Alan Leveritt est le fondateur et éditeur de The Arkansas Times. Son procès contre la loi anti-boycott de l’Arkansas est en cours d’examen par la Cour d’appel des États-Unis pour le huitième circuit.
L’Arkansas Times est une publication que j’ai fondée il y a 47 ans, nos pages se limitent aux problèmes locaux, comme par exemple la protection de l’extension de Medicaid contre les prédations de la législature de notre État, il aborde également divers aspects de l’histoire et de la culture de l’Arkansas. J’ai donc été fors surpris lorsqu’en 2018, j’ai reçu un ultimatum du Pulaski Technical College de l’Université de l’Arkansas, un annonceur de longue date : pour continuer à recevoir ses dollars publicitaires, nous devrions certifier par écrit que notre entreprise n’était pas engagée dans un boycott d’Israël. C’était complètement incongru, un de nos derniers articles se préoccupait des vertus du Sims Bar-B-Que à Broadway – pourquoi serions-nous obligés de signer un engagement concernant un pays du Moyen-Orient ?
J’ai fini par comprendre de quoi il s’agissait. En 2017, l’Arkansas s’est engagé à renforcer le soutien à Israël en exigeant que les agences publiques ne fassent pas affaire avec des entrepreneurs qui refuseraient de garantir qu’ils ne boycottaient pas Israël. L’idée derrière le projet de loi remonte à 16 ans. En 2005, la société civile palestinienne a lancé une campagne appelant au « boycott, au désinvestissement et aux sanctions contre Israël tant que ce pays ne se plierait pas au droit international et aux principes universels des droits de l’homme ». Partout dans le monde, Boycott, Désinvestissement et Sanctions, ou B.D.S., a pris de l’ampleur. En réponse, Israël et les lobbyistes ont utilisé plusieurs stratégies pour écraser le mouvement. Aux États-Unis, une de ces stratégies a pris la forme de loi anti-B.D.S. Actuellement, plus de 30 États ont des dispositions légales similaires à celles de l’Arkansas.
Notre annonceur nous a bien fait comprendre que l’Arkansas Times était tenu de répondre dans les plus brefs délais. Bien qu’il ne nous serait jamais venu à l’idée de boycotter Israël et bien que le financement de l’État soit une source importante de nos revenus, notre réponse a été non. Nous n’avons pas à prendre de positions politiques en fonction de nos contrats publicitaires. Signer un tel engagement aurait signifié pour moi renoncer à notre droit à la liberté de conscience et aurait fait de nous des journalistes indignes des protections que nous accorde le premier amendement.
C’est ainsi qu’au lieu de signer, nous avons au contraire intenté une action en justice pour faire annuler la loi, représentée par l’American Civil Liberties Union, au motif qu’elle viole le premier et le 14e amendement. La procédure est toujours en cours.
Dans l’Arkansas, la mandature législative est dominée par des évangéliques conservateurs comme l’ancien chef de la majorité au Sénat, Bart Hester. Il est présenté dans le nouveau film documentaire « Boycott », réalisé par Julia Bacha et produit par le groupe Just Vision. « Boycott » suit trois plaignants, dont moi, qui contestent les lois anti-boycott de leurs États.
Dans le film, le sénateur Hester explique que ses croyances religieuses motivent tout ce qu’il fait en tant que représentant du gouvernement, y compris la rédaction de la loi anti-boycott de l’Arkansas. Il fait également état de ses croyances eschatologiques : « Il va se passer certaines choses en Israël avant le retour du Christ. Il y aura des famines, des maladies et des guerres. Le peuple juif retournera dans sa patrie et à ce moment-là, Jésus-Christ pourra revenir sur terre ». Et d’ajouter : « Toute personne, juive ou non, qui ne reconnaît pas le Christ, à mon avis, finira en enfer ». Le sénateur Hester voit donc la loi anti-boycott comme un moyen de soutenir Israël, dont le retour à ses frontières bibliques, selon sa lecture des écritures, est le préalable de la Seconde Venue et de l’Armageddon.
En d’autres termes, le sénateur Hester se permet d’associer religion et vie publique d’une manière qui, selon nous, empiète sur nos droits du premier amendement. Ces types de lois ne se limitent pas aux États dans lesquels les chrétiens fondamentalistes ont de l’influence. En 2016, la Californie a adopté une loi obligeant les grandes entreprises travaillant avec une administration publique à certifier qu’elles ne feront pas de discrimination à l’encontre d’Israël. Andrew Cuomo, le gouverneur de New York, a signé un décret qui oblige les entités étatiques à se désengager financièrement de toute une série d’organisations considérées par l’État comme participant au boycott. Le sénateur Chuck Schumer de New York a proposé une législation nationale anti-boycott.
