Parmi ses buts de guerre, dans son allocution du 21 février 2022, Vladimir Poutine a annoncé sa volonté de « dénazifier » l’Ukraine, parlant de « la montée d’un chauvinisme extrême, qui a rapidement pris la forme d’une russophobie agressive et d’un néonazisme. D’où l’implication des néonazis ukrainiens dans les bandes terroristes du Caucase du Nord et leurs revendications territoriales de plus en plus vives à l’encontre de la Russie ». On peut supposer sans risque de se tromper qu’il visait, en Ukraine, les militants et volontaires ayant participé à la « révolution du Maïdan » qui se sont constitués ensuite en mouvements politiques, comme Secteur Droit ou Corps National, et surtout en unités paramilitaire comme « Azov » ou « Aidar ».
À l’encontre des affirmations russes, on se souvient que lors de la fondation du « bataillon Azov » par Andrey Biletsky, le financement initial est assuré par le milliardaire ukraino-chyprio-israélien, Ihor Kolomoïsky, ou encore par un autre oligarque ukrainien d’origine juive, Serhiy Taruta. De même, on se souvient que Dmitro Yarosh, leader du « Secteur droit » et ancien dirigeant du bataillon Azov, avait rencontré l’ambassadeur israélien à Kiev, le 26 février 2014, pour l’assurer « que Secteur droit s’opposerait à tous les phénomènes [racistes], en particulier l’antisémitisme, par tous les moyens légitimes » pendant et après la « révolution du Maïdan ».
En revanche, l’imbrication de ce petit monde avec le pouvoir à Kiev est bien réelle. Il faut noter que ces mouvements paramilitaires ont été directement intégrés par l’État ukrainien aux Forces armées ukrainiennes ou à la Garde nationale ukrainienne. Ils ont continué à servir le pouvoir de Kiev depuis 2014, y compris même après l’élection de la marionnette, jouant le rôle de président ukrainien, Volodymyr Zelensky. Et le Dmitro Yarosh désigné ci-dessus vient d’être nommé, le 2 novembre 2021, conseiller du commandant en chef des armées ukrainiennes…
Depuis cette révolution colorée du « Maïdan », ces militants et volontaires ukrainiens, souvent présentés comme « nationalistes », ou qualifiés de « néo-nazis » par la partie russe, ont été envoyés à l’Est du pays pour « mater » la révolte des habitants du Donbass. Il s’y sont d’ailleurs plus fait connaître et remarquer par leur volonté de « casser la gueule » aux populations russes (à défaut de pouvoir aller le faire à Moscou ?), et aux autres minorités présentes en Ukraine, qui sont pourtant aussi des Européens, plutôt que par la réanimation de l’idéal ou de l’engagement de Stepan Bandera pendant son alliance avec le IIIe Reich à partir de 1941.
Alors ? Des « néo-nazis » en Ukraine ? N’aurait-on pas plutôt affaire à des « nationalitaristes galiciens » en réalité animés par un chauvinisme obsessif russophobe, une sorte d’imitation de ce qu’est réellement le nationalisme ? Nationalisme suppose Nation. Or, cette Ukraine n’en a jamais été une. C’est un territoire riche en ressources, convoité et balloté entre ses divers voisins et puissances au cours de l’histoire, depuis les Lithuaniens jusqu’aux Russes, en passant par les Polonais ou les Austro-Hongrois. Nous avons affaire aujourd’hui à un nationalitarisme revanchard qui tente de s’imposer aux diverses minorités (Polonais, Hongrois, Roumains, Grecs, Bulgares et bien sûr la plus nombreuse, les Russes) qui vivent sur ce territoire connu aujourd’hui sous le nom d’Ukraine et dont les frontières actuelles ne datent que de leur délimitation absurde par les Soviétiques à partir de 1939.
