« Quand nous pensons à une personne humaine, nous, nous voyons un père avec ses enfants autour de lui, avec ses enfants autour de sa table, dans la salle de sa ferme, et il leur partage la soupe et le pain, ou dans sa maison de banlieue, et il n’est pas aussi bien que dans sa ferme, ou dans son appartement au troisième et il n’est pas si bien que dans une maison de banlieue, et il revient de son travail et il demande comment s’est passée la journée, ou dans son atelier, et il montre à son petit garçon comment on fait proprement une planche, comment on passe la main sur la planche pour vérifier que le travail est bon. C’est une personne humaine que nous défendons et respectons, cette personne humaine et non une autre, et tout ce qui lui appartient, ses enfants, sa maison, son travail, son champ. Et nous disons que cette personne humaine a le droit que le pain de ses enfants soit assuré, que sa maison soit inviolable, que son travail soit honoré, que son champ lui appartienne.
Que le pain de ses enfants soit assuré, cela veut dire qu’un nègre, un asiate ou un sémite ne lui disputerons pas la place à laquelle il a droit à l’intérieur de la ville, et qu’il ne sera pas obligé, quelque jour, pour vivre, d’être le prolétaire et l’esclave de l’étranger. Que sa maison soit inviolable, cela veut dire qu’il pourra penser ce qu’il veut et dire ce qu’il veut, qu’il sera le maître à sa table et le maître dans sa maison, qu’il sera protégé s’il obéit aux édits du prince, et que le nègre, l’asiate ou le sémite ne paraitront pas devant sa porte pour lui expliquer ce qu’il fallait penser et l’inviter à les suivre en prison. Que son travail soit honoré, cela veut dire qu’il se réunira avec les hommes de son métier, ceux qu’il appelle ses confrères ou ses collègues, comme on voudra, et qu’il aura le droit de dire que son travail est dur, que la chaise qu’il fait vaut tant de livres de pain, que chaque heure de son travail vaut tant de livres de pain, qu’il a le droit lui aussi de vivre, c’est-à-dire de ne pas porter de chaussures éculées et de vêtements en pièces, d’avoir sa radio s’il en a envie, sa maison s’il a mis de l’argent de côté pour cela, son auto s’il a réussi dans son travail, et cette part de luxe que nos machines lui doivent, et que le nègre, l’asiate ou le sémite ne fixeront point à Winnipeg ou à Prétoria le prix de sa journée et le menu de sa table. Et que son champ lui appartienne, cela veut dire qu’il a le droit de se dire maître de cette maison que son grand-père a bâtie, maître de cette ville que son grand-père et ceux des autres hommes de la ville ont bâtie, que nul n’a le droit de la chasser de sa demeure ni de la maison du conseil et que les ouvriers étrangers dont les grands-pères n’étaient pas là quand on a construit le beffroi, les nègres, les asiates et les sémites qui travaillent à la mine ou qui vendent dans les carrefours n’auront point à décider du destin de son petit garçon.
C’est cela que nous appelons les droits de la personne humaine, et nous disons que le devoir du souverain n’est rien d’autre en effet que d’assurer le respect de ces droits essentiels, et de bien gérer sa nation, en bon père de famille comme disent les baux de location, comme le père conduit sa famille ; que les lois ne sont rien d’autre que des règles sages, connues de tous, écrites sur le conseil des hommes compétents, affichées sur les murs et souveraines ; et que ces droits, sans lesquels il n’est point de cité, doivent être défendus par la force s’il le faut, et en tout cas par une protection efficace. Comme on peut le voir, nous sommes partisans, nous aussi, de la défense de la personne humaine. Mais dans ces termes. Et pas au sens où l’entend le Tribunal de Nuremberg. Il ne s’agit que de se comprendre. »
Maurice Bardèche, Nuremberg où la Terre Promise, 1948