Que de déclarations et de démentis ces dernières semaines, côté français et occidental, sur la présence ou l’envoi de soldats de pays membres de l’OTAN au côté des Forces armées ukrainiennes. Nonobstant quelques révélations ou confirmations, cette anarchie dans la communication a mis en lumière le défaut dans l’anticipation et dans la coordination des chancelleries occidentales sur la question d’un éventuel pas supplémentaire au soutien du pouvoir à Kiev, ruinant au passage « l’ambiguïté stratégique » dont Emmanuel Macron voulait se parer pour redorer son blason géopolitique au sein du camp occidental.
Troupes au sol, un secret de polichinelle
Sur l’action de soldats des pays occidentaux et européens au sol, en Ukraine, il faut revenir un peu en arrière et se souvenir que, dès 2022, deux journalistes-reporters informaient sur cette présence. Regis Le Sommier, en avril 2022, témoignait de la présence américaine sur place aux commandes d’un centre de recrutement de « volontaires étrangers » (la frontière est mince avec le mercenariat), dont on peut extrapoler sans risque d’être contredit l’implication des États-Unis au niveau du conseil, du renseignement et des opérations spéciales au profit des forces ukrainiennes (« Les américains sont à la manœuvre en Ukraine »).
Pour la France, en octobre 2022, Georges Malbrunot informait qu’une « cinquantaine d’hommes du Service Action de la DGSE étaient déployés en Ukraine depuis le début de l’invasion russe » (Des agents français de la DGSE en Ukraine). Et c’est sans compter sur les drôles de profils de certains « humanitaires » français en Ukraine dont la présence est révélée occasionnellement, comme Guennadi Guermanovitch et Adrien Baudon de Mony Pajol, présentés par la presse comme des membres de l’association Entraide protestante suisse. Ces deux-là ont été tués le 1er février 2024, par une frappe de drone russe à Beryslav près de Kherson et leurs CV interrogent. Le premier, Guermanovitch, a été policier scientifique biélorusse jusqu’en 1996, puis légionnaire du 2e REP jusqu’en 2007, engagé au 3e REI de Kourou en Guyane jusqu’en 2009, il est décrit comme un spécialiste des transmissions et un « entrepreneur dans la sécurité privé ». Et le second, Baudon, a été un homme d’affaires et spécialiste vinicole au large réseau international et connu comme un « aventurier ».
Rien d’extraordinaire donc.
Ce n’est même plus un secret de polichinelle que l’Occident, en plus du financement et de la formation, fournit à l’Ukraine du matériel, des armes, et surtout du conseil et du renseignement sur les positions et les vulnérabilités éventuelles des forces russes (Un E3F SDCA français couvre l’attaque de drones ukrainiens sur la Crimée ou L’activité souterraine de la France au profit des Forces armées ukrainiennes).
Mais, avec ses propos relatifs à l’envoi de troupes au sol en Ukraine, au sortir de la réunion de Paris avec ses alliés européens le 26 février dernier, Emmanuel Macron a ouvert une nouvelle séquence qui n’en finit pas de rebondir avec de nombreuses réactions en chaine qui font couler beaucoup d’encre. Et en quelques semaines seulement, sur fin février et mars, le mur des dénégations a malgré tout laissé perler quelques aveux et révélations, passés « volontairement inaperçus » des médiats occidentaux (?), sur la présence de troupes de pays de l’OTAN au côté de Kiev.
Confirmations sur l’engagement des pays européens aux côtés de Kiev
Les révélations ont commencé avec la publication dans les médiats russes d’une conversation interceptée le 19 février entre de hauts responsables de l’armée allemande, révélant que le Royaume-Uni avait déjà du personnel au sol. Discutant de la manière dont les missiles allemands à longue portée TAURUS pourraient être envoyés en Ukraine, un responsable a déclaré que les Allemands « savent comment font les Britanniques… Il y a quelques personnes sur le terrain » pour la mise en œuvre de leurs missiles STORM SHADOW (Les frappes de SCALP français sont programmées par la France avant les tirs par les Ukrainiens). La conversation entre officiers allemands semblait y inclure les États-Unis, l’un des Allemands de l’enregistrement ajoutant : « On sait qu’il y a là beaucoup de gens en civil qui parlent avec un accent américain. »
Le 26 février, un article du New York Times révélait, avec peu de suspens, qui pourraient être ces civils : des « dizaines » d’agents de la CIA « assistent les Ukrainiens » en fournissant « des renseignements sur les frappes de missiles ciblées » et « un soutien en matière de renseignement pour des opérations meurtrières contre les forces russes sur le sol ukrainien ».
