L’Afrique Réelle est la revue mensuelle de référence de Bernard Lugan, au format PDF d’une vingtaine de pages, envoyée le premier de chaque mois aux abonnés par courrier électronique. 45 € annuel. La revue aborde l’actualité, l’histoire et les questions africaines par une approche pluridisciplinaire : géopolitique, historique, économique, culturelle, anthropologique et géographique. L’abonnement à la revue donne droit à l’envoi par e-mail des communiqués et analyses ponctuelles.
SOMMAIRE :
Analyse : Aux sources du « Mal algérien »
Dossier : Réflexions sur la question sahélienne
- Les Touareg vont-ils disparaître ?
- Mali : la cécité des décideurs français
- Ne pas oublier le « jihad business »
Histoire : Heia Safari : la Première guerre mondiale en Afrique orientale
ÉDITORIAL :
La question du Sahel s’observe à travers la fragilité de ses Etats, l’action du jihadisme et l’omniprésence de la criminalité. Faute d’avoir inscrit ce constat d’aujourd’hui dans la longue histoire régionale, les décideurs politiques occidentaux ont additionné les erreurs d’analyse.
Les clés de compréhension de la problématique sahélienne peuvent être articulées autour de dix grandes questions :
1) Espace de contact et de transition, mais également rift racial entre l’Afrique « blanche » et l’Afrique « noire », le Sahel met en relation la civilisation méridionale des greniers ou Bilad el-Sudan (pays des Noirs), et celle du nomadisme septentrional, le Bilad el-Beidan (le pays des Blancs).
2) Milieu naturellement ouvert, le Sahel est aujourd’hui cloisonné par des frontières artificielles, véritables pièges à peuples, dont le tracé ne tient pas compte des grandes zones de transhumance autour desquelles s’est écrite son histoire.
3) Les immensités sahéliennes sont le domaine du temps long dans lesquelles l’affirmation d’une constante islamique radicale est d’abord l’alibi de l’expansionnisme de certains peuples (Berbères almoravides au XIe siècle, Peul aux XVIIIe et XIXe siècles).
4) A partir du Xe siècle, et durant plus d’un demi-millénaire, du fleuve Sénégal au lac Tchad, se succédèrent royaumes et empires (Ghana, Mali et Songhay), qui contrôlaient les voies méridionales d’un commerce transsaharien. Sur ces grands axes s’articulent les trafics d’aujourd’hui.
5) A partir du XVIIe siècle, les populations sédentaires furent prises dans la tenaille prédatrice des Touareg au nord et des Peul au sud.
6) A la fin du XIXe siècle, la conquête coloniale bloqua l’expansion de ces entités nomades et offrit la paix aux sédentaires.
7) La colonisation libéra certes les sudistes de la prédation nordiste, mais, en même temps, elle rassembla razzieurs et razziés dans les limites administratives de l’AOF (Afrique occidentale française).
8) Avec les indépendances, les délimitations administratives internes à l’AOF devinrent des frontières d’Etats à l’intérieur desquelles, comme ils sont les plus nombreux, les sudistes l’emportent sur les nordistes selon les lois de l’ethno-mathématique électorale.
9) La conséquence de cette situation fut qu’au Mali, au Niger et au Tchad, dès la décennie 1960, les Touareg et les Toubou qui refusaient d’être soumis à leurs anciens tributaires sudistes se soulevèrent.
10) Dans tout le Sahel, prospérèrent ensuite les trafiquants. Puis, à partir des années 2000, les islamo-jihadistes s’immiscèrent avec opportunisme dans le jeu politique local, y provoquant la surinfection de la plaie ethno-raciale ouverte depuis la nuit des temps. Cette dernière est d’autant plus difficile à refermer que la région est une terre à prendre en raison de ses matières premières et de son rôle de plaque tournante de nombreux trafics. Avec, en arrière-plan, la suicidaire explosion démographique.
Bernard Lugan
Abonnement par chèque ou par CB et paypal