À la fin d’une brûlante journée de juin 1914, j’étais assis au bord de l’Oronte dans un petit café de l’antique Hamah, en Syrie. Les roues ruisselantes qui tournent, jour et nuit, au fil du fleuve pour en élever l’eau bienfaisante, remplissaient le ciel de leur gémissement, et un jeune savant me lisait dans un manuscrit arabe une histoire d’amour et de religion… Ce sont de ces heures divines qui demeurent au fond de notre mémoire comme un trésor pour nous enchanter.
Maurice Barrès, Un Jardin sur l’Oronte (1922)
Introduction
Ce texte ne prétend pas livrer la vérité sur le conflit syrien, mais témoigner de ce que nous avons vu et entendu au cours d’un bref voyage d’une semaine en Syrie. Nous avons eu l’occasion de traverser le pays du nord au sud et de nous entretenir avec les autorités civiles, militaires et religieuses, comme avec de simples habitants. Ce que je rapporte pourra surprendre des personnes qui n’auraient suivi ce qui se passe en Syrie que par la télévision ou la « grande » presse. Tout conflit comporte son lot de désinformation, et celui-ci n’échappe pas à la règle. Que ceux qui croient que la France a lutté contre Daech soient tout de suite prévenus : il n’en a rien été, sinon pour la forme, et nous avons reçu plusieurs témoignages attestant au contraire que les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont aidé les rebelles islamistes en Syrie. Je renvoie ceux qui trouveraient cette idée trop farfelue au discours de réception à l’Académie française prononcé en 2016 par l’écrivain Andreï Maïkine : il y accuse ouvertement les Occidentaux d’avoir soutenu les djihadistes[1].
L’opinion occidentale a été sidérée par l’accusation faite au gouvernement syrien d’avoir utilisé des armes chimiques contre ses opposants. Ce n’est pas le lieu d’entrer ici dans une discussion détaillée de cette accusation. Je voudrais simplement que le lecteur ait à l’esprit les éléments suivants :
- Les deux parties belligérantes ont possédé des armes chimiques. Le gouvernement syrien a reconnu en posséder et a même entrepris à partir de septembre 2013 la destruction de ces armes sous le contrôle de l’OIAC (Organisation Internationale contre les Armes Chimiques), dans le cadre d’un accord international initié par la Russie, en réponse aux velléités d’intervention militaire occidentale consécutives à l’attaque chimique alléguée à la Ghouta en août 2013[2]. Mais les rebelles aussi ont obtenu des armes chimiques des Turcs, ainsi que l’a confirmé l’enquêtrice de l’ONU Carla Del Ponte[3].
- L’utilisation des armes chimiques avait été définie comme une « ligne rouge » par Barack Obama en 2012. Le gouvernement syrien savait qu’il s’exposait à une intervention occidentale s’il se servait de son stock d’armes chimiques.
- Les armes chimiques sont des armes à double tranchant, car les gaz peuvent toucher aussi ceux qui les envoient. Aussi n’est-ce pas une arme adaptée à l’offensive, comme c’était le cas à La Ghouta en 2013.
- Une étude balistique d’une université américaine a conclu que les tirs des armes chimiques à la Ghouta en 2013 provenaient des zones contrôlées par les rebelles[4]. Information passée sous silence par les médias occidentaux.
- Après une énième accusation d’utilisation d’attaques chimiques, Macron a décidé en avril 2018, de concert avec Donald Trump, de bombarder un prétendu site de production d’armes chimiques, en réalité un centre de recherche pharmaceutique. L’OIAC avait pu se rendre six mois avant le bombardement sur le site et avait confirmé qu’il n’y avait pas de fabrication d’armes chimiques. On a vu à Rouen avec la catastrophe de Lubrizol les conséquences d’un incendie dans une usine chimique. Macron a pu faire croire à des millions de Français, avec la complicité des médias, que bombarder une usine chimique était la meilleure des réponses à une attaque chimique alléguée.
Notre voyage
Le voyage a duré du 24 au 30 octobre 2019.
Nous étions un groupe assez hétéroclite d’une douzaine de voyageurs constitué par la Communauté des Syriens de France[5]. Il y avait des personnes de différentes confessions, nationalités et sensibilités politiques. Ce qui nous rassemblait était une sympathie commune pour ce pays splendide et martyrisé qu’est la Syrie et un refus de la vision des médias occidentaux sur le conflit, qui ne nous faisaient pas craindre de nous rendre à Damas. En résumé, le nationalisme arabe syrien, pas plus que le nationalisme français, n’étaient de gros mots pour personne.
Le but du voyage était aussi de fournir un concours matériel aux Syriens, plusieurs d’entre nous apportant des médicaments de France. La Syrie subit depuis trop longtemps un embargo de la part des pays occidentaux qui handicape gravement son économie et menace son autosuffisance alimentaire[6]. Trump l’a renforcé à plusieurs reprises. À plusieurs reprises, des Syriens nous ont déclaré : « nous ne voulons pas d’aide, seulement que vous leviez les sanctions économiques », nous attribuant toutefois plus d’importance que nous n’en avions. À titre d’exemple, il n’est pas possible de retirer de l’argent à Damas d’un compte français, car la Syrie est suspendue du système bancaire international.
Le voyage était conduit par Mme Rima Khlifaoui, responsable de l’association. Nous avions aussi un guide, Walid, employé d’une agence de voyages. Tous deux parfaitement francophones.