De plus, rappelons aussi que le nationalisme s’inscrit dans un idéal de troisième voie, excluant absolument de servir l’un des deux frères ennemis que sont le capitalisme international et l’internationalisme socialiste. Or ces chauvinistes galiciens se sont mis au service du « soft power » Yankee contre la Russie, en contrepartie de financements, instructions militaires, matériels… comme les États-Unis savent en pourvoir largement les ennemis de leurs ennemis. Ils sont alors devenus leurs alliés de circonstance, oubliant un peu vite que « l’ami américain » a la fâcheuse habitude de laisser salement choir ses obligés quand ça chauffe vraiment pour eux. On se souvient des résistants du commandant Massoud en Afghanistan jetés contre l’URSS, des résistants chrétiens au Liban jetés contre les Palestiniens et les Syriens, des minorités chiites en Irak en 1991 jetées contre Saddam Hussein, des minorités kurdes en Irak encore, puis en Syrie, jetées contre Bachar el-Assad ou la Turquie, et bien d’autres guérillas ayant joué le jeu Yankee et tout d’un coup bien opportunément lâchées et oubliées par la CIA et le Pentagone. Vae victis…
Finalement, en Ukraine, qu’est-ce qui pousserait donc des « néo-nazis » à s’allier à des Juifs et, réciproquement, qu’est-ce ce qui pousserait des Juifs à s’allier à des « néo-nazis » ? Dans la mesure où c’est Kevin Macdonald qui nous a appris à nous méfier du préfixe « néo » dans son livre Le Néoconservatisme, un Mouvement Juif, nous donnons ci-après la remarquable préface de la version française rédigée par Philippe Baillet, un des intellectuels de notre mouvance (fondateur de la revue Sparta). Peut-être que la méprise observée dans le cas des néoconservateurs – à l’origine des trotskystes juifs qui n’ont en réalité par grand-chose de conservateur (un de leurs ancêtres n’étant autre que Leo Strauss) – et leur alliance avec certains évangélistes américains du Parti républicain, peut éclairer sur la question de cette alliance.
Mais tous les observateurs attentifs pressentent de toute façon que Vladimir Poutine ne passe pas à l’action contre des « néo-nazis » ukrainiens, mais contre un pouvoir à Kiev vendu aux néoconservateurs américains ayant enrôlé dans leur combat des « nationalitaristes » galiciens complices, opportunistes ou manipulés.
Pour ce qui nous concerne, à Jeune Nation, nous saluons régulièrement leur hommage à leurs prédécesseurs de la division Galicie qui se sont battus pour un ordre nouveau en Europe, en tentant de prévenir et empêcher le déferlement soviétique à l’époque. Déferlement que la moitié Est de notre continent a malgré tout malheureusement connu à cause de la trahison anglosaxonne ! Ils devraient s’en souvenir…
Mais nous refusons d’acquiescer à un bellicisme ukrainien russophobe et jusqu’auboutiste qui a été stipendié par les néo-conservateurs à Washington et les atlantistes à Bruxelles, qui ont réussi à allumer les feux d’une nouvelle guerre au cœur du continent. Jusqu’où ? Cessons d’être des valets des Yankee et luttons plutôt pour notre Europe Forteresse !
Abus de la Langage et « Petit Peuple » : Autour du Néoconservatisme américain.
Aux yeux du spécialiste des mouvements politiques et intellectuels juifs au XXe siècle qu’est Kevin B. MacDonald, le mouvement néoconservateur est un véritable cas d’école. Selon lui, il présente en effet les quatre grandes caractéristiques typiques de ces phénomènes : l’ethnocentrisme, qui se trahit à travers le recrutement, la formation et le fonctionnement des réseaux néoconservateurs ; l’intelligence, le mouvement cherchant dès le début à infiltrer l’élite universitaire et l’élite politique, beaucoup plus liées l’une à l’autre, par de nombreuses passerelles, aux États-Unis qu’en Europe ; l’hyperactivité, les néoconservateurs se mobilisant immédiatement dès qu’apparaît la moindre menace concernant la sécurité et la prospérité de l’État d’Israël ; enfin, l’agressivité, illustrée notamment par les méthodes expéditives des néoconservateurs pour chasser de certains postes clés les conservateurs traditionnels qui les gênent.
Loin de moi, cependant, l’idée de paraphraser ici MacDonald. Je désire plutôt appeler l’attention sur quelques points particuliers mais importants. Le premier est de nature sémantique. S’adressant à un public américain probablement averti, MacDonald ne précise pas que le terme « néoconservateur » fut forgé dès 1973 par un certain Michael Harrington, social-democrate américain, pour désigner les « sociaux-libéraux » qui, selon lui, étaient alors en train de « virer à droite ». Le qualificatif fut bientôt repris à son compte par l’essayiste Irving Kristol, qui le popularisa rapidement. Dès le départ, il y avait donc abus de langage et captation indue par un ancien trotskyste qui n’avait pas grand-chose à voir avec le véritable conservatisme américain.
