Avec cette seconde partie (première partie : L’O.N.B et la jeunesse italienne sous le régime fasciste), intéressons-nous un peu plus aux Balilla (Garçons de 6 à 14 ans) ainsi qu’aux Piccole italiane (Filles de 6 à 14 ans). Plus exactement examinons la pédagogie et le programme que l’ONB proposait pour l’école élémentaire en 1932. Nous allons voir quel était l’état d’esprit du fascisme ainsi que son but à travers la pédagogie scolaire que celui-ci prescrivait à la jeunesse italienne.
Avant cela, afin de mieux visualiser le cadre dans lequel la jeunesse italienne étudiait, jetons un rapide coup d’œil sur la description d’une école fasciste « moyenne », ici celle de Maccarese.
Les tables et le bancs sont vernis, ils resplendissent. Le régime fasciste aime par dessus tout les planchers et les meubles bien cirés. Des murs blancs décorés d’affiches hautes en couleurs représentent des enfants s’attelant à leur toilette matinale. D’autres décorations évoquent subtilement des paysannes s’affairant au ménage de leurs foyers. De grands graphiques louent la victoire du blé et s’accompagnent de beaux épis accrochés sur presque tous les murs. Rappelons que cette année-là (1932), le pays réussit à produire, grâce à une politique fasciste interne intelligemment menée, plus de 90% de son besoin en blé. Des portraits du Roi, du Duce et du Christ se trouvent aisément dans de nombreuses salles du bâtiment. Des cartes de la Patrie, du monde et de ses terres lointaines offrent une nourriture profitable aux échappées imaginaires enfantines. Enfin, pour finir, des reproductions de scènes patriotiques finissent de pousser les enfants à s’évader, à croire en eux.
Sur ces murs clairs, le Régime fasciste expose ses réussites, vante ses efforts, étale ses preuves, évidentes, triomphantes, exaltantes…
Inutile de préciser que le salut à la romaine y est de mise. Pour les plus petits comme pour les grands.
L’école se veut obligatoire sous l’ère fasciste. Elle l’est jusqu’à 14 ans pour tous les jeunes. L’école élémentaire a pour mission d’accueillir les enfants allant de 6 à 12 ans environ et est divisée en six sections. Chacune de ces sections a un programme bien spécifique adapté à l’âge de l’enfant. Afin d’y voir plus clair voici un tableau explicatif :
Ainsi pouvons-nous remarquer, dans un premier temps, que la religion est présente dans toutes les classes de l’école élémentaire. Bien évidemment, la relation qu’eurent, à cette époque, le fascisme et le catholicisme à déjà fait l’objet de plusieurs articles, voir de livres… Tous plus intéressants les uns que les autres, je vous l’accorde bien volontiers. Mais ici, nous nous contenterons de nous en tenir aux faits. La religion, à l’école élémentaire fasciste de l’ONB, est enseignée chaque année sans exception par des maîtres laïques dans des bâtiments tout aussi laïques.
Vient ensuite l’enseignement artistique qui comprend le chant, le dessin et la récitation. En classe préparatoire, le chant est purement récréatif. Pour les classes de 1ère et 2ème, un série d’exercices d’intonations et de rythmes se mêlent aux chœurs. En classes supérieures (3ème, 4ème et 5ème année), on y introduit l’enseignement du solfège ainsi que la pose individuelle des voix.
Concernant le dessin, il joue un rôle fondamental au sein de la pédagogie fasciste. Le dessin libre et spontané est une excellente école d’observation. Pour les fascistes, c’est un mode d’expression à part entière ainsi qu’une des meilleures initiation à l’art. Ici, selon les classes, le programme varie. Les règles sont tournées de façon à stimuler l’éveil et le développement progressif chez l’enfant. L’observation, la mémoire visuelle, le sens des couleurs sont ainsi travaillés permettant de faire naître une personnalité artistique chez l’élève. Ces méthodes, plus ou moins proches de la méthode Montessori, sont d’une originalité qui ne laissent personne indifférent.
Voici le programme en huit parties attribué aux premières et deuxièmes classes :
- Discerner chez chaque élève le degré d’intuition et d’observation ; les classer.
- Exercices portant sur les trois couleurs principales ( jaune, rouge, bleu). Recherche et traitement du daltonisme.
