé. La déchristianisation massive, la perte des repères moraux et spirituels, la fragilisation des couples et des familles mais aussi la levée des tabous avec la promotion tous azimuts de ce crime abominable présenté comme une libération de la femme, une conquête sociale, une formidable émancipation favorisent le passage à l’acte. Il est d’ailleurs frappant de constater que toutes les digues, minces et hypocrites, qui avaient été dressées pour faire accepter l’inacceptable en 1974-1975 ont toutes été détruites : la condition de détresse (qui n’a certes jamais été définie), l’entretien préalable, la durée légale limitée au départ à dix semaines de grossesse, etc.
Ce qui au départ était présenté de manière fallacieuse comme un pis-aller, un mal nécessaire est aujourd’hui revendiqué comme un droit inaliénable, une conquête irréversible, au point que le droit à commettre ce crime des crimes a été gravé dans le marbre constitutionnel par le Parlement réuni en Congrès à Versailles le 4 mars 2024 à une écrasante majorité, de la France insoumise au Rassemblement national. Et lors de ses vœux de la Saint-Sylvestre, le président de la République a commencé son allocution télévisée en se félicitant ouvertement de cette constitutionnalisation du « droit à l’avortement » et en montrant une foule jeune et enthousiaste applaudissant place du Trocadéro le vote du Congrès.
COMMENT le chef de l’Etat peut-il appeler au « réarmement démographique », comme il l’a fait il y a quelques mois dans une conférence de presse et « en même temps » promouvoir par tous les moyens le génocide des enfants à naître ? Il est inenvisageable de redresser la nation, d’œuvrer réellement à une renaissance nationale tant que se poursuivra cette politique de mort qui ne cesse de s’aggraver. En effet, selon les derniers chiffres officiels, 243.623 IVG ont été enregistrées en 2023, soit 8600 de plus que l’année précédente. D’année en année, le nombre d’avortements volontaires augmente, tandis que le nombre des naissances diminue.
Lorsqu’on consulte les bulletins municipaux des villages et petites et moyennes villes de France — et cette réalité est encore plus vraie, plus massive dans les zones rurales —, on s’aperçoit qu’il y a à chaque fois une liste impressionnante de décès mais qu’en revanche, en face, il n’y a pas, ou quasiment pas, de naissances, non plus d’ailleurs que de mariages. La proportion est très souvent de 1 à 10, voire de 1 à 20, sinon de 1 à 30. Et la chose se vérifie également dans les bulletins paroissiaux, y compris, et c’est le plus étonnant, dans nombre de lieux de culte traditionalistes. Les baptêmes y sont certes plus nombreux qu’ailleurs mais ne compensent généralement pas les décès. C’est dire à quel point la situation est désastreuse.
