Vladimir Poutine dans son allocution du 21 février 2022 stigmatisait les persécutions et violences à l’encontre des fidèles de l’Église orthodoxe ukrainienne, canoniquement rattachée au patriarcat de Moscou et présente sur le territoire de l’Ukraine actuelle depuis plus de mille ans : « Kiev continue à préparer un massacre contre l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou également. Et ce n’est pas une évaluation émotionnelle, des décisions et des documents spécifiques le montrent. Les autorités ukrainiennes ont cyniquement transformé la tragédie de la scission de l’Église en un instrument de politique d’État. Les dirigeants actuels du pays ne répondent pas aux demandes des citoyens ukrainiens d’abroger les lois qui portent atteinte aux droits des croyants. En outre, de nouveaux projets de loi ont été enregistrés à la Rada contre le clergé et les millions de paroissiens de l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou. »
Au-delà de l’outrance ou de l’exagération dans l’emploi du terme de « massacre » mais qui est loin d’être l’apanage de Poutine (cf : les délirantes outrances verbales des Occidentaux et des Américains accusant la Russie de prétendus « crimes contre l’humanité » et même « génocide »…), il n’en reste pas moins qu’il y a eu et qu’il y a toujours, aujourd’hui, en Ukraine, des violences et persécutions à l’encontre de certains orthodoxes par d’autres orthodoxes et par les uniates. Des violences qui ont été suscitées par le pouvoir à Kiev et parfois même par les États-Unis !
Il y a en effet, en Ukraine, deux Églises orthodoxes. Ou plutôt, une Église orthodoxe ukrainienne canonique et une pseudo Église orthodoxe d’Ukraine schismatique.
L’Église orthodoxe ukrainienne canonique
« L’Église orthodoxe ukrainienne » a à sa tête le métropolite Onuphre, élevé le 22 novembre 2000 comme Métropolite de Kiev et de toute l’Ukraine avec résidence à la laure des Grottes de Kiev. Elle est l’héritière de l’ancien exarchat ukrainien du Patriarcat de Moscou depuis que le patriarche œcuménique délégua, en 1686, au patriarche de Moscou le pouvoir d’ordonner le métropolite de Kiev.
Elle a reçu sa nouvelle dénomination en janvier 1990. Plus tard elle fut reconnue auto-administrée, tout en restant rattachée canoniquement au patriarcat de Moscou.
L’Eglise orthodoxe d’Ukraine schismatique et non canonique
A côté existe aujourd’hui une prétendue « Église orthodoxe d’Ukraine », dont la fondation a été suscitée à la demande du président ukrainien de l’époque Petro Porochenko, et du Parlement national en Ukraine, par la fusion, en 2018, de « l’Église orthodoxe ukrainienne » rattachée au Patriarcat de Kiev et de « l’Église orthodoxe autocéphale ukrainienne ».
« L’indépendance de notre Église fait partie de nos politiques pro-européennes et pro-ukrainiennes » (Petro Porochenko)
Ces deux scissions chauvinistes n’avaient d’existence que par leur russophobie et aucune des deux n’étaient reconnues par aucune autre église orthodoxe à travers le monde…
L’« autocéphalie » (indépendance) de cette église schismatique n’a d’ailleurs pas été non plus pleinement et canoniquement reconnue par les autres Églises orthodoxes canoniques. Seuls, en 2019, le Patriarcat œcuménique de Constantinople et le Patriarcat orthodoxe d’Alexandrie l’ont fait. Et cette décision a été condamnée par Moscou, qui a mis un terme à ces relations avec Constantinople à cette occasion.
Après le schisme, la répression de Kiev
Aujourd’hui, depuis le déclenchement de l’opération militaire spéciale russe en Ukraine, l’Église orthodoxe ukrainienne historique et traditionnelle est menacée de dissolution et de saisie de tous ses biens par le pouvoir à Kiev de la marionnette Zelensky. Et ses fidèles sont sommés de « changer » de confession et de se soumettre à la pseudo église orthodoxe schismatique dite « Église orthodoxe d’Ukraine ».