Soyons clairs, les États conditionnent les droits du premier amendement de leurs citoyens à ce qui ressemble à un soutien inconditionnel à un gouvernement étranger.
Lorsque notre affaire est arrivée devant le Tribunal fédéral de district en 2019, l’État a fait valoir que le boycott ne relevait pas du discours politique mais plutôt du domaine économique et qu’à ce titre, il relevait de la compétence de l’État. Nous avons trouvé cet argument absurde : la mythologie fondatrice de notre nation ne comporte-t-elle pas un certain boycott du thé ? Depuis lors, on a eu recours à maintes reprises au boycott comme mode d’expression politique, par exemple lors du boycott des bus de Montgomery pour mettre fin à la ségrégation ou lors de la grève des raisins de Delano pour protester contre l’exploitation des ouvriers agricoles. On se souvient aussi de ces étudiants qui à travers tout le pays se sont mobilisés pour des boycotts anti-apartheid de l’Afrique du Sud. En 1982, le droit au boycott en tant que méthode de discours politique collectif a été confirmé par une décision unanime de la Cour suprême dans l’affaire N.A.A.C.P. v. Claiborne Hardware Company.
Et pourtant, le juge du district, Brian Miller, a statué contre nous. Nous avons fait appel – et gagné – en février, devant le huitième circuit qui comprenait alors un éventail de trois juges. Mais le 10 juin, une nouvelle audience par l’ensemble de la huitième cour de circuit a été ordonnée. Cette audience a eu lieu le 21 septembre et une décision est attendue très bientôt. Franchement, nous craignons que cela n’aille pas dans notre sens.
Si nous perdons devant la cour d’appel (huitième circuit), notre dernier espoir sera alors la Cour suprême. Mais notre cas n’est pas isolé. En 2018 et 2019, les tribunaux fédéraux du Texas, de l’Arizona et du Kansas se sont prononcés contre les lois anti-B.D.S. de leurs États. Si la Cour suprême se prononce contre nous, les autres décisions favorables pourraient se voir remises en cause. Une autre source d’inquiétudes, c’est que ces États ont depuis modifié leurs lois anti-boycott, réduisant leur champ d’application afin qu’elles ne s’appliquent qu’aux entreprises comptant un grand nombre de sous-traitants et aux marchés publics supérieurs à 100 000 USD, mais sans aborder ce que nous considérons comme le fondement des lois. Inconstitutionnalité.
Bien que la presse de l’Arkansas ait couvert l’affaire, il y a eu peu de soutien éditorial ou de commentaires sur notre combat. L’Arkansas Democrat-Gazette a signé l’engagement, tout comme Arkansas Business, notre journal économique. Et pourtant, la liberté d’expression est une valeur américaine sacrée et fondamentale pour nos idéaux démocratiques.
Si de telles lois anti-boycott passent, on peut s’attendre à ce qu’une multitude d’autres du même tonneau suivent. Ainsi, le Texas vient d’adopter pas plus tard que le 1er septembre dernier, deux lois – l’une interdisant aux agences d’État de faire des affaires avec des entrepreneurs qui boycottent les combustibles fossiles et l’autre interdisant aux agences de conclure des contrats avec des entreprises qui boycottent des sociétés d’armes à feu ou des associations professionnelles.
L’issue du procès de l’Arkansas Times est incertaine, mais une chose est sûre : ces lois anti-boycott qui permettent à un gouvernement d’exercer une pression financière pour dissuader les récalcitrants, ne feront qu’encourager l’apparition de lois toujours plus répressives qui risquent, à terme, d’étouffer toute liberté d’expression.
Alan Leveritt
Traduction : Jeune Nation
Si même dans l’Arkansas ils commencent à comprendre ce qui se passe en Occident …
tout espoir n’est pas perdu.
Mais chez nous, il y en a un qui est candidat aux présidentielles,
et il y a des gogo patriotes qui le suivent:
ils peuvent toujours se moquer des red neck Akansassiens
Pas à une absurdité près:
contrer un éventuel boycott par un boycott préventif sur les recettes de parrainage.