Les Occidentaux ont annoncé vouloir frapper plus profondément avec leurs missiles balistiques et de croisière à longue portée dans les arrières russes, comme ils le faisaient déjà en Crimée et dans les régions réunifiées à la Russie de Donetsk et Lougansk.
Après plusieurs mois de demandes pressantes, Joe Biden aurait donc donné son accord à Volodomyr Zelensky pour utiliser les missiles américains ATACMS « Army Tactical Missile System » (système de missile militaire tactique), d’une portée de 180 à 300 kilomètres, contre la Russie, selon le New-York Times.
Une décision qui intervient deux mois avant la passation de pouvoir entre Joe Biden et Donald Trump. Le fils de Trump a réagi à la décision de Biden sur les réseaux sociaux :
« Le complexe militaro-industriel semble vouloir déclencher une Troisième Guerre mondiale avant que mon père puisse instaurer la paix et sauver des vies. Nous devons garantir des milliards de dollars de revenus. Personnes? Ils s’en moquent ! Imbéciles ! »
Les ATACMS sont entrés en service en 1991 pendant la première guerre du Golfe, où ils ont démontré leur efficacité. Plus de 450 sont tirés lors de l’invasion de l’Irak en 2003. Leur production est toutefois arrêtée en 2007, et une nouvelle génération, le « Precision Strike Missile », devrait le remplacer. L’opération militaire russe déclenchée le 24 février 2022 les a remis sur le devant de la scène. Ils peuvent être lancés depuis un autre armement symbolique de ce conflit : le lance-roquette multiple américain HIMARS. Le type de charge explosive n’a pas été précisé, unique (contre des cibles durcies) ou dotée de sous-munitions.
Une telle décision concerne donc les ATACMS américains, mais les valets européens des Yankee suivront vraisemblablement dont les Anglais avec les STORM SHADOWS et les Français avec l’homologue SCALP. Emmanuel Macron avait plaidé en ce sens lors d’une visite d’État en Allemagne en mai 2024. « C’est une option que nous prenons en considération, s’il fallait autoriser des frappes sur des cibles depuis lesquelles les Russes attaquent le territoire ukrainien », a expliqué lundi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. Ni Paris ni Londres n’entendaient lever les restrictions d’usage avant l’assentiment américain…
Les Allemands, eux, n’ont toujours pas accepté de livrer aux Ukrainiens leurs missiles TAURUS. Mais la ministre allemande des Affaires étrangères Baerbock a soutenu l’autorisation donnée à l’Ukraine de lancer des frappes en profondeur en Russie. Les armes américaines à longue portée peuvent aider l’Ukraine, mais « il est important de peser chaque étape » et d’agir ensemble et d’engager le dialogue, a-t-elle ajouté. En revanche le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a déclaré : « Les livraisons de missiles de croisière Taurus à Kiev ne changerait pas la situation du conflit en Ukraine »…
La quantité de tels missiles fournis à l’armée de Kiev est demeurée réduite depuis le début du conflit, et cette dernière utilisait déjà des drones de bien plus grande portée. Il faut donc surtout s’attendre à l’attaque d’aérodromes et de casernes, mais également des dépôts de munitions et d’autres cibles importantes ou symboliques, dans la profondeur russe comme dans les zones qui étaient déjà concernées depuis longtemps. Surtout, l’armée russe « a appris à déplacer ses stocks, à assurer la redondance de ses PC ou à faire du leurrage ». Les défenses aériennes russes ont aussi appris à intercepter les tirs d’ATACMS, même si les taux de réussite revendiqués sont à considérer avec prudence. Et la précision des missiles ATACMS Block 1A, guidés par GPS, est remise en cause par le brouillage systématique du front ukrainien, ce qui nuit évidemment à leur efficacité.
Mais la plus grande intrigue concerne la réaction du Kremlin, car la presse russe est en train de forcer personnellement Vladimir Poutine soit à tenir sa promesse du 12 septembre 2024 de contre-attaquer l’OTAN pour cette éventualité précise, soit à subir une grande humiliation en montrant qu’il n’ose pas ou ne peut pas mettre sa promesse à exécution.