Et elle pourrait l’être davantage encore avec la légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie. Dans sa déclaration de politique générale, le 14 janvier, le Premier ministre, le démocrate-chrétien François Bayrou, ne s’est pas ouvertement prononcé sur cette question ni sur le délai d’examen ni sur le fond, renvoyant le texte promis par le gouvernement Attal « au pouvoir d’initiative » du Parlement. Quel courage ! Toutefois, le projet n’est nullement abandonné, et Emmanuel Macron pourrait très bien, au besoin, passer par la voie référendaire s’il s’enlisait dans les débats parlementaires. Dans ses vœux, le 31 décembre 2024, l’Elyséen a en effet indiqué qu’il consulterait directement les Français sur des questions graves et importantes. La dépénalisation de l’euthanasie et du suicide assisté pourrait être de celles-là. Et le président ne prendrait a priori aucun risque, l’immense majorité d’une population décérébrée, déchristianisée et déshumanisée validant probablement une telle folie. Macron avait parlé de l’adoption d’une « loi grand âge ». Cette législation n’est rien d’autre que la légalisation de l’euthanasie. Nous vivons un basculement anthropologique, il faut en avoir conscience. Autrefois le catéchisme enseignait le respect de l’ancien, exhortait à l’assistance de ses vieux parents. Aujourd’hui, de plus en plus, les personnes du quatrième âge sont isolées et esseulées. Dans notre Europe qui est un Ehpad continental — mais c’est également le cas du Canada et du Japon —, l’interruption volontaire de vieillesse est en marche. Il y a un conditionnement culturel, économique, social, médiatique, des déterminismes sociaux, l’air du temps qui poussent à accepter l’inacceptable. Selon la coruscante expression du Professeur Jean-Claude Martinez, qui a écrit deux remarquables ouvrages sur et contre l’euthanasie, aujourd’hui on préfère s’occuper des dieux du stade plutôt que des vieux au dernier stade. Ce n’est pas la transition climatique dont on nous rebat les oreilles qu’il faut faire. C’est la transition gériatrique. La question n’est pas d’isoler les appartements, de doubler les parois, le problème ce sont les vieux qui vivent isolés, délaissés à l’intérieur de ces logements. La question n’est pas de les verrouiller davantage contre les intempéries, les aléas des saisons en doublant la paroi des murs, la question est de déverrouiller notre cœur, de renoncer au mur d’indifférence et d’égoïsme et de s’occuper d’eux.
Cette thématique de l’euthanasie est une parfaite imposture qui n’est là que pour obéir à de sordides intérêts financiers (les vieux qui ont pourtant cotisé et payé toute leur vie coûtent cher en fin de vie, il faut donc s’en débarrasser, c’est cela la logique cynique qui est à l’œuvre) mais aussi idéologiques (la maçonnerie y est favorable car dans ce système, au moins en théorie — en pratique, c’est beaucoup plus complexe —, c’est l’homme qui choisit l’heure de sa mort et non plus Dieu, maître de la vie et de la mort). Mais comme le reconnaissait elle-même en mars 2023 l‘affreuse Agnès Buzyn : « En quarante ans de pratique médicale, j’ai observé que, plus un malade se rapproche de la fin, moins il est pour l’euthanasie. L’euthanasie est un raisonnement de bien-portants. » C’est également ce que nous avons nous-même observé en visitant des malades, même en phase terminale. Ils s’accrochent généralement à la vie et ne veulent pas mourir.
Il est de bon ton de parler d’acharnement thérapeutique mais ce que nous voyons souvent, tant dans les services d’urgences que dans les Ehpads, c’est l’abandon thérapeutique. Il faut attendre de longues heures pour pouvoir voir un médecin ou un infirmier, passer un scanner ou une IRM, pour qu’on daigne enfin répondre à la sonnette que l’on essaie d’atteindre avec sa main. Sait-on qu’il y a 25 000 morts par an dans les hôpitaux en France à cause d’« erreurs médicales » (sic !) Et comment oublier les 30 000 Français morts dans les Ehpads et enfouis précipitamment dans des housses en plastique lors des premières semaines du Covid au printemps 2020, des personnes âgées piquées ou achevées au Rivotril, laissées dans leur urine et leurs excréments, isolées de tout (on avait interdiction d’aller les voir au nom du principe de précaution !), sous-alimentées, traitées de manière parfaitement indigne ? N’en doutons pas, avec la légalisation de l’euthanasie, qui fera sauter un nouveau tabou, ces situations dramatiques et effrayantes ne pourront que s’aggraver et se généraliser.
Face à cette culture de mort, plus que jamais, plus que tout, c’est la vie qu’il nous faut défendre, de la conception à la mort naturelle, le sang qui coule dans nos veines, le cœur qui bat et qui ne demande, de son premier au dernier battement, du berceau à la tombe, qu’à aimer et à être aimé en retour. […]
RIVAROL, <[email protected]>
Source : Éditorial de Rivarol
Hiver démographique ( pas pour tout le monde suivez mon regard)