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24 octobre
Comme il n’y a pas (ou plus) de liaison aérienne directe entre Paris et Damas, il est prévu d’atterrir d’abord à Beyrouth, au Liban, puis de rejoindre Damas en voiture. Nous arrivons à Beyrouth le 24 octobre au matin et rejoignons d’autres voyageurs déjà arrivés dans un hôtel du quartier chrétien, bouclé par des militaires en arme. Nous arrivons dans le pays alors que se déroulent d’importantes manifestations contre le gouvernement libanais. Plusieurs d’entre nous profitent des quelques heures de répit avant le départ pour faire un tour dans Beyrouth en voiture : nous voyons des manifestants épars, plutôt joyeux et arborant pour certains… des drapeaux américains. Puis c’est le départ pour Damas dans un convoi de trois voitures. Ce que nous craignions depuis Paris se réalise : la route conduisant en Syrie est bloquée par les manifestants. Nous sommes obligés de faire un long détour par les chemins du Mont Liban pour atteindre la verte plaine de la Bekaa ; puis, après avoir gravi la chaîne de l’Anti-Liban, nous arrivons enfin à la frontière, située sur les crêtes.
Notre premier contact avec le peuple syrien a lieu alors que nous faisons la queue pour obtenir le visa : une jeune femme, voilée, vêtue de façon élégante, s’adresse à nous dans un anglais hésitant et demande notre nationalité. Elle nous présente alors sa fillette d’une dizaine d’années, aux longs cheveux châtains, parfaitement francophone, que l’on distinguerait difficilement d’une petite française. La souriante fillette devient l’attraction de tous les voyageurs. C’est ce qui nous étonnera le plus au cours de ce voyage : le fait que la Syrie accepte sur son sol des ressortissants d’un pays ouvertement en guerre contre elle, et que la population ne tienne pas plus rigueur aux Français d’avoir bombardé son pays et fourni des armes aux rebelles. Les Syriens nous réserveront toujours le meilleur accueil. Il y a toutefois des exceptions dont je parlerai plus loin.
Nous arrivons finalement à Damas, tout proche de la frontière libanaise, en fin d’après-midi. Nous prenons une heure de repos dans un ravissant hôtel de style arabe.
Puis nous nous rendons à l’église gréco-catholique Notre Dame de Damas où nous sommes reçus par le Père Elias Zahlaoui. Il nous retrace brièvement sa vie : études à l’étranger, puis son ministère à Damas depuis 1962. Il insiste sur les bons rapports qu’ont toujours entretenus musulmans et chrétiens en Syrie, ce dont il a été témoin lui-même bien souvent. Il raconte ainsi que, dans les années soixante-dix, alors qu’il était en négociation pour acheter un terrain à bâtir, le vendeur musulman s’enquiert du projet des acheteurs. Lorsqu’il apprend que c’est pour construire une église, il baisse le prix d’un quart et demande qu’on prie pour lui ! Nous verrons d’autres exemples de ce curieux syncrétisme syrien.
Je lui demande quelles sont, à son avis, les causes du conflit syrien. Il me renvoie à l’article d’un haut fonctionnaire israélien paru en 1982 dans la revue israélienne Kivunim (« Orientations »), qui projetait un éclatement du Moyen Orient en petites entités ethno-confessionnelles, ce qui aurait l’avantage de présenter une menace moindre pour l’Entité sioniste[7]. Pour le Père Zahlaoui, le conflit a été préparé depuis l’extérieur et est alimenté depuis les frontières en armes et en combattants étrangers. Il nous cite les propos de l’ancien ministre français des Affaires Étrangères de François Mitterrand, Roland Dumas, rapportant qu’on lui avait annoncé à Londres six mois avant le déclenchement de la rébellion qu’un changement de gouvernement se préparait[8].
Je lui raconte ce qui a été beaucoup dit en France : que Bachar El Assad aurait libéré des islamistes au début de la contestation afin de discréditer la rébellion. Le Père écarte cette idée d’un revers de main. Le Père est quelque peu âgé et ne se souvient peut-être pas de cet événement qui a eu lieu en 2011 ; j’aurai l’explication de cette histoire en sortant de l’entretien, par une de nos voyageuses : cette libération de prisonniers islamistes fut exigée par l’Arabie saoudite pour poursuivre des négociations entre gouvernement et rebelles à Genève[9].
Notre guide nous donnera plus tard son témoignage sur les débuts de la rébellion. Le parti Baas est au pouvoir depuis 1962, à la suite d’un coup d’Etat de Hafez El Assad, chef de l’aviation. Ce parti a commis des fautes : seuls les membres du parti ont accès aux postes importants. En 2011, des manifestations légitimes pour plus de libertés et une amélioration des conditions économiques se sont déroulées pendant un mois. Puis les manifestations ont démarré le vendredi après la sortie des mosquées : elles ont été récupérées par les islamistes. Dès lors, on entendait dans les manifestations : « les chrétiens à Beyrouth, les Alaouites au cimetière ! » et les premières confrontations ont suivi avec l’armée.
Le Père conclut l’audience en évoquant une mystique syrienne, Myrna, qui a des visions de la Vierge et de Jésus. Nous nous rendons dans sa maison à quelques minutes de là. La mystique est en voyage aux États-Unis, mais nous sommes aimablement reçus par son mari. Nous entrons dans un petit sanctuaire aménagé dans leur maison, où se trouve une icône d’une Vierge à l’enfant qui exsude de l’huile recueillie dans un bol… musulmans comme chrétiens obtiennent des guérisons. Au mur, une inscription : « Pas de dons ».
