Rudolf Hess (en allemand Heß) est un homme politique allemand, né le 26 avril 1894 à Alexandrie (Égypte) et mort en détention le 17 août 1987 à Berlin-Ouest (Allemagne de l’Ouest).
Compagnon politique indéfectible d’Adolf Hitler depuis le tout début des années 1920, ministre sans portefeuille (Reichsminister ohne Geschäftsbereich) de son gouvernement dès son accession au pouvoir en 1933, alors porté à la direction du parti national-socialiste sous le vocable Stellvertreter des Führers (« adjoint » du Führer en tant que chef du parti), Hess est une personnalité majeure du Troisième Reich jusqu’en 1941, mais dont l’influence est restée limitée.
À Munich, en 1923, il s’investit dans la tentative du putsch de la Brasserie ; en conséquence, il est emprisonné avec Hitler et l’aide à dactylographier son manifeste politique, Mein Kampf.
Il participe activement en 1935 à la rédaction des lois antisémites de Nuremberg. Le reste du temps, bien que dans le premier cercle de Hitler, il est cantonné à des rôles de représentation.
Le 10 mai 1941, il décolle seul, secrètement, pour l’Écosse aux commandes d’un avion Messerschmitt, soi-disant sans en informer Hitler, afin de proposer un traité de paix séparée avec le Royaume-Uni, peu avant l’attaque-surprise allemande contre l’Union soviétique, violant le pacte de non-agression ou plus probablement anticipant de quelques jours une attaque massive des troupes de Staline.
Son geste peut s’expliquer par des évènements ayant eu lieu presque un an auparavant, alors que l’armée allemande, victorieuse, se précipitait vers la Manche, menaçant d’enfermer dans une gigantesque nasse l’ensemble des armées alliées imprudemment entrées en Belgique, suite à la rupture du front français de Sedan.
Les services secrets avaient encouragé le Premier ministre britannique à accepter d’ouvrir des discussions avec des représentants de l’Allemagne nazie pour gagner du temps, permettre à l’armée de se rétablir après Dunkerque et laisser Hitler penser qu’une paix était envisageable. Pour rendre crédible cette opération, la stratégie consistait à laisser croire qu’une fois que Winston Churchill serait mis en opposition à la Chambre des lords, Lord Halifax — son successeur le plus crédible — accepterait de négocier un arrêt des hostilités. À cette époque, l’Empire britannique se retrouvait le seul État en Europe non occupée en conflit avec l’Allemagne, supportait seul l’effort de guerre et la politique de Churchill était mise en doute par une minorité de parlementaires et une petite partie de la classe politique qui souhaitaient l’arrêt des hostilités afin de préserver l’Empire.
Les Allemands tombèrent dans le piège.
En effet, le 20 mai, deux divisions de panzers commandées par Heinz Guderian atteignent Abbeville et la mer. La Wehrmacht parvient ainsi à couper les armées alliées en deux. Un million de soldats français, belges et britanniques sont isolés entre la Manche et les troupes allemandes dont les chars poursuivent leur progression vers la côte. Le 24 mai, les avant-gardes de Guderian établissent six têtes de pont sur l’Aa et atteignent Bourbourg. Elles ont pratiquement le champ libre lorsqu’un ordre impératif du général von Rundstedt, confirmé par Hitler, les stoppe jusqu’au matin du 27.
Les troupes britanniques en profiteront pour se replier sur Dunkerque, détruisant ainsi tout l’effort franco-belge pour reconstruire un front cohérent sur la Lys et entraînant la capitulation de l’armée belge.
L’armée française n’avait alors plus d’autre choix que de protéger la retraite britannique, en espérant que la Royal Navy intervienne afin de lui permettre, également, d’embarquer. Cet espoir fut vain et la magnifique résistance des Français autour du camp retranché portuaire ne fut nullement récompensée par les Britanniques…
Mais l’armée de Grande-Bretagne, composée d’engagés et indispensable à la continuation du combat pour ce pays, dépourvu de service militaire en temps de paix, fut sauvée. Elle était à vrai dire le seul trésor dont disposait ce pays.
Cela explique qu’après avoir vaincu la France et obtenu l’armistice de Rethondes, effectif le 25 juin 1940, l’Allemagne soit restée l’arme au pied pendant plus de quinze jours, offrant aux Britanniques le répit indispensable pour préparer leur résistance lors de la bataille d’Angleterre.
En Allemagne, le départ imprévu de Rudolf Hess, un an plus tard, est publiquement assimilé à une désertion, même si personne ne peut affirmer que Hitler n’en avait pas été au préalable informé.
À son arrivée, en Écosse, sa démarche n’est pas prise au sérieux ; il est arrêté et maintenu en détention jusqu’à la fin de la guerre, puis il est transféré à Nuremberg pour y être jugé avec les principaux responsables allemands : reconnu coupable de complot et de crime contre la paix, il est condamné à la prison à vie et détenu dans la prison de Spandau à Berlin-Ouest.
En 1987, après quarante-six années de détention et âgé de 93 ans, il est trouvé pendu dans une maisonnette de jardin, dans l’enceinte de l’édifice pénitentiaire, qui lui servait de salle de lecture.
Hess, pendant les vingt et une dernières années de sa vie, est resté le seul occupant de la prison berlinoise mobilisant ainsi pour son seul service des ressources non négligeables pour les puissances occupantes.
La thèse de son assassinat par les services secrets britanniques, confrontés à une volonté des autres alliés de le libérer, prend tout son sens si l’on considère le risque qu’aurait fait courir la révélation de la duperie anglaise vis a vis de son allié, sacrifié face à l’Allemagne victorieuse, au printemps 1940.
Le comportement des Britanniques, début juillet 1940, trouverait ainsi une explication : consciente d’avoir trahi la France en provoquant le « Halt Befehl » et en permettant l’évacuation de ses troupes à Dunkerque, l’Angleterre redoutait que celle-ci, à la suite de l’armistice, ne s’allie purement et simplement avec l’Allemagne pour régler ses comptes.
L’attaque de la flotte française a Mers-el-Kebir et dans ses ports prend ainsi tout son sens : hors d’atteinte de l’occupant allemand, celle-ci n’aurait pu devenir ennemie que si le gouvernement français avait changé ses alliances.
Et le gouvernement de Churchill savait que le prix de sa trahison en Belgique, aurait pu être ce retournement…
Quoi qu’il en soit de ces hypothèses, la prison, vide après sa mort, fut détruite peu après et les matériaux en sont dispersés en mer du Nord, dans le but de décourager toute velléité d’expression de nostalgie hitlérienne.
Vae victis !