On sait que, contrairement à ce qui se passe dans la « tradition » politique française depuis fort longtemps, les termes « conservatisme » et «c onservateur » n’ont rien de péjoratif dans le monde germanique, pas plus que dans le monde anglo-saxon. Je laisse le soin au lecteur de découvrir, grâce à Kevin MacDonald, la préhistoire relativement complexe du mouvement néoconservateur. Je désire simplement souligner d’emblée que le groupe d’intellectuels du Parti démocrate, presque tous juifs, qui, déçus par les choix plutôt pro-arabes et pro-palestiniens de l’administration Carter, décidèrent de passer au Parti républicain, n’étaient assurément pas mus par une vision « conservatrice » des États-Unis. À l’instar de l’un des plus brillants et des plus connus d’entre eux, Richard Perle – qui s’était fait les dents en tant que conseiller pour la sécurité du sénateur démocrate Henry Jackson de 1969 à 1979 -, ils avaient commencé par guerroyer au Congrès pour obtenir de celui-ci le soutien à l’amendement Jackson-Vanik qui posait comme condition de la poursuite des échanges commerciaux entre les États-Unis et l’URSS des possibilités d’émigrer offertes aux Juifs soviétiques. Ils adhéraient donc au Parti républicain, mais en rompant aussitôt avec sa tradition isolationniste en politique étrangère, tradition qu’avait illustré notamment le sénateur Robert A. Taft (1889-1953), authentique conservateur qui avait été le leader républicain au Sénat depuis 1939 jusqu’à sa mort.
Mais c’est aussi voire surtout par leur nature d’idéologues que les prétendus néoconservateurs trahissent leur anticonservatisme. Leur néowilsonisme casqué-botté, qui conçoit les États-Unis comme une nation universaliste porteuse d’une mission consistant à répandre partout et par la force la démocratie et les droits de l’homme, s’oppose radicalement au conservatisme authentique. En effet, comme l’avait écrit dans les années cinquante un certain H.Stuart Hughes, professeur à Harvard, « Le conservatisme c’est la négation de l’idéologie 1», donc de la vision constructiviste d’une nation comme fruit d’un « projet », et non pas comme fruit d’une expérience pluriséculaire, dont les productions se font pour une large part à l’insu des volontés et intentions des agents historiques. De ce point de vue, l’insertion d’un discours particulariste juif au service, d’abord et avant tout, des intérêts d’Israël, dans une enveloppe universaliste ne doit pas masquer la force du « démocratisme » messianique qui anime de nombreux néoconservateurs.
Aussi bien ne faut-il pas s’exagérer la portée de la « grande question » qui aurait agité, à en croire certains, la presse new-yorkaise à partir de la fin des années soixante: why do Jews turn right? (Pourquoi les Juifs virent-ils à droite ?) Ce virage fut et reste très relatif. Il se limita en fait, pour l’essentiel, à deux réactions. Premièrement, ce fut une forme de réaction aux excès de la discrimination positive en faveur des minorités « défavorisées ». Pour la communauté juive américaine, il y avait là une « menace statutaire […]: en contestant le principe de la sélection, l’Affirmative Action et le nouvel égalitarisme universitaire ne pouvaient qu’ébranler la prééminence intellectuelle des Juifs américain, pur produit de l’orientation méritocratique des institutions 2». Ensuite, Kristol, Podhoretz et les autres intellectuels du mouvement néoconservateur comprirent assez tôt, en libéraux lucides qu’ils étaient, que les sociétés capitalistes avaient une « tendance naturelle […] à mépriser des valeurs et les institutions auxquelles elles devaient leur stabilité 3». Les ultra-progressistes et la contre-culture étaient allés trop loin, il convenait de les remettre à leur place : « En promouvant à tous les échelons de la société une morale hédoniste, matérialiste et individualiste, en détruisant pièce par pièce l’infrastructure organique de la nation, le libéralisme américain avait créé les conditions de sa propre subversion 4». Pour Kristol, Podhoretz et compagnie, il ne s’agissait donc pas du tout d’exalter une vision précapitaliste du monde mais de « rediscipliner » l’homo economicus, de le réinsérer dans une trame solide de relations sociales 5. Cela fait penser aux positions défendues depuis longtemps, en France, par un Alain Finkielkraut, qui n’est, pas plus que ses coreligionnaires, un véritable conservateur, mais à qui il faut reconnaître le courage d’avoir invité à plusieurs reprises, dans le cadre de son émission « Répliques » diffusée sur France-Culture, des auteurs dérangeants comme Philippe Murray ou Renaud Camus, et même, tout récemment, Bernard Lugan.