25 octobre
Nous quittons Damas en passant par le quartier de la Ghouta, libéré au printemps 2018. Les combats ont été très violents. Les rebelles ont pris le contrôle du quartier en 2012 et, après l’échec de la prise de Damas, ont été encerclés depuis lors. Mais comme il y a eu par moments jusqu’à mille fronts à la fois et que l’armée syrienne ne pouvait pas être partout, les lignes ont été gelées pendant plusieurs années. L’offensive a aussi été retardée par le fait que de nombreux soldats avaient des membres de leur famille piégés dans la Ghouta. Puis l’armée a fini par libérer la Ghouta en mai 2018. Il est très impressionnant de voir des hectares entiers de bâtiments détruits par les bombardements.
Si les rebelles ont pu résister si longtemps en étant encerclés, c’est parce que le quartier comprenait des usines étatiques ainsi que des terres agricoles très fertiles (ghouta signifie oasis en arabe), cultivées et irriguées depuis l’Antiquité. Par ailleurs, les lignes de front n’étaient pas totalement imperméables, et, comme les rebelles vivaient au milieu de la population, le gouvernement laissait passer des convois d’approvisionnement. À la suite d’un accord passé avec le gouvernement, les djihadistes ont été exfiltrés vers la ville d’Idlib. Il a été fait de même à l’issue de toutes les batailles remportées par les loyalistes : les rebelles sont transférés en car dans Idlib, ville qui est toujours entre leurs mains à l’heure actuelle (juin 2020), au sud d’Alep. Ils y bénéficient de l’aide de la Turquie frontalière.
Nous arrivons ensuite à Maaloula, village chrétien au nord-ouest de Damas, sur les contreforts de la chaîne de l’Anti-Liban, occupé de 2013 à 2014 par des milices islamistes, avant sa libération par l’armée syrienne et le Hezbollah. Nous visitons d’abord le monastère catholique Saint-Serge-et-Saint-Bacchus, à la coupole tout juste restaurée, qui avait été très endommagé par les bombardements et pillé par les islamistes, puis reconstruit par la population avec l’aide de l’association SOS Chrétiens d’Orient[10]. Nous croisons d’ailleurs dans le monastère de jeunes bénévoles français de l’association en plein labeur. Alors que les gouvernements français successifs, ceux de MM. Sarközy, Hollande et Macron ont eu une attitude agressive vis-à-vis de la Syrie de Bachar El Assad, et que la population française, avachie par la propagande médiatique, n’a pas réagi contre la politique désastreuse de leurs gouvernements successifs, on peut véritablement dire que SOS Chrétiens d’Orient a sauvé l’honneur de la France en Syrie. La France était l’alliée traditionnelle des chrétiens d’Orient, et, au-delà, amie de la Syrie et de l’Orient, et les Syriens n’ont pas compris ce revirement. On peut aussi mentionner en France quelques hommes politiques français, de droite comme de gauche, qui ont eu le courage de protester contre l’ingérence française en Syrie. Citons Roland Dumas, Jean-Luc Mélenchon, Jean Lassalle, Thierry Mariani, Jean-Frédéric Poisson, Yvan Benedetti. Mais les seuls qui ont eu une action efficace sur le terrain ont été les volontaires de SOS Chrétiens d’Orient.
Toutes les icônes de l’église ont été volées par les islamistes, qui les ont vraisemblablement revendues (le pillage et le trafic d’antiquités sont un des moteurs de la guerre). Ils ont semé la terreur du temps de leur présence. On estime que 250 personnes qui n’acceptaient pas leur joug ont été assassinées. On nous montre la place où ils procédaient aux exécutions. Ils marquaient sur les portes : « ici vivent des chiens de chrétiens, partez d’ici ».
Alors que nous étions dans l’église, une villageoise chrétienne (la population réintègre lentement les lieux) a chanté pour nous la prière du Notre Père en araméen, la langue de Jésus, encore parlée couramment au village.
Nous visitons ensuite le monastère orthodoxe voisin de Sainte Thècle, également rénové et splendide. On y voit plusieurs mosaïques dégradées, avec ceci de particulier que seules les têtes des personnages sont touchées. En effet, l’islam, reprenant l’interdit mosaïque de fabriquer des images de créatures divines, prohibe la représentation d’êtres humains ou d’animaux. La décoration dans les mosquées comme dans les synagogues est composée de frises et de motifs floraux. À un Français, ces dégradations rappellent le vandalisme révolutionnaire, les écus martelés, les tours abattues, les tombes des rois profanées. Les protestants ne furent pas non plus avares de destructions d’églises et d’objets de culte durant les guerres de religion au XVIe siècle.
Un des voyageurs nous raconte, alors que je faisais remarquer combien les Syriens étaient aimables et peu rancuniers, que lors d’un précédent séjour à Maaloula, il avait échangé avec un villageois qui n’avait pas caché une certaine méfiance envers les Français. En effet, alors otage des rebelles dans le nord de la Syrie, il a entendu ces derniers discuter entre eux et dire que les forces spéciales françaises leur avaient donné des informations en vue de la prise de Maaloula. J’ai à disposition de ceux qui douteraient de ce témoignage le nom et le contact de celui qui l’a recueilli. Il s’agit d’un enseignant suisse familier de la Syrie et qui atteste formellement de cette information. Il est désolant de constater qu’un gouvernement indigne emploie l’élite de l’Armée française pour accomplir d’aussi basses besognes.
