L’histoire des idées n’est pas qu’une simple chronologie d’événements, elle est aussi celle des figures marquantes qui ont osé remettre en cause l’ordre dominant. Parmi elles, Ezra Pound (1885-1972) occupe une place singulière. D’abord reconnu comme un poète de génie, ce natif des États-Unis s’installe en Italie en 1924 et devient un ardent défenseur des principes du fascisme mussolinien, tout en développant une critique radicale de l’usure et de la domination financière.
Mussolini et la vision du fascisme
Avant d’examiner les idées d’Ezra Pound, il est essentiel de comprendre le contexte dans lequel elles se développent. Benito Mussolini (1883-1945) fut d’abord un socialiste révolutionnaire avant de fonder en 1919 les Faisceaux de combat, qui évolueront en Parti National Fasciste en 1921. L’idéologie fasciste repose sur la fusion de l’idée et de l’action, prônant un État fort, discipliné et organique en opposition à l’individualisme libéral et au marxisme.
Le fascisme conçoit l’État comme l’expression la plus élevée de la volonté nationale et de l’unité spirituelle du peuple. Il récuse les dérives parlementaires et la fragmentation des partis qui affaiblissent la nation. C’est dans ce cadre que Pound trouve une résonance à ses propres idées, notamment sur la question économique.
L’engagement d’Ezra Pound : une critique radicale de l’usure
Ezra Pound ne fut pas qu’un simple sympathisant du fascisme. Il en devint un ardent défenseur, notamment par ses émissions radio en Italie et ses nombreux écrits, comme Le Travail et l’Usure (1968). Pour lui, l’usure est le grand fléau de l’humanité, un système de parasitage où la finance prédate le travail productif.
Selon Pound, le contrôle de la monnaie par des intérêts privés engendre un système où la dette devient l’outil de domination des peuples. Il dénonce avec ferveur l’exploitation des nations par les banquiers internationaux, qui, en manipulant le crédit et les taux d’intérêt, provoquent des cycles de crises et de guerres à leur profit.
Une vision économique alternative
Dans sa critique du système financier, Pound rejoint les nationaux-révolutionnaires et les penseurs anti-usure qui préconisent une économie au service du peuple et non des marchés. Il promeut un système monétaire débarrassé de l’intérêt abusif, où la monnaie serait un simple outil d’échange et non une source de spéculation.
Pour lui, la guerre elle-même est une conséquence directe du système usuraire : en provoquant la rareté et la dette, les banquiers internationaux s’assurent un pouvoir absolu sur les états et les peuples. C’est en cela qu’il voit dans le fascisme une solution, un système capable de briser les chaînes de la finance internationale.
Un destin tragique : l’emprisonnement et l’exil
L’engagement de Pound ne resta pas sans conséquences. En 1945, il est capturé par les forces américaines et interné dans un camp de prisonniers à Pise. Par la suite, il est extradé aux États-Unis, où il est enfermé pendant douze ans dans un asile psychiatrique sous prétexte d’instabilité mentale. Ce traitement n’est autre qu’une mise au ban orchestrée par le système qu’il avait combattu.
Libéré en 1958, il retourne en Italie, où il passe les dernières années de sa vie dans la discrétion. Il meurt en 1972 à Venise, et repose aujourd’hui au cimetière de San Michele.
Un héritage à réhabiliter
L’histoire officielle cherche encore à effacer la pensée d’Ezra Pound, à la réduire à un simple délire antisémite ou à une folie passagère. Pourtant, ses analyses économiques et sa critique de l’usure demeurent d’une pertinence brûlante.
Il appartient à ceux qui refusent la soumission aux dogmes dominants de redécouvrir son œuvre et de la replacer dans le combat contre la finance apatride et pour la souveraineté des nations. Ezra Pound, par son courage intellectuel et son engagement, reste une figure incontournable pour ceux qui cherchent à comprendre les rouages de la domination moderne et à y résister.
Si un jour vous passez par Venise, faites un détour par San Michele et rendez hommage à celui qui osa défier l’ordre établi.
Andrea
Références bibliographiques :
- Pound, Ezra. Le Travail et l’Usure. 1968.
- Pound, Ezra. Cantos. 1925-1969.
- Pound, Ezra. Guide to Kulchur. 1938.
- Pound, Ezra. ABC of Economics. 1933.
- Pound, Ezra. Jefferson and/or Mussolini. 1935.
- Redman, Tim. Ezra Pound and Italian Fascism. Cambridge University Press, 1991.
- Surette, Leon. Pound in Purgatory: From Economic Radicalism to Anti-Semitism. University of Illinois Press, 1999.
- Mussolini, Benito. La Doctrine du Fascisme. 1939.
- Feldman, Matthew. Ezra Pound’s Fascist Propaganda, 1935-1945. Palgrave Macmillan, 2013.