Pour tous ces néoconservateurs, les choses vraiment sérieuses étaient ailleurs, comme avait su le voir Nicolas Kessler dans un livre paru six ans avant l’article de MacDonald. « De fait – écrivait Kessler –, on ne saurait comprendre l’aversion viscérale des néoconservateurs pour le pacifisme et le tiers-mondisme, leur rejet catégorique de l’isolationnisme sous toutes ses formes sans rattacher ces positions au soutien inconditionnel apporté par Kristol, Podhoretz et Moynihan à l’État d’Israël 6».
Parmi les points importants que MacDonald n’aborde pas ici, peut-être pour ne pas froisser au moins une partie de ses lecteurs, il faut mentionner l’attitude trop longtemps indécise, pour dire le moins, de certaines figures du mouvement conservateur traditionnel envers les néoconservateurs, et notamment de la plus prestigieuse d’entre elles, Russell Kirk (1948-1994), rien moins que le pater familias du conservatisme américain, actif depuis le début des années cinquante. Peut-être par crainte de l’accusation infamante d’antisémitisme, Kirk, jusqu’à la fin, resta dans l’ambiguïté. En 1988, soit six ans seulement avant sa mort et alors que le mouvement néoconservateur n’était plus un simple regroupement de revues culturelles mais avait déjà placé nombre de ses hommes à des postes politiques très importants, Kirk déclara à Washington, devant ses auditeurs de l’Heritage Foundation, un très influent laboratoire d’idées fondé en 1973 et qui avait apporté son soutien plein et entier à Ronald Reagan (élu président pour un premier mandat en 1980) : « Et, plus d’une fois, il a semblé que quelques éminents néoconservateurs prenaient Tel Aviv pour la capitale des États-Unis ». Cette phrase est citée ici par MacDonald. Mais il est intéressant de savoir que, dans le dernier livre de Kirk paru de son vivant, un an avant sa disparition (il s’agit en fait d’un recueil de dix-neuf articles), on lit également, dans ce qui est censé être la retranscription de cette conférence devant l’Heritage Foundation 7, cette remarque désabusée : « Peut-être attendais-je trop de ces alliés [originaires] de Manhattan 8». Quant à la phrase citée plus haut et reproduite par MacDonald, elle est immédiatement suivie d’une phrase dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’accable pas les néoconservateurs : « Mais dans l’ensemble – affirmait Kirk – , je pense qu’ils [les néoconservateurs] à faire sortir la politique étrangère de l’Amérique de la confusion dans laquelle elle était tombée pendant et après les guerres en Asie du Sud-Est 9». Qu’il s’agisse des guerres du Vietnam ou du Cambodge ou bien de la politique d’ « endiguement » (containment) à l’égard de l’Union soviétique, on constate que l’anticommunisme a rapproché conservateurs traditionnels et néoconservateurs, en dépit du fait que les motifs de cet anticommunisme n’étaient pas du tout les mêmes dans l’une et l’autre « famille ».
Un autre facteur a contribué à mêler les cartes et à favoriser des rapprochement contre-nature, destinés à ne pas durer mais qui ont quand même porté de graves coups au conservatisme américain traditionnel : le rôle de grand fédérateur des différentes tendances du conservatisme américain, des libertariens aux traditionalistes en passant par les néoconservateurs, joué par Ronald Reagan. En raison notamment des nombreuses attaques qu’il avait subies de la part de la gauche radicale tout le temps de son mandat comme gouverneur de la Californie, mais en raison aussi de son élégance, de son courage physique et de son sens de l’humour (deux qualités dont il fit preuve aussitôt après la tentative d’assassinat dont il fit l’objet au début de son premier mandat de président des États-Unis), de son anticommunisme intransigeant, de son ancrage décomplexé à droite, de son style général totalement étranger aussi bien aux Juifs de la côte Est qu’à l’establishment démocrate de cette même côte, Reagan est très vite apparu comme la meilleure incarnation possible du conservatisme populaire, au-dessus des clivages entre courants de pensée. Dans son dernier livre, paru quatre ans après la fin du second mandat de Reagan (janvier 1985 – janvier 1989), Kirk lui rendit hommage de la façon suivante : « Nous ne sommes pas près d’en revoir un comme lui [We may not look upon his like again] Il se peut que nous élisions des présidents ayant une connaissance plus profonde du gouvernement fédéral, ou des présidents possédant une maîtrise plus grande des questions de politique étrangère, ou encore des présidents plus compétents dans le secteur de la finance – mais il est peu probable que nous retrouvions un jour un président incarnant aussi parfaitement le conservatisme populaire américain 10».
