Dans le cadre de sa politique sociale, avec l’adoption de la Charte du Travail édictée en 1941, le gouvernement de Vichy entend supprimer la lutte des classes, favoriser l’entente entre patrons et ouvriers, et fonder juridiquement les bases d’un ordre social apaisé et harmonieux, marqué par une collaboration des classes sociales et une organisation des professions.
« Dans mon message du 10 octobre dernier, je vous ai dit que l’on ne peut faire disparaître la lutte des classes, fatales à la Nation, qu’en faisant disparaître les causes qui ont dressé ces classes les unes contre les autres. Ces causes, c’est la menace du chômage, c’est l’angoisse de la misère qu’elle fait peser sur vos foyers. C’est le travail sans joie de l’ouvrier sans métier. C’est le taudis dans la cité laide, où il passe les hivers sans lumière et sans feu. C’est la vie de nomade, sans terre, sans toit. Telle est la condition prolétarienne. Il n’y aura pas de paix sociale tant que durera cette injustice… En réalité, les causes de la lutte des classes ne pourront être supprimées que si le prolétaire qui vit aujourd’hui, accablé par son isolement, retrouve dans une communauté de travail, les conditions d’une vie digne et libre, en même temps que des raisons de vivre et d’espérer… Cela exige qu’une élite d’hommes se donne à cette mission…
Travailleurs français, je vous demande d’entendre mon appel. Sans votre adhésion enthousiaste à l’œuvre de reconstruction sociale, rien de grand ne peut être fait. Sachez vous y donner avec un désintéressement total. Ouvriers, mes amis, n’écoutez plus les démagogues. Ils vous ont fait trop de mal. Ils vous ont nourris d’illusions. Ils vous ont tout promis. Souvenez-vous de leur formule, «Le pain, la paix, la liberté». Nous avez eu la misère, la guerre, et la défaite…
Patrons, parmi vous beaucoup ont une part de responsabilité dans la lutte des classes. Votre égoïsme et votre incompréhension de la condition prolétarienne ont été trop souvent les meilleurs auxiliaires du communisme. Je ne vous demande pas de renoncer à tirer de vos entreprises le bénéfice légitime de vos activités, mais je vous demande d’être les premiers à comprendre vos devoirs d’hommes et de Français.
En faisant de la France une société humaine, stable, pacifiée, vous serez les meilleurs artisans du redressement de la Patrie ». (Maréchal Pétain, Discours du 1er mars 1941 à Saint-Etienne pour présenter la Charte du travail)
La Charte instaure divers organismes à différentes échelles (entreprise, locale, régionale, nationale) : « familles professionnelles », sortes de corporations organisées par branches d’activité, dans les secteurs secondaire et tertiaire, syndicats uniques et obligatoires, « comités sociaux » chargés d’organiser les relations professionnelles au sein des entreprises et des métiers, interdiction de la grève pour les employés tout comme celle du lock-out pour les patrons.
Dans le même temps, la Charte proclame la naissance d’un salaire minimum vital fixé par l’État, conçu comme un seuil en deçà duquel il est interdit de payer un employé. Le minimum vital est le même pour tout le monde, quelle que soit la profession.
Ainsi, le principe d’un salaire minimal universel est pour la première fois envisagé dans le droit social. Jusqu’alors, les revendications syndicales ne portaient que sur l’institution de salaires minima par profession et par région, fixés par convention collective.
Art. 54 : Tous les membres des professions n’appartenant pas à la catégorie des employeurs reçoivent, en contrepartie du travail qu’ils fournissent, une rémunération différente suivant le lieu de leur emploi, leur qualification professionnelle et les conditions spéciales dans lesquelles ils exercent leur activité.
Le salaire est, en conséquence, déterminé d’après les principes généraux ci-après :
1° un salaire minimum vital est perçu par tous les salariés exerçant leur activité normale. Il correspond à la rémunération de celui qui n’a ni charges de famille ni qualification professionnelle ; il varie suivant les lieux d’emploi et le coût local de la vie ;
2° la rémunération professionnelle est un complément au salaire minimum vital. Elle correspond à la qualification professionnelle du bénéficiaire et est différente suivant les professions et le lieu d’emploi ;
3° des suppléments peuvent s’ajouter éventuellement au salaire tel qu’il est obtenu par l’addition des deux éléments ci-dessus pour tenir compte des aptitudes personnelles de l’intéressé, de son rendement, notamment quand il s’agit de travail exécuté « aux pièces », et des conditions particulières dans lesquelles le travail est effectué ;
4° au salaire ainsi défini s’ajoutent les allocations ou suppléments de salaires pour charges familiales résultant, soit de la législation générale sur la famille, soit des dispositions particulières prises par la profession.
Le supplément familial de salaire accordé par les professions peut se traduire par des avantages en nature.
Art. 55 : Le salaire minimum vital, fixé par le Gouvernement, est arrêté par région, département ou localité, sur proposition du comité supérieur des salaires fonctionnant au secrétariat d’Etat au travail. Les conditions d’institution et de fonctionnement de ce comité seront fixées par décret.
Le gouvernement de Vichy légifère à ce sujet jusqu’en 1944. Il procède à une classification des salaires et détermine des échelons. Le Journal officiel du 23 décembre 1943 établit des barèmes précis pour le salaire minimum vital fixé par l’État à 900 francs par mois.
Avec la Charte du travail du 4 octobre 1941 qui prévoit ce « salaire minimum vital… perçu par tous les salariés exerçant leur activité normale » (article 54.1) et « fixé par le Gouvernement » (article 55), le gouvernement du maréchal Pétain est un précurseur des avantages et acquis sociaux.
Même si la charte du travail a été annulée par le GPRF (Gouvernement provisoire de la république Française) le 27 juillet 1944, le salaire minimal vital est recréé le 31 mars 1947, suivi du « salaire minimum interprofessionnel garanti » (SMIG) adopté en 1950, et à partir de 1970 du « salaire minimum interprofessionnel de croissance » (SMIC).
La plupart des dispositions prises par Vichy seront ainsi maintenues après la Libération, et aujourd’hui hypocritement et mensongèrement attribuée au CNR (Conseil National de la Résistance) qui n’a été constitué qu’en mai 1943.
Le salaire minimum vital fut l’une des très nombreuses avancées sociales initiées par le Maréchal Pétain et son gouvernement : les historiens honnêtes relèvent sous Vichy une extension importante de la protection sociale qui se manifeste par l’expansion du nombre de personnes couvertes par les assurances sociales et les allocations familiales, par la création de nouvelles allocations, par le développement des mutuelles et des œuvres sociales d’entreprise, le minimum vieillesse, la médecine du travail…
On voit que cet ensemble d’œuvres et de lois sociales dont certaines sont encore aujourd’hui appliquées constituait pour l’époque une révolution nationale qui n’ignorait pas la justice sociale, inspirée de la doctrine sociale de l’Église, très appréciée par le peuple qui voyait en Pétain un Français instaurant des droits sociaux qui avaient été si longtemps combattus.
A ce sujet on lira toujours avec profit « L’héritage de Vichy, Ces 100 mesures toujours en vigueur » par Cécile Desprairies, éditions Armand Colin (disponible chez Chiré, 256 pages, 27,50 €)