Nous visitons l’église tout juste repeinte et la grotte où vécut une martyre des premiers temps du christianisme, disciple de saint Paul, qui a donné son nom au monastère : Sainte Thècle. Dans la grotte une religieuse distribue l’eau d’une source, à laquelle sont prêtées des vertus miraculeuses.
Nous reprenons ensuite la route pour voir le Krach des Chevaliers, vaste forteresse construite au XIIe siècle par les Croisés, puis par les Arabes après sa chute en 1271. Le site est en mauvais état en raison des années d’occupation par les rebelles (entre 2012 et 2014) et d’un manque d’entretien consécutif. Nous avons vu des arcs gothiques endommagés par les bombardements de l’armée syrienne (qui s’est efforcée toutefois de limiter les dommages). Le site est remis progressivement en état par les autorités.
Puis nous repartons pour Homs et voyons en chemin des éoliennes ainsi que des centrales thermiques en fonctionnement. Les rebelles ont détruit les centrales thermiques tombées entre leurs mains. Quand on leur demandait pourquoi ils faisaient cela, ils répondaient : « on ne veut pas de la lumière de Bachar El Assad. On a la lumière de Dieu ».
Nous arrivons en soirée à Homs, ville terriblement bombardée et dont des quartiers entiers ne sont plus qu’une ruine. C’est Berlin en 1945. Homs fut une des premières villes à manifester en 2011. Ce fut aussi la première ville à être reprise par l’armée régulière, en 2014, car elle est implantée sur un carrefour de routes stratégiques au centre de la Syrie. Le dîner est encore l’occasion de rencontrer des Syriens : au restaurant où nous sommes a lieu un banquet de mariage et les convives sont enchantés de rencontrer des Français (comme souvent, ils nous prennent d’abord pour des Russes, nombreux en Syrie). Nous sommes quelque peu surpris du faste déployé pour ce mariage et de la joie qui y règne, dans ce pays en guerre. Mais les Syriens nous disent que les mariages n’ont jamais été si gais qu’au plus fort des combats. S’il faut mourir demain pourquoi se priver de boire et de danser ce soir ?
Avec un ami, nous préférons dîner dans un endroit moins bruyant. Nous arrivons dans un petit restaurant où le patron ne parle ni français ni anglais. Deux autres clients voient nos difficultés à commander et s’efforcent de traduire nos intentions, mais parlent à peine mieux le français et l’anglais. Quelque part, cela signifie aussi que c’est un pays indépendant et pas soumis à la tutelle occidentale. Nos interlocuteurs sont deux jeunes professeurs d’arabe. Ils nous font comprendre, avec quelque difficulté, qu’ils ont étudié Rimbaud et Hugo ! Ils font venir dans le bar deux amis, un anglophone, dentiste, et un francophone, professeur d’architecture. En une heure, nous aurons croisé quatre personnes diplômées de l’université ! Il faut préciser qu’en Syrie l’instruction est gratuite depuis la primaire jusqu’au lycée. À l’université, seuls des frais d’inscription sont exigés. Et la santé est gratuite aussi, depuis la consultation d’un médecin jusqu’aux médicaments. Combien de pays arabes, voire de pays occidentaux, peuvent se targuer de posséder un tel système social ?
Nos amis syriens du bar nous recommandent de visiter la ville de Homs, ce que nous n’aurons malheureusement pas le temps de faire, d’autant qu’une partie de la ville n’est pas accessible. Ils nous conseillent en particulier de visiter une très ancienne église de Homs, qui abrite une moitié de la ceinture de saint Joseph, l’autre moitié se trouvant, paraît-il, en Inde. L’un d’entre eux m’offre en souvenir de notre rencontre un chapelet (chrétien). Je lui demande alors s’il est chrétien. Il me répond que lui et ses amis sont musulmans. Voilà une chose étonnante qu’on peut voir en Syrie : un musulman faisant don d’un chapelet chrétien. Le garçon me précise qu’ils ne sont pas musulmans très pratiquants. Plus tard, un ami français qui connaît bien la Syrie m’expliquera que ce groupe était probablement composé d’Alaouites. Ceux-ci sont généralement discrets sur leur appartenance ethno-confessionnelle (la même que celle du chef de l’État). La ville de Homs a été désertée par les sunnites qui craignent la vengeance des Alaouites qu’ils ont persécutés pendant la guerre. Or, en Syrie, l’argent est concentré aux mains des familles sunnites, ce qui explique pourquoi la malheureuse ville de Homs tarde à se reconstruire, tandis qu’Alep se relève rapidement de ses ruines, comme nous l’avons constaté.
Malgré tout, le gouvernement de Bachar El Assad essaie de maintenir un précaire équilibre entre les différentes populations du pays : musulmans très pieux, musulmans moins pieux, chrétiens de diverses dénominations, druzes, alaouites, d’autres minorités encore. L’idéologie du parti Baas au pouvoir est le nationalisme arabe, dépassant les confessions sans les rejeter. Le parti a d’ailleurs été fondé en 1944 par un chrétien, Michel Aflak et par un musulman sunnite, Salah Eddine Bitar, en opposition au Mandat français au Levant (1920-1944). Il est à noter que Michel Aflak a été influencé, lors de ses études en France, par les écrits de Georges Sorel, théoricien socialiste, et de Charles Maurras, nationaliste monarchiste.