- Mêmes exercices pour le vert, l’orange et le violet. Indication de correspondances avec les couleurs précédentes.
- Formation de l’échelle des couleurs.
- Concentration de l’observation sur des objets simples, dessin de mémoire. Nouveau classement des élèves d’après l’activité intuitive et l’intelligence.
- Reproduction par découpage d’objets blancs et colorés.
- Premiers éléments de technique du dessin, pose du corps et de la main, utilisation du cahier et du crayon.
- Contemplation d’œuvres d’art, présentées en reproductions en couleurs et en projection lumineuse.
Au maître, il est aussi recommandé ; de ne pas exposer les dessins afin qu’aucune critique négative ne viennent freiner l’élan d’ingénuité ; d’encourager les dessins en famille favorisant une ambiance saine et fructueuse ; de ne jamais toucher aux dessins des enfants ; et enfin de toujours trouver quelque chose de louable et encourageant à dire envers toute tentative de dessin spontanée.
Arrivé en 3ème et 4ème classes, le programme artistique crée par l’ONB comprend l’étude toujours plus poussée des formes, des positions et des couleurs ; le dessin à grands traits ; des essais de composition de couleurs et de nuances diverses. En générale, le dessin prend comme modèle notre belle nature. Il se pratique aussi de petites esquisses à main libre (plans, cartes…). Des concours de mémoire visuelle sont organisés. L’observation d’oeuvres d’art donne régulièrement lieu à d’enrichissantes discussions et descriptions écrites, où l’on s’attachera surtout aux jeux de lumière.
Nous avons ensuite la récitation qui s’étudie surtout à travers des pièces de théâtre proposant également à l’enfant de développer ses »bonnes manières ».
Il est facile de constater qu’ici, l’enseignement d’art fut d’une qualité véritablement supérieure. Je rappel au passage que c’est aux enfants de 6 à 10 ans que fut inculqué cet enseignement d’une si grande profondeur.
Je ne résiste pas à l’envie, chers lecteurs, de vous proposer un court passage. Il s’agit de la façon de raisonner du directeur de cette école élémentaire. Voici ce qu’il nous explique :
« Nous entrainons l’élève, nous l’aidons à se réaliser et à se dépasser. Nous avons une conception optimiste de la vie et nous croyons que chaque créature peut faire d’elle-même un chef-d’oeuvre. Nous avons ouvert les fenêtres sur la vie, nous voulons faire éclore et libérer les âmes. Notre régime scolaire apporte aux enfants les dons magnifiques de la sensibilité religieuse et d’une atmosphère morale à température élevée. Notre jeunesse ne connait plus le désert de l’adolescence, elle vit plus avec ses semblables, et communique mieux avec eux. A l’intérieur du fascisme, dans la certitude permanente qui en est l’expression même, elle aborde la vie sans inquiétudes et sans désarroi. » Extrait tiré du livre « Jeunesse fasciste » de Blandine Ollivier.
Attaquons à présent l’enseignement de l’italien. Il s’agit de la rédaction d’un journal de la vie. Il est rédigé sous forme de compositions afin d’obtenir de véritables traités évoluant et se précisant au fil des mois, des années. Les sujets sont laissés au libre choix de l’élève. Ceux-ci sont souvent empruntés à la nature et la vie à la campagne. Le jardin, le poulailler, la camaraderie, les promenades ou les jeux sont tout autant de sujets libres apparaissant dans les rédactions enfantines fascistes.
L’on y tient également un « Journal d’école ». Celui-ci sera tenu tous les jours et y seront notés pêle-mêle souvenirs, préférences, désirs ou bien critiques. Cet outil s’avère très utile au maître afin de mieux comprendre individuellement ses élèves.
Dans cette matière, une place privilégiées sera faite au Folklore et aux dialectes, ce dernier jouant le rôle d’étape vers la langue littéraire. On étudie également les modes d’expression populaire dans le domaine poétique. L’étude abstraite de la grammaire, pratiquée par quelques pays voisins bornés, est remplacée par l’étude concrète de la langue et du dialecte comparé.
