A partir du 5 décembre, la France pourrait de nouveau entrer dans une grande zone de turbulences avec les manifestations contre l’énième réforme des retraites prévue par le gouvernement (voir en pages 12 et 13 le long article de Léon Camus sur le sujet). Le système est au bord de l’implosion du fait du faible différentiel entre les actifs et les retraités (en 1960 il y avait 4 actifs pour un retraité, il y a aujourd’hui 1,7 actif pour un retraité et les projections prévoient 1,2 actif pour un retraité en 2050 !) Le chômage massif, la dénatalité, les centaines de milliers de personnes qui préfèrent vivre du RSA et de petits trafics plutôt que de chercher réellement du travail, tous ces facteurs cumulés ont des conséquences désastreuses sur l’équilibre du système des retraites. Ainsi bien sûr que l’allongement de la durée des études, qui n’est certainement pas nécessaire pour tout le monde, et de la durée de la vie, même si depuis quelque temps l’espérance de vie tend à se stabiliser, voire à reculer légèrement du fait de l’explosion des cancers dans notre société complètement folle.
Il n’y a pas trente-six solutions pour résoudre le problème des retraites : soit augmenter la durée de cotisation, et c’est ce qui est fait progressivement depuis plusieurs décennies (on est passé de 37,5 annuités à 40, puis à 42 et même 43 pour les personnes nées après 1972), et tout laisse à penser que cela va se poursuivre, soit diminuer le montant des pensions, et c’est aussi ce qui est fait régulièrement, soit réduire le nombre des retraités. D’où les campagnes en faveur de l’euthanasie active et du suicide assisté. De même qu’il existe depuis 1975 une interruption volontaire de grossesse, l’IVG, c’est-à-dire un infanticide légalisé voire sacralisé comme un droit fondamental, l’on veut s’orienter vers une interruption volontaire de vieillesse, l’IVV. Toujours bien sûr au nom de la dignité de l’homme. De toute façon, quand les media parlent de dignité, il faut s’attendre au pire. Et on peut aller loin dans cette idéologie mortifère et meurtrière.
En Belgique, où l’on est toujours un peu en avance sur la France dans l’adoption de législations détestables et contre-nature, des politiciens veulent sans rire que l’État réponde aux demandes des personnes « fatiguées de vivre », qui souhaitent mettre fin à leurs jours — ce qui revient à demander que la pratique du suicide assisté soit élargie aux personnes souhaitant s’affranchir de l’ordre naturel et quitter la vie qu’elles ont reçue de Dieu, au moment qu’elles choisiraient elles-mêmes, comme on quitte un spectacle que l’on a assez vu. Il paraîtrait, selon un sondage de 2017, que sept Belges sur dix sont favorables à cette manière de se dresser contre la volonté de Dieu. Et comme, en pays libéral, la demande crée l’offre, Gwendolyn Rutten, présidente du parti libéral flamand Open Vld, a pu récemment déclarer sans vergogne : « On doit pouvoir mettre un point final, pas seulement lorsque l’on souffre de manière insupportable, mais aussi lorsque notre vie est accomplie ». L’homme a-t-il le droit de dire quand sa vie est “accomplie” et quand il n’a plus rien à faire sur cette terre ? C’est oublier que Dieu lui offre à tout instant, même dans ses vieilles années, des occasions de s’émerveiller et surtout de se rendre utile à ses parents et amis, ne serait-ce qu’en priant pour eux.
Cette appellation de « fatigués de la vie » fait penser à une chansonnette que l’on entendait sur les ondes dans les années soixante et qui vantait la façon de vivre des « fatigués de naissance » : « Aïe, aïe, aïe, rien qu’ de voir un boulot / Je tombe en défaillance / On se casse pas les artères / Quand on est né fonctionnaire / Je m’ suis jamais rien cassé. / Car je suis né fatigué ». Les chanteurs humoristes y allaient à cœur joie pour y ajouter des paroles toujours plus espiègles. Il y eut même un club dit des « fatigués de naissance ». Ses commandements étaient à mourir de rire. Voici quelques spécimens : « Aime ton lit comme toi-même… / Si tu vois quelqu’un se reposer, aide-le… / Rappelle-toi que le travail est sacré, n’y touche jamais… / Si par hasard tu trouves du travail, avise le bureau des objets trouvés…/ Ce que tu ne peux éviter de faire, fais-le faire par un autre… / Ne te fatigue même pas à tuer le temps, puisque le temps travaille pour toi… / Si tu es victime d’une farce, surtout ne marche pas, reste assis… / N’écoute que les histoires à dormir debout ! »
Tout cela ne s’élève guère au-dessus du gag et du burlesque ; on peut en rire sans honte. Tout comme la chanson sur « ce sacré Charlemagne » « qui a eu cette idée folle / Un jour d’inventer l’école » ou encore : « Le travail c’est la santé / Rien faire c’est la conserver ».
Il en va tout autrement de l’idée des « fatigués de la vie », qui, en elle-même, est de l’ordre du blasphème, car elle se fonde sur les Droits viciés de l’Homme et élimine les droits sacrés de Dieu. C’est bel et bien insulter Dieu que de dire qu’on est fatigué du plus beau cadeau qu’il nous ait donné : la vie !