En effet, un projet de loi daté du 22 mars 2022 intitulé « Sur l’interdiction du Patriarcat de Moscou sur le territoire ukrainien » a été publié sur le site du Parlement ukrainien. Il prévoit :
- l’interdiction, sur le territoire ukrainien, du Patriarcat de Moscou et des organisations religieuses qui en font partie,
- la menace d’une confiscation massive de « tous les biens ecclésiastiques des organes suprêmes du pouvoir ecclésiastique et de l’administration de l’Église orthodoxe russe en Ukraine (…) qui devront être inventoriés et nationalisés dans un délai de 48 heures » à partir de l’entrée en vigueur de la loi,
- l’injonction aux communautés religieuses, monastères et établissements d’enseignement du Patriarcat de Moscou, dans les 14 jours à partir de son entrée en vigueur, de changer leur subordination ecclésiastique pour pouvoir conserver leurs biens.
Le document précise que les laures de la Sainte-Dormition à Kiev, à Potchaïev, et à Sviatogorsk, ainsi que d’autres monuments architecturaux d’importance nationale, appartenant ou étant utilisés par le Patriarcat de Moscou deviendront la propriété de l’État, et que les décisions précédentes sur leur utilisation seront annulées.
Le projet prévoit également que, lors d’un changement de subordination, le Service de sécurité d’Ukraine (le sinistre SBU qui a déjà liquidé deux négociateurs… ukrainiens dans les pourparlers avec la Russie) vérifiera les informations sur « l’activité anti-ukrainienne, antiétatique, ou collaborationniste avec l’agresseur russe » ajoutant que les éventuels coupables seraient punis conformément à la loi. On voit là que les anciennes mœurs « soviétiques » ne sont peut-être pas seulement l’apanage de Russes nostalgiques…
La violence habituelle contre les fidèles à l’Orthodoxie depuis 2014
Mais pour les croyants de l’Église orthodoxe ukrainienne, fidèles au Patriarcat de Moscou en Ukraine, ces menaces ne sont pas une nouveauté. Depuis la révolution colorée du « Maïdan » qui a porté une clique européiste et atlantiste, fanatiquement antirusse, au pouvoir à Kiev, ils sont les victimes de violences et intimidations permanentes. Des violences que le pouvoir à Kiev n’a jamais tenté de faire cesser ou apaiser puisqu’il en est généralement à l’origine ou qu’il les attise comme le schisme précédemment cité !
Car Kiev fait la guerre à tout ce qui est russe ou vient de Russie depuis plus de 8 ans, ce qu’oublient de dire complaisamment tous les médiats occidentaux de la grosse presse pourrie.
Ainsi, de nombreuses échauffourées se sont notamment produites lors de tentatives d’accaparement par des Ukrainiens d’églises voulant rester fidèles à Moscou.
On ne compte plus les églises murées ou prises d’assaut pour être réaffectées par la violence aux schismatiques, et parfois mêmes purement et simplement incendiées.
Les médiats orthodoxes recensent un nombre croissant d’attaques violentes et d’incidents, de pression contre l’Église orthodoxe ukrainienne canonique :
« Parmi les nombreuses histoires récentes, le diocèse de Rivne rapporte que les députés locaux ont entamé un processus visant à envisager d’interdire l’Eglise orthodoxe ukrainienne [canonique] dans le village de Tarakaniv.
Un autre incident s’est produit dans le village de Verkhnya Yablunka, dans la province occidentale de Lvov, où un prêtre a été violemment traîné hors de l’église pendant la Liturgie. L’église a pris feu plus tard dans la soirée. »
Récemment encore, à l’église de l’icône de la Mère de Dieu de Pochaev, qui se trouve sur un terrain privé et qui a été consacrée en août dernier, pendant le service donné par l’archiprêtre Ilya Urusky, lors de la récitation du Credo de Nicée, des représentants du gouvernement, accompagnés de prêtres et de paroissiens de la schismatique « Église orthodoxe d’Ukraine » et de l’Église catholique uniate, sont entrés dans l’église et ont traîné violemment le Père dehors dans la rue quand il a refusé d’arrêter l’office !
