Quatre députés “européens” turcs élus en Bulgarie
Plusieurs groupes panturcs sont actifs à travers l’Europe. En Bulgarie, le Mouvement pour les droits et la liberté (HÖH, Hak ve Özgürlükler Hareketi) a obtenu quatre députés au Parlement européen lors des dernières élections. Avec 15 % des sièges de députés au Parlement bulgare, il est le troisième plus important parti de Bulgarie. Au Parlement européen, l’HÖH appartient à l’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe (ALDE), qui mêle partis libéralistes, groupes indépendantistes et minoritaires.
Le parti a été dirigé par Ahmed Dogan jusqu’en 2013. Cet ancien agent des services secrets durant la dictature communiste avait fait la une de l’actualité lorsqu’un homme tenta de l’assassiner le 19 janvier 2013 alors qu’il prenait la parole lors d’un congrès de son parti.
En République de Macédoine, le Parti démocrate turc (TDP, Demokratska Partija na Turcite) possède un élu au parlement et dirige l’une des 81 villes de Macédoine. Au Kossovo occupé, sa succursale, le Parti démocrate turc du Kossovo (KDTP, Kosova Demokratik Türk Partisi), détient trois sièges au parlement national.
En Roumanie, deux partis similaires, l’Union démocratique islamo-turque des Tatars de Roumanie (RMTTDB, Romanya Müslüman Tatar Türklerĭ Demokrat Bĭrlĭgĭ) et l’Union démocratique turque de Roumanie (RMTB, Romanya Türk Demokrat Birliği) possèdent chacun un député à la chambre basse.
Des islamistes turcs majoritaires en Thrace
Alors que le sort des minorités demeure précaire en Turquie, les occupants turcs en Europe, globalement soutenus par le gouvernement turc malgré des dissensions circonstancielles – comme à l’occasion des récents mouvements antigouvernementaux en Turquie –, multiplient les allusions à la « démocratie », la « liberté », la « paix ». En Grèce, c’est le Parti pour l’amitié, l’égalité et la paix (DEB, Dostluk Eşitlik Barış Partisi – ΚΙΕΦ, Κόμμα Ισότητας, Ειρήνης και Φιλίας) qui rassemble depuis 1991 les Turcs installés en Thrace.
Le parti, dirigé par Mustafa Ali Çavuş, faisait régulièrement alliance avec des groupes de gauche dans le passé, le plus souvent avec le Mouvement socialiste panhellénique (PASOK) et la Gauche démocrate (DIMAR).
Inquiet de la décomposition de ces mouvements ces derniers mois et poussé par sa propre puissance, le DEB a présenté pour la première fois ses propres candidats lors des élections européennes du 25 mai en Grèce. Il a remporté un fort succès, masqué par les bons résultats au plan national de l’Aube dorée et la victoire des extrémistes de la Coalition de la gauche radicale (SYRIZA, Synaspismós Rhizospastikís Aristerás).
Efficace outil de mesure de l’invasion turque dans le nord-est de la Grèce, une région où les Ottomans ont importé de nombreux Turcs durant l’occupation, le DEB a obtenu dans deux secteurs les meilleurs résultats. Dans l’arrondissement de Xanthi, le parti islamiste arrive très largement en tête, totalisant 41,58 % des voix. Un chiffre qui témoigne d’un vote communautariste généralisé, la population islamique de Xanthi étant estimé à 41 %.
Dans l’arrondissement de Rodopi, le DEB, avec 20,85 %, a également obtenu le plus grand nombre de suffrages. Au niveau de la grande région de Macédoine-Orientale-et-Thrace, peuplée de plus de 600 000 personnes, le DEB est le troisième parti avec 42 620 voix (12,3 %).
Le DEB, officiellement soutenu par les services diplomatiques turcs, est accusé par ses détracteurs d’être financé massivement par le Qatar et la Turquie. Alors que les europhobes célébraient leur victoire stérile, les « Loups gris », au lendemain du scrutin, se sont recueillis sur la tombe du Dr Sadik Ahmet, fondateur du parti, où des lectures du Coran ont été faites pour remercier Allah de cette « grande victoire ».
Erdogan en campagne en Allemagne occupée
La veille des élections européennes, le 24 mai, les Allemands ont beaucoup parlé d’une élection qui n’avait rien d’européen. Environ 15 000 Turcs installés en Allemagne sont venus écouter le premier ministre Recep Tayyip Erdogan, dans un grand rassemblement qui a été considéré comme le lancement officieux de sa campagne pour la première élection présidentielle au suffrage universel en Turquie. Le scrutin aura lieu en août, dans un climat d’importante agitation politique et sociale depuis plus d’un an. Plusieurs dizaines de milliers de Turcs ont d’ailleurs manifesté à Cologne contre la venue du Recep Tayyip Erdogan.
Depuis la fin de l’année 2013, la Turquie possède un ministre dans le gouvernement allemand, en la personne de Aydan Özoguz, secrétaire d’État aux Migrations, aux Réfugiés et à l’Intégration (sic). Vice-présidente du parti social-démocrate allemand, elle est la première personne d’origine turque à entrer dans un gouvernement allemand.
Cela illustre le poids de la communauté turque en Allemagne, la plus forte d’Europe, estimée à 4 millions de colons. La France est le deuxième pays d’accueil des Turcs en Europe (500 000 à 1 million de Turcs) avec la Bulgarie (800 000 à 1 million). Leur nombre est estimé à un demi-million en Grande-Bretagne comme en Hollande et en Autriche et à Chypre, plusieurs centaines de milliers en Grèce, à 200 000 en Belgique, en République de Macédoine, plus de 100 000 en Suède, en Suisse, plus de 50 000 en Roumanie, en Bosnie et au Danemark, et plusieurs milliers en Italie, Norvège, Finlande et en Ukraine.
En ne retenant que les estimations les plus basses, il y a au moins plus de 7 millions de Turcs en Europe, formant une communauté soudée et organisée par des organisations sociales, culturelles, économiques basées et dirigées depuis la Turquie.