Libye : vers une implication russe au soutien de Khalifa Haftar pour la stabilisation du pays
Des responsables américains ont affirmé récemment avoir observé la présence de ce qui leur paraissait être des forces spéciales et des drones russes, à Sidi Barrani, une base égyptienne située à environ 100 km de la frontière libyenne. Une source de sécurité égyptienne a livré plus de détails en évoquant le déploiement de 22 membres des forces spéciales russes sur cette base. En revanche, elle n’a pas souhaité préciser la nature de leur mission.
Cependant, Le Caire et Moscou ont démenti ces affirmations. « Il n’y aucun soldat étranger sur le sol égyptien. C’est une question de souveraineté », a fait valoir Tamer al-Rifai, le porte-parole de l’armée égyptienne. « Il n’y a pas d’unités des forces spéciales russes à Sidi Barrani, en Égypte », a réagi le ministère russe de la Défense. Toutefois le porte-parole du Kremlin a affirmé que la Russie reste attentive à la stabilisation de la Libye afin que ce pays « ne devienne pas un terrain fertile pour les recrues terroristes »…
Et dans le très compliqué jeu libyen, où deux, voire trois, gouvernements rivaux se disputent le pouvoir, Moscou ne cache pas son soutien au maréchal Haftar, le chef de l’Armée Nationale Libre (ANL), laquelle est engagée contre les groupes armés islamistes et jihadistes dans l’est du pays. Outre la présence présumée de ces forces spéciales venues de Russie, le dirigeant d’une société militaire privée russe, RSB Group, a récemment confirmé avoir envoyé des démineurs dans l’est de la Libye mais qui n’ont pas pris part à des combats.
Le 11 janvier dernier on se souvient que le maréchal Khalifa Haftar qui affirme contrôler 80 % du territoire libyen a été reçu en grandes pompe à bord d’un fleuron de la marine russe, le porte-avion « Amiral Kouznetsov ». Il s’était même entretenu pour l’occasion par vidéoconférence avec le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou. Un nouveau signe du traitement de faveur particulier dont bénéficie le militaire septuagénaire, qui avait déjà été reçu à deux reprises en Russie en 2016, où il a notamment sollicité l’assistance du Kremlin et la levée de l’embargo sur les armes, imposé par l’ONU en Libye. Rappelons que Khalifa Haftar est ancien cadre de l’armée kadhafiste passé par l’école soviétique. Il apparait aujourd’hui comme l’homme de Vladimir Poutine en Libye.
L’aide apportée par Moscou aux troupes de l’ANL illustre le rapprochement qui semble s’opérer entre la Russie et le maréchal Haftar pour contrer le GNA reconnu et soutenu par les Européens, les Américains, quelques pays africains et l’ONU. Cette aide passe notamment semble-t-il par des livraisons d’armes via l’Égypte mais également par des soins donnés aux soldats de l’Armée Nationale Libyenne. Ainsi, le 2 février dernier, près de 70 soldats se sont envolés vers la Russie pour y être soignés et la Russie s’est engagée par ailleurs à prendre en charge 500 blessés supplémentaires, voire plus « selon les besoins ».
Selon plusieurs experts, ce soutien russe au maréchal maréchal Khalifa Haftar qui s’est autoproclamé Premier ministre contre le gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU, pourrait signifier pour Moscou une façon de préparer l’après-Syrie où les événements ont tourné à son avantage. « Il s’agirait pour les Russes de jouer la carte libyenne, après la carte syrienne, qui s’épuise, afin de marquer leur territoire en Méditerranée, et en disant, nous sommes de la partie en Libye, et là-aussi, comme en Syrie, nous sommes incontournables ». De plus si le régime libyen ne faisait pas partie des premiers cercles des alliés arabes de l’Union soviétique, comme la Syrie baasiste par exemple, les Russes ont néanmoins toujours gardé un œil sur ce pays. Ainsi, le Kremlin, qui compte déjà comme alliés dans le monde arabe le président syrien Bachar al-Assad et son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi, un autre militaire formé à l’école soviétique qui combat, comme Khalifa Haftar l’islamisme politique, avance ses pions en Méditerranée.
Quoi qu’il en soit, les forces du maréchal Haftar auraient réussi, le 14 mars, à reprendre le contrôle de deux terminaux pétroliers (ceux de Ras Lanouf et d’al-Sedra), tombés au début du mois dans les mains des Brigades de Défense de Benghazi.
Et l’intérêt russe pour la Libye n’est peut-être pas étranger à la question énergétique, tout en lui permettant de prendre une revanche sur l’intervention franco-britannique de 2011 qui avait largement outrepassé les termes de la résolution 1973 du Conseil de sécurité à laquelle elle n’avait pas mis son veto.