Les paroissiens qui étaient présents ont également été menacés de devoir fréquenter une église de l’église schismatique ou uniate dimanche prochain, sinon « certaines mesures seront appliquées à leur encontre » ; et la chef du village, Eva Semkiv, a déclaré qu’ils avaient fermé l’église parce que le peuple refusait de quitter le Patriarcat de Moscou ! L’église en bois a été incendiée dans la nuit le lendemain…
Bien sûr, dans les médiats occidentaux, rien sur ces violences qui durent depuis 2014 en Ukraine mais que Vladimir Poutine n’a, lui, pas oublié dans son intervention expliquant les buts de son opération militaire.
Rien à part, évidemment, les imprécations de quelques « orthodoxes » en France contre le Patriarche Kyrille qui aurait, en quelque sorte, selon leurs délires et fantasmes, prêché la croisade contre l’Ukraine. Comme la tribune outrancière de Jean-François Colosimo dans Le Figaro du 24 mars 2022 appelant à « le faire déposer [Kyrille] » par les autres primats orthodoxes.
On lira donc ci-dessous la réponse d’un orthodoxe en France qui « remet les pendules à l’heure » :
Réponse d’un orthodoxe « vibrant (aussi) de colère » à M. Colosimo
Dans un réquisitoire digne de Fouquier-Tinville, paru dans Le Figaro du 24 mars 2022, M. Colosimo enjoint à tous les orthodoxes de « fustiger » (étymologiquement « battre à coups de fouets ! ») le patriarche Cyrille de Moscou et, ni plus ni moins, « de le faire déposer » par les autres primats. Pour ce faire, il invoque les canons de l’Église orthodoxe sans, bizarrement, en citer aucun.
Donc, puisque celui-ci s’adresse à tous les orthodoxes (à quel titre ?), je dirai pourquoi je ne « fustigerai » pas le patriarche. La première raison est que chacun, selon les canons, « doit garder la mesure qui lui convient » (14e canon du Concile Prime-second).
Quant à la question de fond, force est de constater que ce n’est pas la première fois, dans l’histoire de l’Église, que sa hiérarchie fait face à une situation difficile. Parmi les exemples récents, il y a la guerre russo-japonaise (130 000 morts) en 1905. À cette époque, l’Église russe développait une mission florissante au Japon, dont le chef était l’archevêque Nicolas (Kassatkine, +1912), depuis lors canonisé. S’il donna sa bénédiction aux clercs japonais afin de célébrer des offices pour la victoire de leur pays, il n’y participa pas lui-même : il ne pouvait agir à l’encontre de ses frères, qui versaient leur sang, même pour une cause discutable. Il y a aujourd’hui un certain parallèle : alors que le patriarche ne dénonce pas l’action de son gouvernement – il ne faut tout de même pas oublier que le président Poutine, l’homo sovieticus selon M. Colosimo, a reconstruit les églises détruites – ses propres hiérarques en Ukraine se trouvent aux côtés du gouvernement ukrainien. A-t-il « fustigé » ses évêques en Ukraine ? Eh bien, non ! Plus récemment encore, en 2018, le patriarche Bartholomée de Constantinople, s’est trouvé également dans une position inconfortable : au titre de l’opération « rameau d’olivier » (!) les troupes turques avaient envahi le territoire souverain de la Syrie pour anéantir, on sait comment, la résistance kurde. À cette occasion, le patriarche Bartholomée a envoyé le message suivant au président Erdogan : « Conformément à la tradition de notre Église, nous prions toujours pour l’État, la santé de nos dirigeants… Nous prions pour que vous-même et les Forces armées turques obtiennent le succès et que l’opération ‘rameau d’olivier’ apporte la paix dans la région comme son nom le promet » (Hürriyet, 26.1.2018). Comprenant la difficile situation du Patriarcat de Constantinople vis-à-vis du gouvernement turc, nul n’eût songé à l’époque – et certainement pas M. Colosimo ! – à « fustiger » le patriarche Bartholomée. Deux poids, deux mesures ?