Le même jour, le chancelier allemand Olaf Scholz élargissait formellement la liste des pays présents au sol à la France : défendant sa décision de ne pas envoyer de missiles TAURUS, il insinuait que cela nécessiterait une présence allemande en Ukraine, comme c’était le cas pour ses homologues britannique et français : « Ce qui est fait sous forme de contrôle d’objectif associé par les Britanniques et les Français ne peut pas être fait en Allemagne. » (APNews, 26.02.2024).
Le 8 mars, le ministre polonais des Affaires étrangères Radosław Szykorski confirmait explicitement que « certains pays de l’OTAN ont déjà envoyé leurs militaires en Ukraine » :
« Des soldats de l’OTAN sont déjà présents en Ukraine. Et je voudrais remercier les ambassadeurs de ces pays qui ont pris ce risque. Ces pays savent qui ils sont, mais je ne peux pas les révéler. Contrairement à d’autres hommes politiques, je ne listerai pas ces pays ».
Les responsables français et britanniques ont joué l’indignation à la suite des révélations de Scholz. L’ancien Secrétaire britannique à la Défense, Ben Wallace, déclarait : « Le comportement de Scholz a montré qu’en ce qui concerne la sécurité de l’Europe, il n’est pas la bonne personne, au mauvais poste, au mauvais moment ». Et Alicia Kearns, présidente de la commission des Affaires étrangères du Parlement britannique, a qualifié, elle, le commentaire de Scholz de « faux, irresponsable et de gifle envers les alliés ». Ambiance…
Malgré tout, ni les Britanniques ni les Français n’ont nié la révélation de Scholz.
« L’ambiguïté stratégique » d’Emmanuel macron ruinée par ses « alliés »
En France, priés de courir à la rescousse du président ayant inopinément suggéré l’envoi de troupes au sol le 26 février, les ministres et les communicants et autres conseillers élyséens, ont dus faire le services après vente de la parole élyséenne. Ils ont tenté d’expliquer et crédibiliser la sortie d’Emmanuel Macron par le concept « d’ambiguïté stratégique » :
« Le cabinet Macron a expliqué que l’objectif est de restaurer ‘l’ambiguïté stratégique’ de l’Occident. Après l’échec de la contre-offensive ukrainienne en 2023, le président français estime que la promesse de dizaines de milliards d’euros d’aide et de livraison de matériel militaire à Kiev ne suffit plus. Surtout si Poutine est convaincu que l’Occident a définitivement exclu la possibilité de mobiliser ses forces. » (Le Monde, 09.03.2024).
L’ambiguïté stratégique, c’est faire douter l’adversaire de ses intentions et de sa réaction et le concept est habituellement au cœur des doctrines de dissuasion nucléaire. Mais il peut parfaitement être mis au service des stratégies concernant des moyens plus conventionnels de frappes. En l’espèce, alors que les Forces armées de Kiev sont à la peine et que la forte participation à l’élection présidentielle russe a confirmé la légitimité du maître du Kremlin, face au risque de poussées locales plus sérieuses voire d’assauts russes généralisés (par exemple vers Kiev ou Odessa), « en laissant entendre que la France pourrait envoyer des soldats en Ukraine, Emmanuel Macron a tenté de restaurer cette ambiguïté à l’avantage de l’Occident pour faire hésiter Vladimir Poutine » (Le Figaro, 29,02,2024).
Incompétence ou hubris démesurées, toujours est-il que les propos d’Emmanuel Macron, balancés semble-t-il sans la moindre anticipation ou coordination avec ses alliés européens dans l’OTAN, ont été explicitement et immédiatement démentis par tous !
