La phrase sur le détail ne sort pas de nulle part, ce n’est pas une malencontreuse bévue au détour d’une émission polémique, encore moins une faute provoquée par un animateur sournois : Le Pen a sans doute réellement envisagé de renverser le système avec l’aide des révisionnistes, il avait pressenti l’énorme potentiel politique de la remise en cause des chambres à gaz, il aura été à deux doigts de réaliser un coup d’État révisionniste.
Tout a commencé avec François Duprat.
Nicolas Thierry, dans son article « Souvenir d’un militant des GNR [Groupes Nationalistes Révolutionnaires] » témoigne :
« Si François n’est pas un penseur révisionniste, il en est un diffuseur évident et revendiqué. Fin 1976, début 1977, alors que j’arrive pour ma tâche hebdomadaire, un peu solennellement, il m’accueille avec un livre de Butz en anglais en me disant : « Avec ça, une fois traduit, on va faire péter le système ».
Seulement, le 18 mars 1978, ce n’est pas le système qui a sauté, mais, à bord de sa voiture piégée, au lieudit Le Hameau de Caudevillé, François Duprat. Peut-être a-t-on voulu faire sauter le maillon entre, d’une part, des historiens révisionnistes à la recherche d’un débouché politique, et, d’autre part, un homme politique cherchant à s’appuyer sur leur expertise technique : Le Pen.
Dans son éditorial d’avril 1978 « Les feux croisés de la haine » paru dans Le National, Jean-Marie Le Pen débute ainsi son hommage : « Depuis trois semaines, il n’est pas d’heure du jour ou même de la nuit que je ne pense à François notre ami, notre camarade, mort assassiné le 18 mars dernier … ». Le François en question, ce n’était pas Mitterrand, même si, coïncidence étonnante, les deux François, Duprat et Mitterrand, partagent, en plus de leur prénom, la même date de naissance : le 26 octobre (l’année diffère, ils ne sont pas de la même génération).
François Duprat est assassiné alors qu’il est considéré comme l’éminence grise de Le Pen, et cette éminence grise de Le Pen pense tenir avec le livre de Butz, La Mystification du vingtième siècle, le pavé qui va faire sauter le système.
De fait, au moment de sa publication, le livre de Butz présente toutes les apparences d’une bombe : sur 600 pages, il défend la thèse selon laquelle Auschwitz est un centre pétrochimique chargé, avec ses grandes cheminées aux flammes permanentes et aux fumées pestilentielles, de produire le caoutchouc et l’essence synthétique nécessaire à l’effort de guerre du Reich.
Située à proximité immédiate d’un bassin houiller et au confluent de trois rivières, l’usine produit, à base de charbon, de l’essence par hydrogénation et du caoutchouc par polymérisation. Le Reich n’a en effet aucun accès aux plantations tropicales d’hévéa, elles sont toutes situées Outre-mer et il doit donc produire 100% de son caoutchouc, le « buna », une tâche industrielle colossale.
Pour l’essence, il n’avait accès qu’aux champs de pétrole roumains, si aujourd’hui on disait que l’économie de l’Allemagne repose sur le pétrole de Roumanie, personne ne le croirait, à l’époque, les gisements n’étaient pas tellement plus importants, ils ne couvraient que le quart de la consommation de l’Allemagne, le reste était produit artificiellement : là encore, une tâche industrielle d’ampleur pharaonique.
Dès que le site s’est trouvé à portée des bombardiers des Alliés, il a fait l’objet d’attaques aériennes et les installations industrielles en ont été rasées. Les Alliés savaient donc parfaitement à quoi s’en tenir au sujet de la nature de ce site, un site qu’ils avaient d’ailleurs espionné sous toutes les coutures pour pouvoir monter leurs propres usines de caoutchouc synthétique : en effet, si les Alliés n’avaient pas à se préoccuper de produire de l’essence synthétique, ils avaient accès à tous les grands gisements, suite à l’attaque de Pearl Harbor, ils étaient eux aussi coupés des plantations d’hévéas.
Mais si Auschwitz est une mystification, c’est tout le système politique dont elle est le cœur qui menace de s’effondrer, or, ce système, il existe bel et bien et c’est le nôtre : en France comme dans tout l’Occident. Avec ses discours présidentiels depuis Oradour-sur-Glane, « centre de la mémoire », ses rassemblements grandioses de chef d’État au mémorial de Caen, ses visites incessantes au Yad Vashem et à Auschwitz, le système tourne en permanence autour de la Shoah. Qu’on songe un instant à toute la puissance de propagande d’un tel système si vraiment tout ça n’est qu’une mystification : vertigineux.