Rappelons encore les nombreuses guerres sanglantes entreprises par l’administration américaine et ses supplétifs européens. Qui, parmi les dirigeants religieux aux États-Unis a « fustigé » les présidents de leur pays pour les crimes de l’OTAN, par exemple en Serbie et en Irak – notamment des bombardements avec de l’uranium appauvri – sans parler des « opérations » ténébreuses semblables dans d’autres pays encore ? La liste est longue, et il convient encore de mentionner comment l’administration étatsunienne a abandonné les Chypriotes grecs à leur triste sort, avec 200 000 réfugiés, leurs églises saccagées dans la « République de Chypre du Nord », et ce jusqu’à ce jour. Où sont « les orthodoxes atterrés, les catholiques et les protestants consternés », dont parle M. Colosimo ? Où étaient-ils lorsque les habitants du Donbass étaient bombardés quotidiennement depuis huit ans ?
En outre, parmi toutes ses affirmations à l’emporte-pièce, M. Colosimo attribue « l’indépendance aux Orthodoxes d’Ukraine » au « concile de 2015 ». En fait, il fait allusion au « Concile de Crète », qui a siégé en 2016… et qui n’a pas statué sur la question, toutes les Églises orthodoxes reconnaissant alors l’Église orthodoxe ukrainienne du Patriarcat de Moscou comme seule Église canonique en Ukraine ! Qui plus est, c’est le patriarche de Constantinople lui-même « à qui revient la primauté » selon M. Colosimo – sans préciser toutefois qu’il est primus inter pares – qui a accordé le statut d’Église autocéphale à un groupe schismatique ukrainien, et ce sous la pression des États-Unis, ce dont se targue M. Pyatt, ancien ambassadeur des États-Unis en Ukraine, puis en Grèce (Pour les curieux, consulter le site du Département d’État américain Ambassador Pyatt’s Remarks at 3rd International Conference on Religious Diplomacy – U.S. Embassy & Consulate in Greece (usembassy.gov), qui est très édifiant à ce sujet). N’est-ce pas là « la confusion entre les sphères religieuse et politique » dénoncée par M. Colosimo et qui ne concerne pas, cette fois, le Patriarcat de Moscou ?
Pour finir, et c’est le principal, le patriarche Cyrille a demandé aux fidèles de réciter quotidiennement le canon d’intercession à la Mère de Dieu pour la paix en Ukraine. Il serait intéressant de savoir combien, parmi tous ceux qui aujourd’hui « fustigent » le patriarche pour des déclarations soi-disant bellicistes, obéissent à une admonestation que nul ne saurait contester. C’est pourtant le seul et vrai moyen de faire cesser au plus vite les souffrances de toute une population. Et il y a, comme dans toute guerre, des morts des deux côtés. Plutôt que des discours, « prions pour la paix du monde entier », comme il est dit dans la liturgie. C’est là la véritable théologie.
Tenant compte de ce qui précède que ceux qui sont sans péché jettent la première pierre au patriarche de Moscou !
Bernard Le Caro
Sources :
Ukraine: le Patriarcat de Moscou bientôt interdit ?
Les Églises ukrainiennes prétexte à l’invasion de l’Ukraine
La persécution de l’Eglise canonique continue en Ukraine
Bernard Le Caro : « Pourquoi je ne fustigerai pas le patriarche de Moscou »
Le diable, avec ses suppôts, tentent de détruire l’Eglise. Notre force réside dans notre foi, notre charité dans notre unité, et notre espérance vraie.
Entre Rome et Moscou, il faut choisir ! Qui pourrait penser que la « chasse » aux nationalistes s’arrêtent aux frontières de l’Ukraine ? …
Et si notre Europe religieuse marchait sur ses deux jambes : globalement catholique à l’Ouest et orthodoxe à l’Est ?