La mode des semi habiles, ou des ambitieux en politique, est de protester commodément de son antifascisme tenu pour une base de la pensée normale, non pathologique, en associant, par exemple, leur critique du mouvement sioniste en Palestine avec celle d’un prétendu bienfaiteur de ce dernier qu’aurait été le successeur du Second Reich. Les gauchistes ou marxistes exaltés parleront d’un État fasciste juif, quoique désormais avec prudence. Il est vrai que sur le même territoire amputé à la Syrie par le Traité de Versailles de 1919 où figurèrent en bonne place les délégués sionistes, ont coexisté, à quelque distance, dans les villages et les quartiers des villes, le fanion sioniste et celui de l’Allemagne retrouvée, l’étoile dite de David, les armes du Royaume Uni de Grande Bretagne et d’Irlande, et la croix gammée. La chose est tue aujourd’hui, mais les anciennes colonies allemandes de Palestine accueillies et encouragées par l’Empire ottoman depuis la moitié du XIXe siècle, et confisquées par les vainqueurs de la guerre, arboraient en effet, le drapeau rouge blanc et noir national dans leurs établissements et villes, et coexistaient avec celui des colons venus de partout où est ce peuple dispersé et veut, en réalité, le demeurer.
Ces Allemands colonisaient provisoirement le pays, car le but, certainement unique dans toute l’histoire des temps modernes, était d’y montrer les possibilités d’un développement agricole et industriel ou artisanal, et leur but dernier était de revenir, une fois faite la démonstration, en Allemagne: c’était un projet chrétien piètiste souabe à l’origine: leurs enfants apprenaient outre l’arabe et le haut allemand, le souabe de leurs villages d’origine. En l’espace d’une génération, seul quelques incidents graves, qui ne dépassaient pas les doigts de la main, furent enregistrés. Car cette cohabitation avec les indigènes de ce que les chrétiens nomment la Terre Sainte, ne reposa pas sur une spoliation. C’est au contraire la spoliation des petites villes comme la Sarona, par allusion à la Saron des Écritures Saintes ou dite Bible, à laquelle s’était adjoint un ghetto juif de cette région du Tell Habib, qui fit le développement de cette Tel Aviv actuelle. Aujourd’hui cette ancienne Sarona est au centre de Tel Aviv, et a été le théâtre, il y a quelques mois d’un attentat.
Il y aurait beaucoup à écrire sur cette colonisation qui est cachée et dont le souvenir n’est cultivé que par les seuls Souabes et d’autres Allemands. A Haiffa, par exemple, l’on peut voir, donnant sur la mer, les maisons bien rangées des dits Templiers (Tempelsgesellchaft).
Chemins de fer, canaux, et entre les deux guerres, routes furent construites par ces pionniers. Pendant la dernière guerre, ils furent déportés en Australie. Les Britanniques avaient entrepris après le premier conflit de déporter la population allemande de Palestine en Égypte, et pour améliorer leur mandat non pas donné mais imposé à la Société des Nations, ils firent revenir ces colons auxquels ils restituèrent leurs machines agricoles.
La première école d’agriculture au XIXe siècle fut fondée par eux et ils en donnèrent la direction à un Arabe. Tous les propriétaires, de reste, arabes de cette région habitaient non pas la dite Jérusalem ou l’ancien village arabe d’Al Qods (la sainte), mais généralement Damas.
Aucune ancienne photo ne traîne dans la presse, entendons bien la vue des Arabes du Mandat britannique aux côtés des couleurs allemandes, tant était grande depuis la fin du XIXe siècle, la popularité de l’Allemagne et de l’Autriche, après le voyage du Kaiser Guillaume second (1859-1941), à Jérusalem, le 29 octobre 1898, où il avait donné une part de terrain de l’église protestante aux Franciscains, et son enthousiaste discours de Damas, en répondant au toast municipal de bienvenue. Il avait dit alors que les 2 à 300 millions de fidèles musulmans dans le monde reconnaissant l’autorité du Calife ou Sultan, pouvaient compter désormais sur l’amitié et le soutien de l’Empereur d’Allemagne. Cette déclaration avait tant surpris que même l’agence officielle Wolf ne voulut la publier immédiatement, selon ce que rapporte le Chancelier du Reich von Bülow dans ses Mémoires.
Lors de notre voyage, invité officiellement par le ministère de l’information et du tourisme en Jordanie, fin mai 1970, nous rencontrâmes le directeur de l’agence aérienne Alya (nom de la fille du Roi Hussein), le prince turc Nazem, capitaine de l’armée ottomane, qui nous raconta avec enthousiasme la défense de la ville d’Al Qods ou Jérusalem par ses troupes alliées aux Allemands, et… à des soldats hongrois. Une femme chrétienne palestinienne sur le mont Nébo, nous parla de ses études chez les sœurs germano autrichiennes de Haiffa!