J’ai ajouté ces Syriens en ami sur Facebook afin de garder un contact ; mais de retour en France je n’ai pu trouver trace de leur profil. Il semble que l’application syrienne soit coupée du reste du monde. Un ami français a vu que tous les messages qu’il avait échangés sur Messenger avec des Syriens rencontrés en Syrie avaient été effacés ; mais un autre continue de correspondre avec des Syriens depuis son compte créé en Suisse. C’est une des manifestations de cet absurde embargo qui pénalise plus la population que le gouvernement.
26 octobre
Nous quittons Homs pour Palmyre, dans le désert, à l’est de la Syrie. La zone est à accès restreint car la province voisine de Deir ez-Zor a été fraîchement libérée de l’État islamique, et les Américains avec leurs alliés kurdes occupent encore certaines zones comme les puits de pétrole le long de l’Euphrate ; aussi sommes-nous accompagnés par un colonel de l’armée syrienne. Nous commençons par nous promener dans la ville moderne de Palmyre totalement dévastée par les combats. Il n’y a plus une façade intacte. Lorsque nous parcourons la rue du musée, notre guide contient difficilement son émotion à la vue des petites boutiques détruites et dont il connaissait les propriétaires. Une voyageuse reconnaît tout juste l’hôtel de luxe où elle avait séjourné et dont on peut voir les chambres depuis la rue !
Nous arrivons à un carrefour de la ville où avaient lieu les exécutions. Le directeur des musées et antiquités de Palmyre, Khaled El-Assad, 83 ans, refusa d’indiquer le lieu où avaient été cachées les plus précieuses antiquités : il fut décapité par les djihadistes, et sa dépouille exposée en public. Très peu d’habitants sont revenus dans la ville. Nous passons par une épicerie, rare commerce ouvert. Nous y croisons un médecin russe. Nous assistons à la distribution de vivres par le Croissant rouge syrien. L’opération se fait dans l’ordre et le calme. Nous voyons aussi passer une colonne du Hezbollah libanais.
Nous faisons un passage dans le musée de Palmyre, complètement dévasté. Il subsiste toutefois de nombreuses sculptures.
Puis nous visitons la ville antique de Palmyre, qui fut une prospère cité commerçante, un moment constituée en royaume indépendant. Implantée dans une oasis au carrefour de la Mésopotamie, du Levant et de la péninsule arabique, ses ruines majestueuses s’élèvent au milieu du désert, et y flotte encore le souvenir de l’héroïque reine Zénobie, qui résista un temps à la domination romaine. La ville est classée au Patrimoine mondial de l’humanité, mais a été très endommagée durant les deux occupations successives des rebelles. Nous sommes atterrés d’apprendre que le temple de Baal a été détruit à l’explosif par l’État islamique en 2015 après la première prise de la ville par les rebelles. Reste seulement le péristyle (un alignement de colonnes) qui entoure le temple. Malgré le champ de ruine sous nos yeux, nous sommes impressionnés par les hautes colonnes debout depuis deux millénaires. Une équipe de télévision nous accompagne et interviewe plusieurs d’entre nous. Nous nous disons désolés des destructions infligées à Palmyre et du rôle désastreux joué par la France.
Nous voyons aussi la rue principale de Palmyre, dont l’entrée était ornée d’un arc de triomphe qui a été détruit lors de la 2e occupation des rebelles de Palmyre en 2016. Le fameux tétrapyle est aussi à terre. Puis nous arrivons à l’amphithéâtre, à peu près préservé, à l’exception de la corniche qui a été aussi détruite lors du second séjour des djihadistes. Pour célébrer la première libération de la ville en mars 2016, les Russes avaient fait venir l’orchestre de Saint Pétersbourg et organisé un concert dans l’amphithéâtre[11].
L’officier de l’armée syrienne qui nous a accompagnés tout au long de la journée nous propose de lui poser des questions. (J’aurai senti tout au long de mon séjour une réelle liberté d’expression. Notre guide nous a expliqué fort librement les débuts de la guerre civile, ne nous cachant pas les aspects négatifs du régime alors qu’il y avait d’autres syriens à proximité). J’ai donc posé à l’officier, qui habite la région depuis huit ans, une question qui m’intriguait depuis longtemps : dans quelles circonstances les rebelles ont-ils repris la ville en 2016 alors qu’elle avait été libérée peu de temps avant ? Il m’a répondu ceci : il y avait un accord russo-américain (encore en vigueur actuellement) prévoyant un partage du ciel syrien : lorsque les avions russes sont dans une zone, les Américains n’y vont pas, et réciproquement. Le but étant d’éviter des frictions entre les forces armées des deux pays.
