Cet article est paru en introduction au numéro 13 de Totalité consacré à la Phalange espagnole.
« Nous fûmes quelques-uns à nous demander s’il ne serait pas possible de parvenir à une synthèse de la révolution et de la tradition […]. Comme fruit de cette inquiétude naquit la Phalange. »
José Antonio Primo de Rivera.
« Nous sommes les seuls hommes qui, en Espagne, se battront avec un même courage pour la cathédrale de leur enfance et pour le syndicat national des électriciens. »
Rafaël Sanchez Mazas.
Entre la Première et la Seconde Guerre mondiale sont apparus dans plusieurs pays européens des mouvements qui tentèrent, avec plus ou moins de bonheur, de concilier ce qui jusqu’alors, dans la pensée politique européenne, avait paru contradictoire. Ces mouvements – les fascismes – cherchèrent à reconstruire l’unité nationale de leur pays sur une réconciliation des classes sociales déchirées par le marxisme. Ils revendiquèrent tout haut un héritage national que l’internationalisme bolchevique entendait nier et détruire, mais tout en ayant pleinement conscience que le dépassement de la lutte des classes supposait une politique de justice et de solidarité sociales. Ils conçurent une voie originale où les idées les plus traditionnelles recevaient une expression profondément révolutionnaire.
La Phalange, variante espagnole de cette « inquiétude européenne » – pour reprendre les mots mêmes de José Antonio – que fut le fascisme, est certainement le seul des mouvements fascistes à avoir su faire une synthèse doctrinale aussi exemplaire et aussi essentielle. José Antonio a magnifiquement laissé entendre ce que représentait le national-syndicalisme : « Nous voulons implanter une justice sociale profonde, pour que sur cette base les peuples retournent à la suprématie du spirituel ». Il y a dans cette phrase
simple et claire, à l’image de son auteur, la clé d’interprétation de ce qu’il y eut de meilleur dans la Phalange et dans les fascismes : la volonté de concilier des contraires, de ne plus envisager les choses latéralement, de côté, mais totalement, de face. Comme l’a bien vu Arnaud Imatz dans un livre qui est déjà l’ouvrage français de référence, dans la synthèse nationale-syndicaliste, « le national » incarne les valeurs historiques, chrétiennes et proprement espagnoles dans un cadre universel ; le « syndicalisme », quant à lui, conception inhérente à la structure des sociétés modernes, doit résoudre la crise du système libéral capitaliste »1.
Le traditionalisme-révolutionnaire que nous défendons n’a pas d’autre raison d’être que d’assimiler ce message national-syndicaliste, de l’amplifier et de l’intensifier en tenant compte des erreurs que purent commettre les fascismes et, surtout, en prenant en considération les conditions actuelles. Notre action traditionnelle a des références beaucoup plus lointaines ainsi qu’une ambition plus importante. Car ne nous y trompons pas : « À propos de ce qui aujourd’hui existe comme civilisation et sociétés modernes, on peut effectivement dire que rien n’a autant un caractère révolutionnaire que la Tradition, s’agissant à cet égard, exactement et hégéliennement, d’une “négation de la négation”, la seconde étant celle qui, grâce au “progrès”, désacralisant tout, subvertissant tout ordre normal, nous a conduits où nous en sommes aujourd’hui. Cette négation est à nier » (Julius Evola)2. Nous devons moins, de nos jours, mettre l’accent sur les revendications sociales et plus insister sur ce qui a le plus souvent séduit dans les mouvements subversifs : la volonté de changer radicalement de société, la volonté de mettre à bas un système inhumain. De même, nous devons, plus que les mouvements nationaux d’avant-guerre, donner une dimension spirituelle, transcendante, à notre combat, en dépassant certaines limites propres au nationalisme. Nous devons unir la Tradition et la Révolution. Contre la Subversion. En attendant l’aurore, si prodigieusement pressentie par la Phalange espagnole.
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1 A. Imatz, José Antonio et la Phalange espagnole, Albatros, 1981, p. 324.
2 « La Destra e la Tradizione », in Ricognizioni, Méditerranée, 1974, p. 240. Evola semble avoir été séduit par le programme de la Phalange (cf. « Che cosa vuole il « Falangismo » spagnolo », in Lo Stato, VIII, I-janvier 1937, p. 55-57). Ce programme, par sa richesse et son contenu, l’a « presque surpris ». Evola y reconnaît « l’idée spirituelle et transcendante de la nation, opposée à tout collectivisme – de droite ou de gauche – et à tout mécanisme ». De plus, « le relief donné à la dignité de la personnalité humaine, que l’on doit distinguer nettement de la volonté individualiste », lui semble « un des traits les plus saillants et caractéristiques du programme phalangiste espagnol et l’effet d’une vision sainement traditionnel ». Evola émet le jugement suivant : « Ce sont des idées qui, dans leurs lignes générales, nous semblent parfaitement “en ordre” […] ».