Son « ambiguïté stratégique » a été d’avance ruinée par la volée de bois vert que lui ont immédiatement infligé ses « alliés » : la moitié des chancelleries des pays de l’UE se sont fendus de démentis explicites (Finlande, Allemagne, Tchéquie, Slovaquie, Italie, Suède, Hongrie, Pays-Bas, Espagne, Bulgarie y compris les aventureux Royaume-Uni et Pologne…), couronnés même, cerise sur le gâteau, par les démentis des États-Unis et de l’OTAN, tous excluant qu’ait été abordé ou que soit dans les projets l’envoi de troupes occidentales identifiées comme telles sur le terrain.
Par définition, « l’ambiguïté stratégique » aurait supposé de laisser planer le flou sur « les cas » possibles d’engagements de soldats de pays de l’OTAN au sol et sur la configuration et l’importance du dispositif militaire qui serait engagé. Mais les alliés de Paris ont levé toute ambiguïté avec leurs démentis. Et cette succession de gifles qui lui ont été administrées confirme l’improvisation des propos du président moumoute (qui peut manger la sienne).
Par la suite, lors de son entrevue au 20 heures de TF1 et France 2, Macron a été obligé de ramer pour tenter de « clarifier » ses propos et surtout tenter de redonner un semblant de crédibilité à celui qui reste le (bien piètre) chef des armées et détenteur du feu nucléaire, affirmant que « l’envoi de soldats en Ukraine ne doit pas être exclu » et qu’il était prêt à prendre toutes les « décisions nécessaires pour empêcher une victoire russe » :
« Si la situation devait se dégrader, nous serions prêts. Jamais nous ne mènerons l’offensive, jamais nous ne prendrons l’initiative, la France est une force de paix. Mais pour avoir la paix, il ne fait pas être faible ».
Mais le mal était fait et le président était alors même taclé par ses propres officiers (Marianne, 07.03.2024) déclarant être « tombés de l’armoire » après les propos de Macron et « qu’il ne faut pas se tromper, face aux Russes, nous sommes une armée de majorettes », convaincus qu’envoyer des troupes françaises sur le front ukrainien était une décision peu judicieuse.
Dans ce contexte, un Macron vexé ferait-il « cavalier seul » par bravade ? Espérons sincèrement que non ou que Brigitte saura apaiser son excès d’adrénaline ou de testostérone photoshoppé.
Autres hypothèses
Restes tout de même quelques hypothèses sur l’échiquier, qui ne peuvent être exclues a priori, et qu’on peut citer pour la forme.
Reconnaissant que l’Occident perd la guerre sur le terrain et après avoir encouragé l’Ukraine à rejeter une solution diplomatique avec des promesses de soutien aussi longtemps que nécessaire, les principaux partisans de Kiev peuvent tenter de convaincre les autres qu’ils ont fait tout leur possible, évoquant l’hypothèse de troupes sur le terrain en Ukraine et sachant d’avance qu’elle serait rejetée.
Les fuites et révélations peuvent tout aussi également bien viser à faire pression sur les États-Unis et certains pays européens pour accroitre l’aide et qu’ils envoient davantage de soutien financier et d’armes, une option plus acceptable que de franchir leur propre ligne rouge et d’envoyer des troupes.
Enfin la troisième possibilité, la plus effrayante, reste que l’Occident prenne au sérieux à la fois les troupes de l’OTAN déjà présentes en Ukraine et la possibilité d’en envoyer davantage. Les fuites et révélations visant alors à tester l’opinion et les partenaires sur l’envoi plus visible et assumé de troupes occidentales dans la fournaise…
Ne pas confondre ambiguïté stratégique et ambiguïté sexuelle.
LE TABOURET DE PIOTR : ça me rappelle le titre du réquisitoire d’un ancien communiste français , Jean Kehayan , écrit dans les années 80 pour entrer en dissidence au PCF et pour dénoncer le mensonge totalitaire Bolchevique au temps de Brejnev … Mais cette fois c’est Piotr Tolstoi , petit-fils du grand écrivain et député francophone de la Douma qui est monté sur son tabouret russe pour dire Via BFM /TV , sa vérité à la France Crifologue ( comme dirait Drumont ) au summum de la perversion pédocriminelle de ses élites et de ses gouvernants et dans la fange de cette cour du Roi Petaud macronienne politico-médiatique, au faîte de la risible ambiguïté de son proconsul Attalien