Depuis le début de l’année, 37 soldats au moins sont morts dans la région du Haut-Karabagh, enclave à forte majorité arménienne en Azerbaïdjan. Fin juillet, des affrontements avaient fait six morts et depuis la tension s’est maintenue dans le secteur ; elle a connu un fort regain ces derniers jours.
L’Arménie a dénoncé ces attaques, qui ont fait jeudi, selon Erevan, trois morts parmi les civils, sur le sol arménien, trois femmes qui se trouvaient dans les villages de Berdavan et Paravakar (Tavush, nord-est). Vendredi, des tirs de roquettes ont fait quatre morts et seize blessés, dont cinq graves, parmi les ԼՂՀ (Forces armées du Haut-Karabagh, Զինված ուժեր), dans l’enclave du Karabagh. Selon le président arménien, ils se trouvaient à Mardakert, à plusieurs kilomètres de la ligne de front selon les autorités. Ces dernières ont affirmé que le territoire avait été touché par 2 300 projectiles dans la nuit de vendredi à samedi, y compris des roquettes TR-107, des tirs de mortiers et de lances grenades.
« Nous appelons les civils azerbaïdjanais vivant le long de la frontière avec l’Arménie d’arrêter de servir de bouclier humain à leurs forces armées. Afin de stabiliser la situation dans la zone frontalière et freiner les forces azerbaïdjanaises, les forces armées arméniennes auront recours à des actions adéquates. Le commandement militaire et politique de l’Azerbaïdjan en assumera l’entière responsabilité des conséquences. Pour répondre aux actions de l’ennemi, les forces armées arméniennes auront recours à des moyens proportionnés avec des frappes d’artillerie et de missiles visant les positions des forces azerbaïdjanaises, les mouvements de personnel militaire et d’équipements »,
a annoncé le ministère de la Défense arménien dans un communiqué après la mort des trois civiles.
« L’Arménie a peur d’une guerre, mais n’a pas peur de combattre »,
a déclaré le président arménien Serge Sarkissian.
« L’Arménie – et quand je parle de l’Arménie le Nagorny-Karabakh en fait partie intégrante – fait partie des territoires les plus militarisés au monde »,
a-t-il affirmé également.
L’Azerbaïdjan n’a pas réagi à ces menaces mais a dénoncé des violations répétées du cessez-le-feu par les forces arméniennes déployées dans la région et a justifié ainsi ses bombardements. Les autorités ont affirmé que les attaques contre les intérêts arméniens avaient suivi une violation du cessez-le-feu par les soldats arméniens qui auraient blessé une femme près de la frontière.
La région est contestée depuis plusieurs décennies, la question ethnoreligieuse étant à la base de ce conflit politicoterritorial. Le Haut-Karabagh est constitué quasi-exclusivement de chrétiens, appartenant essentiellement à l’Église apostolique arménienne. C’est également le cas de l’Arménie. L’Azerbaïdjan, qui possède une constitution laïque, abrite une forte majorité de musulmans (environ 95 %), essentiellement chiites, avec de petites minorités orthodoxe et apostolique arménienne, cette dernière étant concentrée dans le Haut-Karabagh.
Au début du XXe siècle, un épisode violent entre les populations azéries et arméniennes fit plusieurs centaines de morts. Quelques années plus tard, la révolution bolchevique entraîna l’indépendance des deux pays qui rapidement se livrèrent une guerre à propos de la région entre 1918 et 1920. La dictature communiste soumit les deux pays et isola le Haut-Karabagh de l’Arménie.
Profitant des prémisses de la chute du communisme, les représentants du Haut-Karabah votèrent leur rattachement à l’Arménie dès février 1988. Rapidement, avec l’effondrement de la Russie et l’indépendance retrouvée des deux États, une guerre meurtrière opposa l’Arménie et l’Azerbaïdjan essentiellement pour le contrôle du Karabagh, jusqu’en 1994. Elle fit entre 15 000 et 36 000 morts, des milliers de disparus, des dizaines de milliers de blessés et des centaines de milliers de réfugiés.
Un cessez-le-feu fut négocié en mai 1994, mais la situation n’a en rien été réglée depuis et les épisodes de violences se sont produits régulièrement depuis.
Le Haut-Karabagh est un territoire de 11 430 km², peuplé d’environ 140 000 habitants (soit l’équivalent de la population de la Creuse ou des Hautes-Alpes sur un territoire deux fois plus grand). L’Arménie s’étend sur 29 743 km² pour 3,3 millions d’habitants, contre 86 600 km² et 9,3 millions d’habitants.