Au cours du voyage du couple impérial, l’animateur du mouvement sioniste qui, né en 1860 à Pest, Benjamin Ze’ev avait adopté le nom et prénom chrétien de Théodore Herzel, n’avait point été reçu, à cause de la mise en garde adressée par le Sultan Abd Ul Hamid, par le souverain allemand, ce qui ne l’empêcha pas de s’étonner qu’après avoir été là, personne, aucune agence de presse n’ait parlé de son entretien. Telle est l’audace des coquins !
On a donc peu parlé – et les Allemands se taisent par crainte de leurs vainqueurs – du travail considérable accompli par la société catholique et protestante allemande en Palestine, de ses hôtels dont nous connûmes une fille de propriétaire : je revois, en 1967, dans le neuvième arrondissement de Paris, près de la poste de Pigalle, la photographie de la jeune fille qu’était alors la dame qui me recevait chez elle, son mari français étant agrégé d’Allemand à ses côtés, près des longues nattes blondes d’une adolescente se tenait la haute stature de son père propriétaire du futur Hôtel King David bâti pour y recevoir des pèlerins, évidemment confisqué pendant la guerre !
Nous publions un extrait d’un télégramme diplomatique daté de Berlin, le 1er juin 1937, signé par l’illustre ministre des Affaires Étrangères, le baron de Neurath, destiné à l’Ambassade allemande à Londres, au consulat général de Jérusalem, et à l’Ambassade à Bagdad, tiré des archives des Affaires Étrangères publiées par l’administration française militaire (tome 5, série D, 1953, Baden-Baden) , et que nous traduisons, pour mettre un terme à ce tam-tam de la collusion politique germano-sioniste. C’est le contraire qui s’est produit, comme dans beaucoup de choses qui nous sont contées. « Dans votre basse-cour on s’obstine à le croire / Et voilà justement comme on écrit l’Histoire » (Voltaire, 1767, in Charlot ou la comtesse de Clergy)
Des troubles avaient éclaté en la dite Palestine, qui n’est autre que la Syrie méridionale, en octobre 1936 après qu’un partage du territoire ait été envisagé par les Britanniques, avec la Commission parlementaire dite Peel, et l’administration sioniste rattachée à eux. Le premier Haut-commissaire « britannique », en effet, fut un militant sioniste de la première heure, Sir Herbert Samuel, fait comte (viscount) (1870-1963) qui y plaça ses pions et devait ensuite devenir à Westminster le leader du parti libéral. Son nom, entre autres lieux, est donné à un restaurant kosher, près de l’hôtel Ritz-Carlton à Herzliya ! « Debout les damnés de la terre », comme le chante l’Internationale !
« Les récents développements en Palestine forcent à décider quelle attitude, du côté allemand y est à prendre eu égard à la possible formation d’un État juif ou d’une configuration étatique sous l’autorité du mandat britannique. »
Touchant la régulation du langage :
« La formation d’un État juif ou d’un complexe étatique judaïquement dirigé (jüdisch geleiteten Staatgebildes) sous mandat britannique n’est pas dans l’intérêt de l’Allemagne, car un État de Palestine n’absorberait pas le judaïsme mondial (das Weltjudentum nicht absorbieren..würde), mais créerait juridiquement (völkerrechtlich) une base de puissance supplémentaire pour le judaïsme répandu entre les nations, à peu près comme l’État du Vatican pour le catholicisme politique ou Moscou pour le Komintern. »
Il convient de noter que si l’expression de international fait polémique, celle de mondial, en revanche, qui lui est identique, est reconnue officiellement par la tenue régulière d’un World Jewish Congress, dont un récemment à Moscou.
Le second document, daté de Berlin, signé d’un fonctionnaire des Affaires Étrangères, Ehrich, le 5 juin 1937, dont nous produisons ce bref extrait qui évalue la politique de transfert, a pour objet « l’État national juif en Palestine et le transfert du capital (Kapitaltranferierung) des émigrants juifs en Palestine (Accord de Haavara) ». Il demande une révision de cette politique :
« L’accord de Haavara avec les organisations sionistes met l’ensemble de l’exportation allemande en Palestine au service du transfert du capital des émigrants ou de l’émigration des Juifs concernés d’Allemagne en Palestine. On en arrive donc à ce que la clientèle aryenne et la non juive qui importent des marchandises allemandes en Palestine » soutiennent par voie de conséquence la colonisation sioniste. » (ibidem)
Il apparaît donc une continuité des deux politiques impériales allemandes relativement à l’idée de formation d’un État juif en Palestine. Et il en résulte logiquement que la défaite militaire des deux entités européennes fut la condition sine qua non, indispensable, de la naissance et du renforcement d’un État juif, dont la puissance réelle s’étend maintenant par la formation d’autres entités satellites, dont les Kurdistan en Syrie et en Irak, le Sud Soudan, et les mouvements radicaux ou anarchistes de la région, y compris au sein de certaines fractions « palestiniennes » sont les premières formations.
Voici, pour l’éclairage de la vraie politique orientale allemande, marquée au sceau du bon sens.
Pierre Dortiguier