On en vient parfois à se demander si le Bon Dieu, lequel, depuis le commencement des temps, veille au bon fonctionnement de l’univers, du firmament aux plus petits détails de notre vie, venait à se dire fatigué et s’arrêtait de commander aux astres, aux planètes et aux étoiles, à nos esprits et à nos organismes, ce que deviendrait le monde. On peut être sûr que ce serait l’abomination de la désolation telles que la décrit l’Evangile selon saint Matthieu de ce dernier dimanche après la Pentecôte. Si, en dépit de toutes nos ingratitudes, Il ne se lasse pas de nous aimer, cela est extraordinaire. C’est une preuve de Sa toute-puissance.
Dans la Bible, si je veux bien croire au conte de la délicieuse Marie Noël (1883-1967) que je cite de mémoire, le Créateur ne se sentit fatigué qu’une fois. Cela aurait été le sixième jour, après avoir créé les animaux domestiques et les reptiles. Alors qu’Il contemplait son œuvre et voyait qu’elle était bonne, le chien serait venu Lui dire : « Seigneur, tout cela est bon, mais il me manque un être que je puisse aimer et servir, et dont je puisse me coucher à ses pieds, solliciter ses caresses… Le Bon Dieu lui aurait d’abord répondu : « Non, je suis fatigué. Si je crée un autre élément, je sens bien que je pourrais la rater ». Le chien aurait tellement insisté que le Bon Dieu se serait remis à l’ouvrage et aurait alors créé l’homme. Conclusion de Marie Noël : « L’homme est raté, le Bon Dieu l’avait bien dit, mais le chien est joliment content »…
Que l’homme soit raté, cela est frappant quand on le voit se majusculiser, devenir “l’Homme ” avec ses Droits sans devoirs et poser que sa volonté soit faite à la place de celle de Dieu. C’est, bien sûr, la rançon de sa liberté que Dieu lui a donnée par amour et dont il use si mal qu’il peut aller contre sa nature prenant ainsi le risque, avec les moyens scientifiques modernes, de détruire la famille et la société, de produire des enfants sans père ou sans mère… L’homme utilise sa raison, depuis Adam, pour essayer d’être l’égal de Dieu. Cela finira mal. Plus sage est le chien qui, lui, ne suit que sa nature ; il en est de même pour tous les autres animaux, le moustique, le lion, le loup…
Ainsi en Belgique, à l’instigation de Gwendolyn Rutten, on exalte le droit à l’autodétermination de chacun sur la date de sa mort : on présente cette forme de suicide assisté comme un acte d’héroïsme. Il est plus facile de faire une croix sur les personnes « fatiguées de la vie » que de les prendre en charge ! Et dans notre société dépressive et tumultueuse, les gens fatigués se multiplient, même chez les moins de quarante ans ! Faudra-t-il tuer ceux-là aussi ? On va vers l’hécatombe !
En bonne marxiste, Jacqueline Herremans, présidente de l’Association belge pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), et membre de la commission fédérale d’évaluation et de contrôle de la loi relative à l’euthanasie, déclare que « c’est un débat qui se pose, mais avant d’aller plus loin, il me semble qu’il faille améliorer les conditions d’accès à l’euthanasie » ; cela veut dire qu’on prendra du temps pour préparer l’opinion, mais que l’on y arrivera…
Euthanasier les « fatigués de la vie », ce ne serait nullement les aider à vivre ces années difficiles, car ce serait fermer les yeux sur la relation de chaque individu avec son entourage. Qui serait là pour parler avec pitié avec ces patients, leur montrer que leur vie n’est pas inutile, qu’elle a une valeur expiatoire, car Dieu attend au Ciel leur âme dépouillée de toute souillure ; il faut donc la préparer à ses fins dernières et prier, eux qui ont encore du temps à consacrer à Dieu, pour ceux qui ne prient plus, et pour les âmes du purgatoire.
Fernand Keuleneer, avocat à Bruxelles et ancien membre de la commission de contrôle, déplore le débat dans lequel « l’euthanasie deviendrait simplement un “droit du patient”, et, en outre, un « acte médical » […]. Un hôpital, une maison de retraite ne pourraient donc plus s’opposer à ce que l’on pratique une euthanasie, même si cela va à l’encontre de ses principes et de son identité philosophique. » Autre conséquence, selon l’avocat : « Si l’euthanasie devient un acte médical normal, je ne vois pas comment un médecin pourrait invoquer sa clause de conscience ».
Enfin, quid des soins palliatifs ? Le débat belge les met volontairement au second plan. On veut toujours aller plus vite et plus loin, or ces soins prennent du temps et coûtent cher. Il est plus facile et plus économique de tuer les anciens comme à l’abattoir…
On reste époustouflé devant le nombre croissant de Français se rendant en Belgique pour “planifier” leur dernier voyage. Et ce nombre augmente d’autant plus qu’en France la campagne pour l’euthanasie s’intensifie de jour en jour…
Cela n’est guère rassurant, car la Belgique est la porte à côté et la France se mettra facilement sur le modèle de la nation voisine. D’ores et déjà, un septuagénaire ou un octogénaire, surtout s’il connaît les propos abjects du maçon très influent et très macronien Jacques Attali sur ce sujet, ne peut franchir qu’en tremblant les portes d’un hôpital. En ressortira-t-il les pieds devant ? C’est aussi toute cette horreur qui se cache derrière la réforme du système des retraites. Et tout laisse à penser hélas que le pire est à venir.
Léon CAMUS et Jérôme BOURBON.
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Editorial du numéro 3401 de RIVAROL daté du 27 novembre 2019.