Or, le ralliement massif des néoconservateurs aux rangs républicains se fit précisément sous le second mandat de Reagan. Jusque-là, les néoconservateurs avaient déjà joué un rôle important dans le débat d’idées, grâce à leurs nombreuses revues et à leurs intellectuels bien placés dans l’Université. Mais ils n’avaient pas encore eu accès à des postes vraiment importants sur le plan politique. Leur soutien au républicain Reagan relève de la même stratégie que celle mise en œuvre plus tôt envers le démocrate Henry Jackson et dont parle très bien MacDonald : dans la mesure où ils constituent une partie infime de l’électorat, les Juifs ont toujours besoin de trouver et d’instrumentaliser des non-Juifs, de les mettre en vitrine plutôt que d’apparaître eux-mêmes sur le devant de la scène.
Le prestige et la popularité de Reagan sont restés si forts que même un conservateur traditionnel comme Patrick J. Buchanan (né en 1938), qui fut le directeur de la communication de la Maison Blanche de 1985 à 1987 et qui devait ensuite accuser les néoconservateurs d’avoir subverti et détourné la « révolution Reagan » de ses vrais objectif, rendit un hommage vibrant à l’ancien président au lendemain de la mort de celui-ci, avec une allusion à peine voilée à la formule de Kirk citée plus haut. Buchanan écrivit en effet en 2004, à propos de Reagan : « Nous n’en reverrons pas un comme lui [We shall not see his like again 11] ». Mais Buchanan et ceux de ses amis qui occupaient encore des postes relativement importants dans l’appareil d’État n’auraient-ils pas dû s’alarmer bien plus tôt ? On apprend par exemple, grâce à MacDonald, que dès 1984 l’une des figures tutélaires du mouvement néoconservateur (même si en l’occurrence, le personnage, Ben J. Wattenberg, est resté membre du Parti démocrate) avait déclaré devant la principale boîte à idées du mouvement, l’American Entreprise Institute : « La déseuropéanisation de l’Amérique est une nouvelle encourageante, d’une qualité transcendante ».
Il est une catégorie à laquelle n’a pas recours MacDonald dans son analyse du néoconservatisme : celle, tirée de l’œuvre d’Augustin Cochin, de « petit peuple » révolutionnaire, appelé non pas à se substituer au vrai peuple mais à le diriger et, le cas échéant, à le détruire en agrégeant autour de cette minorité d’autres minorités, instaurant ainsi la dictature de tout ce qui est antinational sur tout ce qui est national. Sans doute MacDonald ne savait-il rien de Cochin en 2004. Depuis, le public américain peut lire cet auteur fondamental grâce à un choix de textes présentés par le philosophe Claude Polin – ancien membre du conseil scientifique du Front national, aujourd’hui collaborateur de la revue traditionaliste Catholica – et qui ont été traduits par son épouse d’origine américaine Nancy Derr Polin 12.
Appliquée au mouvement néoconservateur, la catégorie de « petit peuple » ferait assurément un très beau sujet de thèse pour un éventuel chercheur. En attendant, on ne peut qu’éprouver, en même temps qu’un vrai malaise, un sentiment d’admiration devant la « grande politique » des néoconservateurs et devant l’habileté, la persévérance, la détermination, la mobilisation des moyens humains et matériels dont ils ont fait preuve pour atteindre leurs objectifs. L’influence considérable qu’a pu exercer cette coterie numériquement restreinte illustre aussi un formidable dévoiement du sens même du mot « démocratie » dans la « plus grande démocratie du monde ». On ne le répètera jamais assez : la démocratie selon le Système, aux États-Unis comme en Europe, c’est une démocratie qui entend éliminer ce gros inconvénient qu’est le peuple. Et seule la novlangue peut exprimer cette logique poussée jusqu’à l’absurde : « […] [En] une tournure orwellienne, la démocratie est définie comme ce qui garantit que les majorités ne résisteront pas à l’expansion du pouvoir des minorités, même si cela signifie pour les premières une perte de pouvoir 13».