Un jour de décembre 2016, les Américains ont demandé à avoir le contrôle du ciel au-dessus de Palmyre. Et ils ont déclenché des appareils de brouillage électronique. De cette sorte, les forces syriennes et russes n’ont pu détecter, par avion ou par radar, l’approche d’une colonne de l’État islamique, et la ville a été prise par surprise. La petite garnison avait été allégée, car l’effort principal se portait à l’époque sur Alep. Cette seconde occupation a été l’occasion de nouvelles destructions, comme je l’ai écrit ci-dessus. Puis la ville a été de nouveau libérée en mars 2017, par une offensive lancée à partir de la base aérienne de Tiyas, devant laquelle nous sommes passés en venant de Homs. Sur les cadavres des rebelles ont été trouvées des rations alimentaires en provenance du Qatar. Les armes venaient de Libye et d’Irak. Le matériel logistique, de France et d’Angleterre.
L’officier énumère les présidents français depuis De Gaulle jusqu’à Chirac : les relations avec la Syrie étaient bonnes. Mais elles ont changé en 2005 après l’assassinat de Rafik Hariri (Premier ministre du Liban), dont la Syrie a été accusée (peut-être à tort). Et surtout avec Sarkozy et Hollande. Puis la discussion dérive sur les clubs français des années quatre-vingt et Bernard Tapie…Quand j’ai résidé en Tanzanie les Français connus de mes collègues étaient : Nostradamus, François Hollande et Zinedine Zidane. On a les héros qu’on mérite.
Retour sur la route de Homs, puis direction Hama, au nord de Homs. Nous passons devant une agglomération composée de quatre villages : un musulman, un chrétien, un alaouite, un turkmène, qui ont coexisté pacifiquement durant toute la guerre.
Nous arrivons en soirée à Hama. Cette ville, très conservatrice, a été peu touchée par la guerre civile. À la fin des années soixante-dix, les Frères musulmans ont transformé la ville en un petit émirat, longtemps toléré par le pouvoir. En 1979, 80 cadets d’une école d’officiers d’Alep, principalement alaouites, ont été assassinés par des officiers sympathisants des Frères musulmans. En 1982, le gouvernement a décidé d’en terminer avec cette rébellion. Il a envoyé les chars à Hama. Mais ceux-ci ne pouvaient entrer dans les rues étroites de la vieille ville. Alors l’armée a bombardé la ville. Il y a eu plusieurs dizaines de milliers de morts, et le tiers du centre-ville historique fut détruit. Mais quand en 2011 Al-Nosra a voulu s’emparer de la cité, les habitants l’en ont chassé.
27 octobre
Nous quittons Hama, en ayant eu juste le temps de voir les norias, grandes roues à aube alimentant un aqueduc. Barrès y fait référence dans Le Jardin sur l’Oronte.
Nous visitons les villages chrétiens de Mhardeh et de Sqelbieh. Nous nous rendons d’abord au siège d’une association féminine de bienfaisance liée au gouvernement. Une jeune volontaire a perdu son mari et ses deux beaux-frères dans la guerre. Il y a pénurie d’hommes, et beaucoup de femmes ne sont pas mariées. Je repense à ce passage des Mémoires de Jean-Marie Le Pen, qui évoque le souvenir des silhouettes en noir dans la Bretagne de l’entre-deux-guerres, femmes ayant perdu leur père, leur mari ou leur fiancé durant la Grande Guerre, victimes silencieuses du conflit, vouant leur vie aux œuvres de charité.
Nous assistons à la fin d’un office orthodoxe dans l’église du village, tout en pierres blanches, consacrée à saint Georges, dont on voit de belles représentations sur des icônes du XVIIIe siècle, peintes par un artiste grec. Il se déroule non pas un baptême, mais la présentation à l’église d’un nouveau-né, quarante jours après sa naissance. Nous sympathisons avec les paroissiens. Toutefois, une jeune femme, lorsque je décline ma nationalité, me glisse : « Normally I hate the French…but you it’s okay », et l’échange se termine par un « selfie » pris avec une de ses amies ! Nous sommes invités à entrer dans le sanctuaire (séparé de la nef par une iconostase) par le côté, l’ouverture centrale étant réservée au prêtre. Les femmes ne sont pas autorisées à entrer dans le sanctuaire.
Un paroissien nous invite à voir la « citadelle » du village. Nous le suivons, intrigués. Et nous découvrons un petit poste de combat tenu par la milice villageoise. Ces supplétifs de l’armée syrienne assurent la défense de leur terre.
Nous sommes invités ensuite à visiter le siège de la « défense nationale » du village. Les miliciens nous expliquent comment, ne pouvant compter sur la présence de l’armée régulière, du Hezbollah ou des Russes, ils ont tenu ce village de 14 000 habitants : « c’est la croyance en la terre qui nous a donné la victoire ». Des milliers d’obus sont tombés sur le village, dont certains d’une tonne, qui ont détruit un quartier. Le village a été particulièrement ciblé car chrétien. Pendant cinq ans le village a été sur la ligne de front. En 2012/2013, le village a été encerclé des quatre côtés. Les miliciens ont pu faire une percée et ouvrir une route jusqu’aux positions de l’armée syrienne. Il y a eu jusqu’à vingt offensives pour prendre le village, qui se sont toutes soldées par un échec. Mais chaque famille compte un blessé ou un mort. Les miliciens du village ont désormais une mission d’observation.
Récemment, le village voisin a été libéré. Nous souhaitions visiter la forteresse de ce village, mais le secteur n’a pas été encore entièrement déminé, donc nous n’irons pas.
Nous sommes ensuite reçus très aimablement dans une famille chrétienne amie. Nous y apprenons qu’Al Baghdadi aurait été tué par un commando américain à Idlib.
