En 1930, Alfred Rosenberg fait paraître en Allemagne l’autre livre phare du national-socialisme (après Mein Kampf), un pavé de 700 pages qui se vendra, en plusieurs éditions, à un million d’exemplaires : Le Mythe du XXe siècle.
En 1975, Arthur Robert Butz publiera un pavé d’une taille similaire, 600 pages, The Twentieth Century Hoax, titre volontairement rendu en français par La Mystification du XXe siècle, par allusion au livre d’Alfred Rosenberg : il s’agit de jouer le mythe contre la mystification.
En soi, croire – il vaudrait mieux dire, vivre – dans un mythe n’est pas déshonorant, il n’est peut-être même pas possible de faire autrement sans tomber dans le Ragnarök des Hyperboréens.
Pour Giorgio Locchi, cité par Philippe Baillet dans Le Parti de la Vie, page 141, « ce qui définit le statut du discours, ce qui fait qu’il est mythe, ou bien idéologie, ou bien encore théorie […] dépend essentiellement du rapport historique que la Weltanschauung de celui qui l’énonce entretien avec la réalité objective et, en premier lieu, avec le langage ». C’est une citation tirée de l’Essenza del fascismo p.44, comprendre donc que le fascisme « est un discours nécessairement essentiellement « mythique » et non idéologique ou théorique, lorsque la Weltanschauung qui lui est implicite et qui l’inspire n’est pas celle par laquelle le langage « reçu » est informé et conformé ».
C’est bien dans cet esprit qu’Alfred Rosenberg écrit son mythe de la race et de l’âme, du « Blut und Ehre » – « Sang et Honneur » : non, le sang ne se résume pas à des formules biologiques, l’âme dépend du sang et le sang manifeste l’âme. Mais une âme, c’est aussi une religion, c’est pour cela que l’Allemand, l’aryen, doit refuser les éléments sémitiques du christianisme, Jésus lui-même étant dit par Rosenberg, à la suite de Houston Chamberlain, de souche aryenne. Rosenberg et Chamberlain sont tous deux redevables à Paul Lagarde qui le premier avait appelé à un christianisme expurgé des éléments juifs.
Le livre de Rosenberg est disponible en lecture dans son intégralité ici : sa lecture, par son intérêt, sa densité, son niveau d’écriture, ne manquera pas de surprendre ceux qui pensent que les « nazis » sont sans source ni ressources intellectuelles. Pour donner une idée de son ampleur, disons que Rosenberg interprète la réforme luthérienne comme déjà une tentative de déjudaïsation, et les éléments qu’il a en vue d’expurger sont « des zélateurs juifs comme Matthieu, des rabbins matérialistes comme Paul de Tarse, des juristes africains comme Tertullien ou bien comme Augustin qui parle dans le vide ». Cela ne parlera peut-être pas tout de suite à tout le monde, mais le Vatican, lui, avait bien compris qui a mis le livre à l’index librorum prohibitorum en février 1934.
Lorsque Butz intitule son livre La Mystification du XXe siècle, c’est bien sûr par allusion à Rosenberg, mais ce n’est pas pour s’en moquer en la parodiant, ce serait plutôt au contraire pour dénoncer une mystification, à savoir, le récit holocaustique, en ce qu’il voudrait couper l’aryen de son mythe vital, existentiel.
Pour le coup, Butz est extrêmement rationnel et non mythique dans ses arguments.
Auschwitz est un centre pétrochimique, d’où les hautes cheminées qui crachent des flammes en permanence et qui exhalent une odeur pestilentielle. L’Allemagne n’avait pas d’accès au caoutchouc et au pétrole, il suffit de regarder une carte du monde pour s’en rendre compte. Aux prises avec des géants comme l’Armée rouge, la RAF et la Royal navy, l’US navy, l’US air force et l’US army, elle devait produire en quantité industrielle du caoutchouc et de l’essence à partir d’eau et de charbon. Et Auschwitz, comme par hasard, est situé au confluent de trois rivières, en lisière d’un bassin houiller.
L’Allemagne recevait certes une partie de son pétrole de Roumanie, mais la production roumaine ne couvrait qu’un quart de sa consommation effective (on parle bien de sa consommation effective et non pas de ses besoins qui auraient bien été du double ou du triple si cela avait été possible). Le reste, c’était donc de l’essence synthétique.
Qu’on comprenne bien, la Roumanie est tombée aux mains de l’Armée rouge en août 1944, or, l’Allemagne a pu lancer une contre-attaque blindée dans les Ardennes en décembre 1944 : les chars Tigres étaient-ils poussés à la main ? La dernière victoire aérienne homologuée de la Seconde Guerre mondiale sur le théâtre européen, est celle d’un Messerschmitt 262 un chasseur à réaction allemand, contre un Yak russe, le 8 mai 1945 : l’avion allemand volait-il encore avec son plein d’essence fait au mois d’août ?
Non, les chars n’étaient pas poussés à la main et le Me 262 ne volait pas sur le même plein depuis huit mois, le lecteur si rationnel et éloigné de toute pensée mythique devrait alors se demander : mais alors, d’où venait l’essence ?
Pire, il devrait se demander pourquoi on ne lui avait jamais parlé, même pas en 1974, en pleine paranoïa de crise du pétrole, de ce qu’on savait faire depuis longtemps de l’essence à partir du charbon (c’est même beaucoup plus facile que de faire du caoutchouc synthétique, le buna).
La réponse est peut-être que si on le lui disait, une autre image d’Auschwitz pourrait venir concurrencer dangereusement la vision qu’on lui en avait donné jusque-là. Et « on » a peur de la concurrence.
Et c’est ainsi que le 8 mai 1945, l’Allemagne et l’Europe se sont réveillés à la fois mystifiés et sans mythe.
Quant à Alfred Rosenberg, mis à l’index par le Vatican, il sera pendu par les Alliés le 16 octobre 1946.
Dans le titre original en anglais du livre de Butz, on retrouve l’idée du XXe siècle,
par contre, il choisit « hoax », ça donne « The Hoax of the Twentieth Century »
on peut penser qu’il visait aussi à se rapprocher par dérision du Twentieth Century Fox (Fox et Hoax sont très proches et ça fait bien passer l’idée de cinéma)
Vraiment bizarre cet Alfred. D’abord, son nom semble plutôt israélite que typiquement allemand. Quant à sa position sur le protestantisme (surtout le Calvinisme), elle me semble aux antipodes de ce que j’ai pu lire sur le sujet. En ce qui concerne saint Paul, s’il n’avait pas existé, le christianisme ne se serait jamais répandu chez les gentils ! Voir en lui un rabbin matérialiste, franchement, c’est n’importe quoi !
Les mythes, c’est bien beau, mais il me semble que l’homme raisonnable préfère la réalité. Surtout que celui là, comme Bardèche l’avait bien compris, c’était l’Allemagne seulement : il ne risquait pas d’unifier les européens !