Source : Préface de Philippe Baillet de sa traduction en français du livre de Kevin B. Macdonald : Le Néoconservatisme, un Mouvement Juif, disponible chez Akribeia
Notes :
1 – Cité oar Russekk Kirk, The Politics of Prudence (1993). Intercollegiate Studies Institute, Wilmington (Delaware), 2004, p.1. Ce n’est assurément pas un hasard si l’ouvrage français le plus connu sur le néoconservatisme fait clairement référence, dans son sous-titre, au poids de l’idéologie dans ce mouvement: voy. Justin Vaïsse, Histoire du néoconservatisme aux États-Unis. Le triomphe de l’idéologie Odile Jacob, Paris, 2008.
2 – Nicolas Kessler, Le Conservatisme américain, Presse universitaire de France, coll. Que sais-je? Paris, 1998, p.63.
3 – Ibid., p.71.
4 – Ibid.
5 – Ibid., p.73.
6 – Ibid., p.92.
7 – En l’absence de toute précision de la part de l’éditeur américain, il faut partir du principe que l’article publié dans le recueil auquel je fais allusion est la retranscription fidèle de la conférence de 1988.
8 – R. Kirk, «The Neoconservatives: An Endangered Species» in The Politics of Prudence, op. cit., p.174.
9 – Ibid., p.180.
10 – R. Kirk, «Popular Conservatism» in The Politics of Prudence, op. cit., p.150.
11 – Patrick J. Buchanan, «We shall not see his like again» The American Conservative, 3e année, n°13, 5 juillet 2004, p.6-7.
12 – Voy. Augustin Cochin, Organizing the Revolution. Selection from Augustin Cochin, Chronicles Press – Rockford Institute, Rockford (Illinois), 2007.
13 – Kevin B. MacDonald, «Avant-propos» in Tomislav Sunnic, Homo americanus. Rejeton de l’ère postmoderne, Akribeia, Saint-Genis-Laval, 2010, p.23 (traduction légèrement modifiée)
Article remarquable et très instructif.
Bravo à la rédaction de JN!
Sur le soutien financier interlope du bataillon Azov, lire aussi l’article de F.-X Rochette dans l’édition de Rivarol du 2 mars 2022, p. 8.
Il y a un problème pour Macron: au prix actuel de l’essence, l’armée de l’air ne peut plus faire voler aucun avion ni patrouiller aucun navire.
Le ciel au-dessus de nos têtes est totalement vide, pas un hélico, pas un avion de transport, pas un chasseur, rien …. Cloués au sol par le prix de l’essence.
Superbe article. Stephan BANDERA a été interné dans des camps de concentration nazis comme ses frères, pendant que ses sœurs le furent dans des goulags. Lui et ses affiliés ont fini par se battre contre les deux envahisseurs totalitaires et matérialistes les marxistes et les Nazis.
La famille Bandera est galicienne, grecque-catholique très croyante puisque le père et les grands pères de Bandera étaient prêtres.
Malheureusement, et malgré son indéniable courage, il aura été le joujou des nazis jusqu’à massacrer des innocents parceque juifs.
Tout le monde apparemment , même Poutine! , continue à utiliser à tort et à travers le mot « nazi », se réclame de ce mot qui ne veut rien dire. A l’origine de ce mot on retrouve les « habituels suspects » comme dirait M.King . Ils sont vraiment forts. Les pauvres Nationaux-socialistes doivent s’en retourner dans leurs tombes!
Des néonazis? Ce sont des nazis qui ont la particularité assez singulière de s’allier, voire, de se mettre sous la coupe, des Juifs.
Le terme néonazi a en outre l’avantage de mettre tous les dégâts sur les civils sur le dos de l’adversaire, c’est un peu gros, mais comme disait Goebbels en parlant de la propagande de Churchill (et non de la sienne) plus c’est gros, plus ça passe.
à mon avis, il n’avait pas besoin de cet argument pour gagner la guerre, ni pour avoir raison de la faire, cet argument sur les néonazis risque au contraire de le faire passer pour un manipulateur d’opinion.
Les roumains, les hongrois, les polonais oui mais dans leur pays respectifs non ? Personne ne tolère un drapeau étranger à la Jeanne le deuxième dimanche de mai. Pourquoi y’en aurait il à Kiev ? A part la croix celtique qui met le monde européen d’accord :) Ni trust ni soviet US go home Russia go Home SH