Pour la première fois, les Turcs désigneront leur président au suffrage universel le 10 août 2014 – et éventuellement le 24 en cas de second tour. Deux candidats principaux sont en lice : le premier ministre conservateur actuel Recep Tayyip Erdoğan et Ekmeleddin İhsanoğlu, secrétaire général l’Organisation de la Conférence islamique (OCI), auxquels s’ajoute le Zaza (peuple rattaché au Kurdes) Selahattin Demirtaş pour la gauche. Dans le dernier sondage disponible, publié le 12 juillet, les trois hommes étaient crédités respectivement de 54,6 %, 37 % et 8,4 % des voix.
Recep Tayyip Erdoğan et son Parti pour la justice et le développement (AKP, Adalet ve Kalkınma Partisi) ont été confortés dans les urnes lors des élections municipales, malgré une contestation violente dans la rue qui a débouché sur plusieurs jours d’émeutes ces derniers mois, largement orchestrées par l’extrême gauche. Les massacres commis par Israël en Palestine lui ont offert l’occasion de se présenter en défenseur des Palestiniens, ce qui pourrait lui assurer de nouveaux soutiens et lui assurer une élection dès le premier tour. Profitant de la présidentialisation du régime, Recep Tayyip Erdoğan, à la tête de l’exécutif depuis plus de onze ans, pourrait ainsi continuer à diriger la Turquie de nombreuses années.
Plusieurs dizaines de policiers arrêtés
Si le soutien populaire au régime demeure très fort, le gouvernement fait face à des oppositions déterminées. Les autorités ont fait procéder à l’arrestation de 52 policiers turcs hier – quatorze autres étant toujours recherchés – , dont des officiers de haut rang, accusés d’avoir espionné Recep Tayyip Erdogan et certains de ses proches. L’ancien chef de l’unité antiterroriste d’Istanbul a été arrêté, soupçonné d’avoir mêlé le premier ministre à une enquête sur un groupe terroriste présumé.
L’enquête en elle-même n’avait abouti à rien, malgré de nombreuses arrestations et surtout d’innombrables mises sur écoute. Cela avait conduit à des révélations sur d’importants faits de corruptions parmi les proches de Recep Tayyip Erdogan ; un affairiste avait été arrêté et quatre ministres impliqués avaient démissionné.
Le pouvoir a mis en cause nommément Fethullah Gülen, un imam moderniste exilé aux États-Unis, qui compte de nombreux partisans au sein de l’État turc. Le gouvernement a fait muter des milliers de policiers et des centaines de juges ces derniers mois pour contrer cette influence.
Accrochage meurtrier en zone kurde
La Turquie reste confrontée à l’activisme kurde qui perdure malgré des années de répression, ragaillardi par les événements d’Irak et de Syrie où les Kurdes ont profité du délitement des États pour créer des zones autonomes. Un affrontement violent s’est produit lundi dans le sud-est du pays, près de la frontière avec la Syrie. Selon la Turquie, une colonne d’une quinzaine de rebelles kurdes de Syrie a tenté de franchir la frontière et ouvert le feu à l’approche d’une patrouille de l’armée turque. Les échanges de tirs ont fait au moins huit morts, six Kurdes et deux soldats turcs, dans les rangs desquels un homme a été blessé.
La guerre civile en Syrie a conduit à une importante instabilité aux frontières sud de la Turquie, dont la surveillance demande d’importants moyens et où transitent islamistes – plusieurs milliers de Turcs combattent dans les rangs de l’État islamique –, Kurdes – qui rejoignent leurs frères en lutte contre ces mêmes islamistes –, armes, objets de contrebande divers, réfugiés, etc.
Le pays a été accusé à de nombreuses reprises par la Syrie de soutenir les insurgés et même d’avoir projeté d’intervenir militairement. Après un réchauffement de leurs relations durant la dernière décennie, plusieurs incidents depuis 2011 ont rendu la situation tendue entre les deux pays. La Syrie ne contrôle plus qu’une faible partie des régions frontalières avec la Turquie, qui est confrontée à la naissance de deux entités politiques dont il est peu probable qu’elles soient un facteur de stabilité pour elle, une région autonome kurde d’une part et le califat des terroristes islamiques d’autre part.