En effet dans une déclaration sur la possibilité que les États-Unis et leurs alliés frappent en profondeur en Russie avec des missiles à longue portée le président russe avait donc déclaré en septembre dernier :
« Il ne s’agit pas de permettre ou d’interdire au régime de Kiev d’attaquer le territoire russe. Il le fait déjà à l’aide de drones et d’autres moyens. Mais quand il s’agit de l’utilisation d’armes occidentales de haute précision à longue portée, c’est une toute autre histoire.
Le fait est que – je l’ai déjà dit, et tous les experts, les nôtres comme ceux de l’Occident, le confirmeront – l’armée ukrainienne n’est pas capable de mener des frappes avec des systèmes occidentaux modernes de haute précision à longue portée. Elle ne peut pas le faire. Cela n’est possible qu’en utilisant des données de renseignement par satellite, que l’Ukraine ne possède pas – ces données ne sont disponibles que depuis les satellites de l’Union européenne ou des États-Unis, en général, depuis les satellites de l’OTAN. C’est le premier point.
Le deuxième point, et très important, peut-être même la clé, est que les missions de vol pour ces systèmes de missiles ne peuvent en fait être entrées que par le personnel militaire de l’OTAN. Le personnel militaire ukrainien ne peut pas le faire. Il ne s’agit donc pas de permettre ou non au régime ukrainien de frapper la Russie avec cette arme, mais de décider si les pays de l’OTAN participent directement au conflit militaire ou non.
Si cette décision est prise, cela ne signifiera rien de moins que la participation directe des pays de l’OTAN, des États-Unis et des pays européens à la guerre en Ukraine. C’est leur participation directe, et cela changera bien sûr de manière significative l’essence même, la nature même du conflit.
Cela signifiera que les pays de l’OTAN, les États-Unis et les pays européens sont en guerre contre la Russie. Et si c’est le cas, étant donné le changement de la nature même de ce conflit, nous prendrons les décisions appropriées en fonction des menaces qui seront créées pour nous. »
L’annonce fait pour l’instant plus de bruit que l’emploi des armes. Car en effet, l’usage de ces armements a longue portée « nécessite sans doute des opérateurs occidentaux », a confirmé le général Chauvancy. Et ceux-ci devraient s’approcher de la ligne de front, au risque d’être capturés. « La Russie aurait alors également beau jeu d’accuser l’Occident de cobelligérance si la cible touchée est d’importance ».
Et tout indique que les stocks de missiles ATACMS livrés par les États-Unis ont déjà été abondamment utilisés. À moins d’en recevoir d’autres, l’Ukraine devra se contenter de frappes en quantités très limitées. Et celles-ci seront par ailleurs toujours soumises à un blanc-seing implicite américain puisque le ciblage dépend du dossier d’objectif alimenté par le renseignement allié.
Grâce aux ATACMS, l’armée ukrainienne pourrait néanmoins contrarier l’armée russe dans ses manœuvres et la contraindre à se réorganiser. « Mais cela ne changera pas le rapport de force sur le terrain », prévient un haut gradé français, « le problème de l’Ukraine est d’abord de renouveler ses unités sur le front ».
Voir aussi :
Les frappes de SCALP français sont programmées par la France avant les tirs par les Ukrainiens
« car la presse russe est en train de forcer personnellement Vladimir Poutine soit à tenir sa promesse du 12 septembre 2024 de contre-attaquer l’OTAN pour cette éventualité précise, soit à subir une grande humiliation en montrant qu’il n’ose pas ou ne peut pas mettre sa promesse à exécution. »
TOUT EST DIT ! Cette phrase me semble résumer tout l’article, et au-delà tout le problème.
Et cela rejoint les doutes exprimés par plusieurs d’entre nous au cours des jours passés, au sujet de Poutine.
Nous allons bien voir ce que va décider Poutine. Je gage qu’il ne fera rien du tout (comme depuis le début). Nous avions déjà compris qu’il n’était ni le grand homme d’état que nous avions cru, ni un grand chef militaire, et cette fois nous saurons que c’est un traître.