Cette photo ne montre pas une vitrine à Berlin, Leipzig ou Treuchtlingen après la nuit du 9 au 10 novembre 1938, mais a été prise à Liverpool en août 1947. On l’a complètement oublié, mais lors de l’été 1947, une terrible vague de chaleur s’était abattue sur l’Europe, à peine moins intense que celle de 2003, mais étalée sur une période substantiellement plus longue.
Mais il n’y a pas que cela qui a été complètement oublié de cet été, c’était l’été 47, ou, quand on en parle encore, on commence par une introduction assez suspecte, déjà entendue ailleurs, chaque fois qu’on veut excuser, mettre hors de cause, en l’occurrence, ça donne ça :
«En 1947, la Grande-Bretagne était en proie à la récession et s’efforçait de relancer son économie après la Seconde Guerre mondiale. En ce week-end férié du mois d’août, la chaleur déjà installée depuis un certain temps devenait franchement suffocante à Manchester. Les magasins étaient mal approvisionnés, le rationnement était toujours de rigueur et de nombreux travailleurs avaient choisi de rester en ville pour le long week-end.»
Puis, seulement, après avoir biaisé notre lecture, on commence à aborder le sujet :
Dans les queues devant les cinémas et au coin des rues, un sujet domine les conversations : l’assassinat de deux sergents de l’armée britannique par des paramilitaires de l’Irgoun dans la Palestine mandataire. L’Irgoun était l’un des nombreux groupes sionistes qui menaient une guérilla pour forcer les troupes britanniques à quitter le territoire et établir l’État d’Israël. L’Irgoun avait enlevé les deux sergents en représailles à la condamnation à mort de trois des siens. Ces derniers étaient exécutés par les forces britanniques le 29 juillet et, deux jours plus tard, les corps des soldats étaient découverts au milieu d’un bosquet d’eucalyptus près de Netanya. Ils avaient été pendus et le sol sous eux avait été miné.
Ce n’était qu’un incident parmi d’autres d’un un conflit sans merci. Un an auparavant, les terroristes avaient fait sauter l’hôtel King David à Jérusalem et avaient même fait exploser de petites bombes à Londres. Mais c’est « l’affaire des sergents », comme on l’a appelée, qui a véritablement enflammé l’opinion publique en Grande-Bretagne, cette fois, c’en était trop.
Le 1er août, un vendredi, le Daily Express publiait l’histoire en première page, avec une photographie des corps qui, disait-il à ses lecteurs, promettait de « choquer le monde ». Les représentants de la communauté juive britannique condamnèrent les meurtres, mais les journaux du lendemain revenaient à la charge en rapportant des détails encore plus crus. Comme se le rappelle Walter Lever, Juif de la classe ouvrière de Manchester : « Ce week-end, il n’y avait rien d’autre à faire que déambuler dans les rues en discutant des journaux, et c’est l’histoire des sergents pendus qui prenait le pas sur les meurtres et les viols de la semaine ».
Il y avait déjà des prémices de l’imminence d’un retour de bâton. À Birkenhead, près de Liverpool, les employés des abattoirs refusaient de travailler pour la filière casher tant que les attentats en Palestine n’auraient pas cessé. Autour de Merseyside, la colère commençait à se répandre dans les rues, des foules de jeunes en colère se formaient dans les quartiers juifs.
Le dimanche après-midi, les troubles atteignaient Manchester. De petits groupes commencèrent à s’en prendre aux vitrines des magasins de Cheetham Hill, un quartier situé juste au nord du centre-ville et qui abritait une communauté juive depuis le début du XIXe siècle. Les pubs ont fermé tôt ce jour-là en raison d’une pénurie de bière et, dans la soirée, les émeutiers étaient plusieurs centaines. La plupart étaient à pied, mais d’autres traversaient le quartier en jetant des briques depuis des voitures en marche.