Etude de l’arithmétique, la géographie et l’histoire. Le programme de l’ONB associe intelligemment la grande guerre aux souvenirs de la grandeur Romaine. L’enseignement de l’histoire est exempt, contrairement à certains pays, de toute tendances purement agressives .
Ensuite viennent les sciences physiques et naturelles, renommées »Notions diverses » pour les trois premières classes. Le gros du programme se porte sur l’hygiène. Propagande de propreté, prophylaxie théorique et pratique, conférences traitants de divers fléaux sociaux, hygiène sportive, secours d’urgence, visites d’établissements hospitaliers et industriels… Concernant l’hygiène, les maîtres ont pour devoir d’inspecter les élèves chaque matin.
Apparaissent ensuite, en 5ème élémentaire, quelques notions de droit et d’économie. Seront passées en revue les institutions politiques et administratives, la justice, les sanctions, les obligations civiles et commerciales, la finance, les lois sociales…
Une grande partie du programme est consacré aux activités physiques. La culture physique est, pour le régime fasciste, d’une importance capitale. L’esprit sain et cultivé doit se retrouver dans un corps alerte, athlétique, puissant… pour cela, aux ateliers de jardinage et travaux manuels, s’ajouteront beaucoup de gymnastique, de course à pied et différents sports collectifs.
Une attention spéciale sera faite aux filles avec l’ajout des « travaux féminins » comprenant couture, broderie, soin du ménage, cuisine, hygiène infantile… Ces travaux participent à la formation spirituelle de l’écolière, future mère de famille intelligente consciente et dévouée à son rôle sacré.
Enfin, pour finir nous parlerons d’une matière assez originale dans la pédagogie éducative fasciste, il s’agit des « Occupations intellectuelles récréatives ». L’étude se fait par le divertissement qui prend lui-même une tournure éducative. Narrations libres, concours de dictons ou »du plus beaux récits », histoires ou légendes régionales, danses, chansons, le tout en italien ou en patois… Jeux d’esprit, devinettes, rébus, puzzles, portraits, curiosités arithmétiques et scientifiques expliquées par des récits d’histoire, de géographie ou d’économie inspirant de libres discussions… Tout cela tient dans 25 heures de cours hebdomadaires…
Comme nous avons pu le voir, la pédagogie fasciste, désireuse de développer toutes les ressources de l’âme humaine, s’oppose violemment aux pédagogies antérieures. L’école ou l’on apprenait qu’à lire et à écrire, n’était pour le fascisme qu’une écoles d’esclaves car elle a voulu priver l’esprit de cette liberté qui est sa vie, de cette liberté qui est par définition une expansion infinie à la recherche de la loi. L’éducation fasciste s’est débarrassée de toute didactique abstraite, de cultures desséchantes de la mémoire… Il souhaite que l’enfant découvre les lois et les principes avec la même certitude personnelle que lorsqu’il découvrit la forme et la couleur d’un objet, d’une plante, d’un petit animal… Cette pédagogie leur montre comment juger les choses d’après leur propre expérience et surtout à se méfier des systèmes arbitraires… Cette éducation est une libération.
Songeons-y, lorsque nous accompagnons main dans la main, tous les matins, nos propres enfants à l’école de la République progressiste…
Pour finir citons un exemple de ce que peut donner ce programme fasciste établi par l’ONB. Voici la petite Mariolina, jeune oratrice de 9 ans, surprise lors de la visite d’une école par Blandine Ollivier, dont l’extrait est tiré de son ouvrage. Dans le cadre de la matière « notions diverses et occupations intellectuelles récréatives », elle récite des vers de sa propre composition :
Les hirondelles chantent en chœur,
Et nous crions : « Ce sont elles, ce sont elles ! »
Et avec leur voix mélodieuse
Elles annoncent le printemps.
Tu t’émerveilles tant et tant
De les voir s’en aller, s’en aller ;
Et j’ai vu de mes propres yeux
Que les hirondelles volent vers Dieu.
Merci Mariolina. Tu avais 9 ans… Tu as vécu sous un Régime fasciste considéré comme cérébralement castrateur… et pourtant, à notre époque dite « évoluée », je ne t’arrive pas à la cheville.
Retrouvez Augustin sur son blog : http://conscientia.over-blog.com/
A montrer à notre super ministre actuel de l’Education dite Nationale…