Puis nous nous dirigeons vers Alep en repassant par Hama, et en contournant l’autoroute M-5, pas encore ouverte, et qui longe Idlib, la poche terroriste. Nous dînons dans un superbe restaurant sur une terrasse. C’est l’occasion d’écouter des anciens de l’OAS qui nous accompagnent évoquer leurs souvenirs, les collages d’affiches, leur regret d’avoir échoué à mettre en place une Algérie où auraient cohabité Européens et musulmans, et leur fierté d’avoir pu rapatrier des harkis en France en juillet 1962. Au retour en France, les cellules armées puis la prison…
28 octobre
Nous visitons le musée des antiquités d’Alep, rouvert quatre jours auparavant avec l’aide financière du Japon, et où j’ai la surprise de découvrir, dans le jardin, une croix celtique sculptée. Nous visitons ensuite le célèbre souk d’Alep, très endommagé (car devenu champ de bataille), mais dont des ouvriers entreprennent déjà la reconstruction avec les pierres d’origine.
Nous arrivons à la citadelle d’Alep, impressionnante forteresse médiévale qui est restée aux mains des forces loyalistes tout le long du conflit. Elle a été sur la ligne de front plusieurs années et totalement encerclée pendant trois mois. Nous sommes accompagnés d’un ami syrien qui a participé aux combats à Alep (il y a été gravement blessé) et nous raconte les tentatives des rebelles de prendre la forteresse en creusant des galeries depuis le souk pour déboucher dans la forteresse. Les rebelles se servaient de machines modernes de percement de galeries acheminées à grand frais depuis l’étranger. Les rebelles ont réussi à faire surface, tuer quelques soldats mais l’alerte ayant été donnée ils n’ont pu s’emparer de la place.
Nous visitons une fabrique du fameux savon d’Alep où nous ne manquons pas d’alléger les stocks que les fabricants peinent à écouler en raison du blocus économique. À la tombée de la nuit nous décidons de prendre un verre à l’hôtel Baron, un ancien hôtel de prestige aujourd’hui désaffecté, mais qui a gardé son décor d’origine. Malgré une panne d’électricité, nous sommes tout de même reçus dans le bar au décor défraîchi mais grâce auquel, sans effort d’imagination, on se transporte, à la lueur de quelques lampes torches et enfoncés dans des fauteuils club, au milieu des années trente. La propriétaire des lieux, une vieille dame charmante, arménienne, nous raconte l’histoire de ce lieu, les heures fastes des débuts de l’hôtel, l’entrepreneur inspiré, les hôtes illustres de l’hôtel, les immenses jardins mutilés par la nationalisation des biens lors de l’après-guerre et transformés en immeubles sans âme. Après un long déclin, l’hôtel a dû cesser définitivement son activité avec la guerre. Alors que la ligne de front était à cinquante mètres, la propriétaire n’a jamais abandonné l’hôtel, tandis que la plus grande partie de la communauté arménienne fuyait la ville – émigration encore accrue avec l’avancée turque en Syrie. Les Turcs rêvent de reconstituer l’Empire ottoman, et notamment de s’emparer d’Alep. Les massacres perpétrés par les Turcs sur les Arméniens au début du XXe siècle sont encore dans tous les esprits.
Nous déambulons dans les couloirs et les chambres de l’hôtel où séjournèrent Lawrence d’Arabie, Agatha Christie, Charles de Gaulle, et d’où le roi Fayçal déclara l’indépendance de la Syrie en 1920. Le jour où il sera restauré, cet hôtel deviendra une des meilleures attractions d’Alep.
29 octobre
La journée se passe dans le car pour le trajet de retour d’Alep à Damas. En raison des troubles à Beyrouth, nous écourtons notre séjour en Syrie, ce qui ne nous laisse pas le temps de voir sur la route le monastère de Mar Moussa. Nous avons le temps en soirée de visiter la splendide mosquée des Omeyyades, ex-basilique Saint Jean-Baptiste rachetée par les musulmans, puis transformée en mosquée en 664, après la prise de Damas par le califat des « Rachidoune » en 634 [Ce mot désigne les quatre califes qui ont succédé à Mahomet et rachidoune signifie « bien guidé ». Il s’agit d’Abou Bakr (632-634), d’Omar (634-644), d’Othman (644-656) et d’Ali (656-661), le gendre de Mahomet. Damas, occupée une première fois en 634, est passée pour des siècles sous autorité musulmane en 636, sous le califat d’Omar, après reddition des Damascènes à Amr ibn Al Aç, chef des armées musulmanes]. L’église elle-même avait été construite avec les restes d’un sanctuaire dédié à Jupiter, dont subsiste seulement le fronton.
Nous avons la surprise d’apprendre que la mosquée abrite le tombeau de Saint Jean-Baptiste, qui est cité dans le Coran. Chrétiens comme musulmans viennent s’y recueillir. Nous ressortons dans l’immense et splendide cour de la mosquée, qui n’est pas sans rappeler la place Saint Marc à Venise.
Nous traversons la cour pour voir un autre sanctuaire, où est conservée la tête d’Hussein, compagnon et petit-fils du Prophète, simple homme pour les sunnites, mais perçu comme un prophète à part entière pour les chiites. Célèbre pour s’être élevé contre les injustices du calife omeyyade et pour sa mort tragique au combat contre les troupes du calife, il est considéré par les chiites comme « prince des martyrs », et comme le troisième des douze imams du chiisme duodécimain. Ses restes font l’objet de pèlerinages importants en Iran et à Damas.