Bientôt, les rues étaient jonchées de verre et de pierres et la foule passait à des cibles plus importantes, démolissant l’auvent de la Grande Synagogue sur Cheetham Hill Road. Puis, jusqu’à une heure du matin, c’était au tour des invités à un mariage juif qui se tenait l’Assembly Hall de se trouver encerclé par une foule menaçante et vociférante.
Le lendemain, poursuit Lever, « Cheetham Hill Road ressemblait assez à ce qu’elle avait été, sept ans auparavant, après que les bombardiers allemands l’avaient pilonné pendant 12 heures. Dans la rue, sur un mile de long, tous les locaux appartenant aux Juifs avaient leurs vitrines béantes et les trottoirs étaient jonchés de verre ».
À la fin de ce week-end prolongé, des émeutes antisémites avaient également été observées à Glasgow et à Liverpool. On signalait aussi des troubles Bristol, Hull, Londres et Warrington, ainsi que des dizaines d’attaques contre des propriétés juives dans tout le pays. Un avocat de Liverpool et un commerçant de Glasgow étaient passés à tabac. Personne n’a été tué, mais il s’agissait de la vague de violence la plus importante que le Royaume-Uni ait jamais connue. À Salford, des pancartes sont apparues sur les magasins, on pouvait y lire : « Ne tirez pas : ces locaux sont britanniques ».
À West Derby, la synagogue en bois avait été incendiée. À leur retour du week-end, les employés du Canada Dock de Liverpool trouvaient, peint au-dessus de l’entrée « Mort à tous les Juifs ». À Eccles, un ancien sergent-major, John Regan, était condamné à une amende de 15 livres pour avoir dit à une foule de 700 personnes : « Hitler avait raison. Exterminez tous les Juifs, hommes, femmes et enfants. De quoi avez-vous peur ? Il n’y a qu’une poignée de policiers ».
Quant aux événements de Palestine en 1947, on nous dira peut-être qu’un peuple opprimé sur une terre dont on le spolie a un droit légitime à recourir à la lutte armée, y compris au terrorisme, pour chasser la puissance coloniale, mais le plus probable, c’est qu’on ne dira rien, qu’on préfèrera oublier complètement cette période et éviter des parallèles fâcheux avec la situation présente dans la région.
Autre chose pour terminer, l’éruption de troubles simultanés dans plusieurs villes de Grande-Bretagne en 1947 montre qu’il n’est pas nécessaire pour cela que le régime politique en place les organise, les déclenche, les cautionne, il est clair que le gouvernement de Clement Attlee n’y est pour rien, mais a contrario, cela montre aussi que la responsabilité directe de la hiérarchie nationale-socialiste au plus haut niveau n’est pas non plus automatiquement évidente dans la vraie Nuit de Cristal en 1938, il faut la prouver.
Source : https://www.workersliberty.org/story/2017-07-26/anti-jewish-riots-britain-1947
https://www.newstatesman.com/long-reads/2012/05/britains-last-anti-jewish-riots
Flash-back : la « Nuit de cristal » britannique de 1947 en représailles au terrorisme juif envers les Britanniques de Palestine – PNC (partinationalistechretien.com)
Je ne connaissais pas cet épisode historique ….merci de nous le rappeler
Bon papier, bonne information
Original,
la météo comme source d’antisémitisme,
je ne l’avais encore pas vu passer celle-là
https://leblogdemoiraforest.wordpress.com/2023/09/22/langleterre-medievale-et-les-juifs/
L’Angleterre, une colonie du peuple élu depuis Guillaume le Conquérant!
Le titre du Bristol Mirror « les terroristes Juifs jurent la guerre totale à l’Angleterre », si le journal existe encore, il pourrait refaire le même titre aujourd’hui, en n’oubliant pas de rajouter les USA
De nos jours, on risquerait beaucoup plus qu’une amende de 15 livres (même à parité de pouvoir d’achat) pour des tels propos, évidemment condamnables, car tout homme ne peut être responsable que de ses actes et non pas de ceux de membres de sa communauté.