Emmanuel Macron veut être le premier Président, après François Mitterrand, à nommer une femme à Matignon. Mais sa quête a semblé compliquée. De nombreuses impétrantes ont parait-il refusé le poste, peu enclines à s’engager dans cette galère.
Le nom d’Elisabeth Borne circulait déjà depuis plusieurs jours avec insistance. Mais d’autres noms avaient circulé : Valérie Rabault. La présidente du groupe PS à l’Assemblée Nationale rassemble un certain nombre des qualités recherchées par l’Élysée. C’est une femme, jeune, en lien avec les territoires, issue de la gauche. Une travailleuse. Depuis le début du quinquennat, certains députés macronistes ne tarissent pas d’éloges sur sa connaissance pointue des questions budgétaires. Le poste lui a donc été proposé et la députée l’a… décliné.
Autre CV retenu celui de Véronique Bédague, ancienne directrice de cabinet de Manuel Valls aujourd’hui numéro deux de Nexity. Elle a été longuement reçue par le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler. Un entretien au cours duquel le chef de l’État aurait lui-même passé une tête. Mais l’ancienne énarque a décliné.
D’autres profils apparaissaient. Comme celui de Christelle Morançais, qui occupe actuellement la présidence de la région Pays de la Loire avec néanmoins un pseudo ancrage à droite prononcé, en tant que vice-présidente des Républicains, qui pourrait lui desservir. Mais elle avait écarté l’hypothèse d’un déménagement à venir à Matignon, déclarant occuper actuellement le plus beau mandat qui soit » dans sa région.
Autres pistes évoquées : Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne secrétaire d’État et ministre de l’Écologie de Nicolas Sarkozy ; Laurence Tubiana, ancienne ambassadrice pour le climat dont le nom avait déjà été évoqué avant la nomination de Jean Castex ; Christine Lagarde, patronne de la Banque centrale européenne et ancienne ministre de l’Économie de Nicolas Sarkozy elle aussi.
Finalement, ça ne s’est pas bousculé au portillon pour rejoindre Matignon. Le pouvoir d’attraction de la Macronie serait-il usé ? Par défaut, c’est donc l’option Élisabeth Borne qui a été retenue. C’est fait, elle prend du grade et sera potiche en chef du président.
Le DRH recherchait donc une femme de préférence. « Quelqu’un qui est attaché à la question sociale, à la question écologique et à la question productive », avait lui-même assuré Macron. Il voulait aussi plutôt une personnalité avec une image prétendue « de gauche » afin de respecter les équilibres politiques de la majorité après 5 ans d’une gouvernance dite de « droite » (comprendre « ultra-libérale »). C’est raté. Elisabeth Borne a été la ministre du Travail et de la casse sociale (réforme SNCF qui a conduit à la plus longue grève depuis plusieurs décennies, tentative de réforme des retraites avortée – temporairement – par la pandémie…).
Mais Macron voulait surtout une fidèle, qui ne s’opposera pas, et une personnalité ne lui faisant aucune ombre. Un Castex au féminin. Voilà Elisabeth Borne.
Élisabeth Borne est née le 18 avril 1961 dans le 15e arrondissement de Paris de Joseph Borne (Iosif Zinovievich Bornstein), juif d’origine russe, résistant pendant la Seconde Guerre mondiale, et de Marguerite Lecesne, une pharmacienne du Calvados. Tous deux dirigeaient un laboratoire pharmaceutique.
Ingénieur général des Ponts et Chaussées, MBA du Collège des ingénieurs, préfète de la région Poitou-Charentes de 2013 à 2014 puis directrice de cabinet de Ségolène Royal au ministère de l’Écologie de 2014 à 2015, elle préside la Régie autonome des transports parisiens (RATP) de 2015 à 2017. Elle est membre du club « Le Siècle ». Une vraie apparatchik.
Au cabinet de Ségolène Royal (ministre de l’Ecologie de François Hollande), elle avait négocié le protocole d’accord signé en avril 2015 entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes dont le contenu n’est rendu public que quelques années plus tard, qui allonge jusqu’à six ans les concessions accordées aux groupes privés, et élabore un rattrapage tarifaire qui se traduit par un surcoût de 500 millions d’euros pour les usagers, selon les calculs de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER).
Longtemps proche du Parti socialiste, elle rejoint La République en Marche et devient ministre chargée des Transports en mai 2017 dans le premier gouvernement Édouard Philippe. En juillet 2019, elle devient ministre de la Transition écologique et solidaire, en remplacement de François de Rugy, démissionnaire. Elle est nommée l’année suivante ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion dans le gouvernement Jean Castex.
En 2020, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avait dévoilé que la ministre avait omis pas moins de six participations aux organes dirigeants de divers organismes : à un lobby de constructeurs, l’Institut de la Gestion Déléguée (IGD) mais également à quatre autres à raison de ses fonctions de PDG de la RATP. Il s’agit de l’Atelier Parisien d’urbanisme (APUR), de la fédération d’entreprises Paris Ile-de-France Capitale Economique, de la Fondation Groupe RATP et du Comité stratégique de Fer de France.
Elisabeth Borne est aussi celle qui a approuvé et mis en œuvre la loi instaurant le pass sanitaire puis vaccinal incluant la procédure de suspension du contrat de travail des salariés non-vaccinés (dont les personnels soignants), sans rémunération, et conduisant in fine à leur licenciement pur et simple… Elle s’était même prononcé favorablement à l’adoption du pass sanitaire dans toutes les entreprises et tous les milieux professionnels. Une obligation de vaccination déguisée pour tous les travailleurs pour pouvoir continuer à subvenir à ses besoins et ceux de sa famille…
Quoi qu’il en soit, ce faux suspens n’avait provoqué aucune crise d’impatience chez qui que ce soit, tellement la fonction de Premier ministre a été dévoyée et réduite au rôle de collaborateur du Président.
Avec ce nouveau mandat de Macron, avec Elisabeth Borne et son nouveau gouvernement, on prend les mêmes et on continue. Tout change pour que rien ne change.
Au pays des aveugles, les Borne sont rois