En entrant dans le sanctuaire, nous voyons de jeunes femmes tout en noir sangloter devant le reliquaire. Notre guide nous confirme que, si les rebelles avaient pris Damas, il ne serait rien resté des sanctuaires de Saint Jean-Baptiste et de l’imam Hussein, considérés comme impies par les musulmans rigoristes, qui n’admettent que le culte d’Allah et rejettent fermement celui des prophètes ou des saints. Ainsi les islamistes d’Ansar Eddine ont-ils détruit les tombeaux des saints musulmans à Tombouctou en 2012, les talibans les bouddhas d’Afghanistan en 2001.
La mosquée a été restaurée sous le mandat français ainsi qu’en témoigne une plaque en français à l’entrée de la mosquée.
Nous nous rendons ensuite au musée de Damas. Notre guide nous prévient : « vous verrez, tout est écrit en français ». Le musée vient d’être restauré et rouvert à la visite. Hormis l’inscription « musée national » en l’entrée, tous les panneaux explicatifs sont désormais en arabe et anglais. Mais c’est la conséquence de la rupture des relations diplomatiques en 2011 décidée par Sarközy. L’ambassade et le lycée français ont été fermés, et une faction rebelle basée à l’étranger, faux nez des puissances du golfe et des frères musulmans, a été reconnue comme interlocutrice légitime de la Syrie. Comment s’étonner du recul de notre influence ? Au musée se trouvent des sculptures palmyréniennes et byzantines d’une rare finesse.
Le retour à Beyrouth s’est finalement déroulé sans anicroche (l’armée libanaise ayant entre-temps dégagé les axes routiers), et chacun a pu reprendre son avion.
Chaque participant a été enthousiasmé de ce magnifique voyage dans ce pays martyr, auquel nous avons essayé d’apporter un minime soutien, qui passe par la diffusion d’un compte rendu honnête de ce que nous avons vu dans ce pays. Nous sommes heureux de voir que ce pays se dirige enfin vers la fin de la guerre.
Pour un nationaliste français, habitué à exalter les vertus de son pays, ce voyage incite aussi à l’humilité devant les splendeurs et l’ancienneté de la civilisation syrienne, bien antérieure aux développements les plus raffinés de la civilisation française.
Un bémol à noter : trop de détritus plastiques jonchent les sols et les rivières. La situation était différente avant-guerre. L’épouse du chef de l’Etat, Asma El-Assad, a lancé une campagne de sensibilisation à la protection de l’environnement, campagne interrompue par la dégradation de son état de santé (elle a réchappé d’un cancer).
Un regret : n’avoir pas pu rencontrer, pour des raisons de temps, le Mufti de Syrie et Thierry Meyssan, géopoliticien français non-aligné réfugié en Syrie[12].
À ceux qui souhaiteraient visiter le pays, je recommande de contacter l’organisation par laquelle je suis passé (Rassemblement de la Communauté Syrienne de France) via [email protected].
Longue vie à la Syrie !
[1]http://www.academie-francaise.fr/discours-de-reception-de-m-andrei-makine
[2] https://fr.sputniknews.com/international/201608261027466511-attaque-chimique-syrie/
[3] https://www.france24.com/fr/20130506-syrie-armes-chimiques-pantalonnade-carla-ponte-rebelles-gaz-sarin
[4] https://meta.tv/une-etude-de-lattaque-chimique-de-la-ghouta-en-syrie-defie-la-version-occidentale/
[5]https://www.facebook.com/pg/syriancommunityinfrance/about/?ref=page_internal
[6] https://www.voltairenet.org/article210197.html
[7]http://www.democratie-royale.org/article-israel-shahak-oded-yinon-le-plan-de-remodelage-du-proche-orient-1982-88779290.html
[8]https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/entretien-avec-roland-dumas-sur-la-148405
[9]https://www.les-crises.fr/retour-a-damas-par-richard-labeviere/
[10]https://soschretiensdorient.fr/index.php/fr/syrie/missions/93-developpement-economique-a-maaloula
[11] A voir sur la chaîne YouTube de Russia Today : https://www.youtube.com/watch?v=zl8rqJ6oD-s
[12] https://www.voltairenet.org/fr
Ayant fait, en mai 1999, avec mon épouse et des amis, le voyage que vous décrivez si bien aujourd’hui (Damas, Homs, Alep, le Krak des Chevalers, Palmyre, …), et étant retourné en 2005, après l’assassinat d’Hariri, à Damas pour dire à nos amis Syriens qu’il y avait des Français à leurs côtés pour que la Syrie et son gouvernement légitime et légal ne se sentent pas seuls devant le complot international qui tentait de les détruire, je vous suis très reconnaissant du témoignage que vous apportez. J’en souhaite la diffusion la plus large possible, dans l’intérêt de la paix que l’on peut souhaiter à ce pays.
Je ne peux malheureusement pas m’associer à ce que vous dites des Français « anciens de l’OAS » qui vous ont accompagné, ayant servi (de mon mieux) en Algérie où ils ont rendu de bien mauvais services à notre pays et à l’Algérie.
Merci en tout cas de votre effort pour aider la Syrie d’aujourd’hui à retrouver une vie normale.
Michel Debray, vice-amiral en 2ème section