Trop vertigineux sans doute, Le Pen n’ira pas au bout, il va rester dans la pire des positions, au milieu du gué. Six millions, ça ne peut pas être un détail, s’il parle d’un détail, c’est qu’il pense aux chiffres des révisionnistes, beaucoup plus bas, comparables pour les camps de concentration au bilan des bombardements stratégiques des Alliés sur Dresde, Hambourg, Cologne ou Tokyo.
Le Pen a parlé de « détail » mais sans dire pourquoi il parlait de détail, le mot a fait un scandale retentissant qui s’est retourné contre lui.
Francis Goumain
Note importante :
Le 18 août 2020, le mail ci-dessous était adressé à la DGSI (Direction générale de la Sécurité Intérieure). Aucune réponse ni accusé de réception, pas de message d’erreur non plus. Il faut néanmoins conserver l’espoir d’une réponse, il n’est pas possible de croire que dans notre république, certains assassinats peuvent rester impunis, que certains citoyens n’ont pas droit à la justice ni leurs proches à la vérité, que certains intérêts soient supérieurs à ceux de la nation. Au fond, il ne tient qu’à la DGSI de faire tomber les spéculations ci-dessus.
Affaire François Duprat (1978)
Objet : mise à disposition du public des conclusions de l’enquête.
Bonjour,
Né le 26 octobre 1940, François Duprat est une figure du mouvement nationaliste en France, le 18 mars 1978, il meurt assassiné dans l’explosion de sa voiture. Les assaillants sont bien renseignés, la bombe est placée sous le siège passager, ils savaient donc que François Duprat ne conduisait pas lui-même, il était trop myope, c’est son épouse qui l’emmenait à son travail : François Duprat était professeur d’histoire au collège de Caudebec-en-Caux.
Pour le grand public, cette affaire n’est toujours pas résolue à ce jour.
Un type se fait tuer par des professionnels, et apparemment, sans raison valable. Mais nous savons qu’il s’agit de professionnels, et les professionnels commettent rarement d’erreurs, ils avaient automatiquement une raison de tuer François Duprat, et quelle que soit cette raison, il fallait qu’elle soit importante.
Vu de l’extérieur, deux pistes émergent de la biographie du personnage :
1 – Le Congo : de 1964 à 1965, Duprat est au Congo où il exerce des activités de politiques et de propagande, mars 78 il est tué, et mai 1978 c’est la bataille de Kolwezi.
2 – Israël : Duprat diffusait les premiers livres négationnistes de l’holocauste, on a pu vouloir étouffer dans l’œuf le négationnisme, si c’est le cas, l’opération a échoué puisqu’en 1979, le professeur Faurisson publiait dans le journal Le Monde « Le problème des chambres à gaz ».
François Duprat avait une mémoire prodigieuse, il était presque hypermnésique, cela aussi a pu représenter un danger pour tel ou tel intérêt.
L’attentat a eu lieu entre les deux tours d’une élection législative historique, on doit le signaler même si cette circonstance semble hors-jeu.
Quarante ans après les faits, la République a peut-être enfin digéré l’affaire et est en mesure de rendre public les conclusions de l’enquête : il n’est pas bon de conserver dans ses intestins des selles pendant des mois et des années, c’est très toxique.
[…]
Bien à vous
Francis Goumain
Pour aller plus loin :
18 mars 1978 : assassinat de François Duprat
Les amis de François Duprat par Jean Castrillo
Mon camarade de lycée, François Duprat
François Duprat – Une histoire de l’extrême-droite (vidéo 1)
François Duprat – Une histoire de l’extrême-droite (vidéo 2)
On ne peux pas savoir si François Duprat a réellement été tué pour cette histoire de chambre à gaz ou pas.
Mais si c’est le cas, cela veut dire qu’à l’époque, le négationnisme faisait réellement peur à certains, autant qu’il était source d’espoir pour François Duprat.
Et si le négationnisme faisait peur, c’est
premièrement parce que la shoah est au cœur de notre système politique,
et deux, que cette shoah avait des raisons de se sentir menacée par une contre-enquête.
Pas étonnant dans ce cas que l’affaire soit classée.
Roland Gaucher m’avait dit qu’il envisageait sérieusement la piste des réseaux Albertini.
Évitez d’employer le terme de négationnisme, impropre, qui semble dire négation d’une vérité et qui est à dessein employé par les menteurs. Le professeur Faurisson l’avait bien expliqué. Il s’agit de révisionnisme, qui sonne autrement…
François Duprat serait exclu du RN, aujourd’hui, ça semble assez évident.
Personne au RN ne va se lever pour obtenir la vérité sur son assassinat.