Arthur Brand est un expert hollandais en objet d’art, un peu aventurier, il s’est lancé à la recherche des deux chevaux de bronze d’Hitler, sans doute l’une des dernières visions du Führer avant sa mort. Brand a découvert la photo d’un soldat russe posant devant l’une des deux statues équestres, puis sa quête l’a amené à rencontrer la fille d’Himmler, Gudrun, membre jusqu’à son décès en 2018 d’Aide Silencieuse, une organisation qui assiste en secret les nationaux-socialistes. Dans son livre paru en anglais sous le titre, Hitler’s Horses (Les Chevaux d’Hitler), il témoigne, extrait.
Dans la profession, on me surnomme le Don Quichotte des antiquités, parce que je passe le plus clair de mon temps à courir après des objets fantastiques, et en l’occurrence, ma réputation n’était pas usurpée.
Je n’avais pas la moindre idée de ce qui m’attendait en chemin : l’Armée rouge, la Stasi, des néonazis et une sinistre organisation d’extrême droite.
Tout a commencé en 2014 par un coup de fil de Michel Van Rijn, autrefois un acteur actif sur le marché parallèle des antiquités, à présent rangé, mais qui peut savoir.
« Je suis sur un truc fantastique, ça donne le vertige, tu peux y aller, je n’ai jamais rien vu d’aussi énorme ». Il voulait absolument me voir en tête-à-tête.
Est-ce qu’il essayait de m’entraîner sur une transaction louche ? Des fortunes sont échangées chaque année sur le marché de l’art et ce n’est pas sans attirer toute une faune peu recommandable sur un marché parallèle dont on évalue l’activité à quelque sept milliards d’euros par an.
D’après la CIA, il s’agit du quatrième trafic le plus lucratif du monde derrière la drogue, le blanchiment d’argent et les armes. J’ai quand même accepté d’aller voir Michel chez lui. Après tout, cela faisait dix ans que je le connaissais, et c’est lui qui m’a aidé à démarrer une carrière d’expert en objets d’art volés et en faux.
Lorsque je suis arrivé, il m’a regardé fixement en fourrageant dans sa barbe. « Figure-toi qu’une pièce sensationnelle a refait surface, un truc que personne ne recherchait parce qu’on pensait que cela avait été détruit pendant la guerre, une découverte que même moi j’ai du mal à croire, une chose à laquelle Hitler tenait tellement, qu’il voulait l’avoir auprès de lui aussi souvent que possible ». Il a allumé un projecteur et a fait défiler des diapositives des sculptures géantes autrefois postées à l’extérieur de la chancellerie du Reich, le QG d’Hitler à Berlin.
La plupart représentaient des nus athlétiques, mais il y en avait une qui montrait deux chevaux en bronze, des statues colossales réalisées par un des sculpteurs préférés du Führer, Josef Thorak. Les montures paraissaient fièrement s’engager dans la bataille et on leur avait accordé la place d’honneur juste sous la fenêtre du bureau d’Hitler.
Si le Führer avait laissé planer un ultime regard circulaire avant de descendre se suicider dans le bunker, ces chevaux auraient pu faire partie des toutes dernières images du monde qu’il aurait emportées avec lui. Seulement, cela n’a pas pu être le cas, car, comme je le savais, toutes les sculptures de la chancellerie du Reich avaient malheureusement été réduites en miettes par l’artillerie russe en avril 1945.
Le bâtiment lui-même a été rasé et à son emplacement se trouve aujourd’hui un parking. Il y avait une dernière diapositive des deux bronzes monumentaux, cette fois en couleur. Je bondissais du sofa, en couleur ? Il s’agissait donc d’une photo plus récente !
« Ça veut dire que ces chevaux existent toujours ? » demandais-je à Michel. Michel pensait qu’il pouvait s’agir de contrefaçon. Tout ce qu’il pouvait me dire, c’est qu’il avait été contacté par un marchand d’art du nom de Steven, connu pour ne faire d’affaires qu’avec les milliardaires et que ce Steven avait besoin de son aide pour trouver des acquéreurs.
La transaction devait rester parfaitement secrète, parce que les chevaux appartenaient à l’État allemand qui avait légalement succédé au Troisième Reich [légalement ? Le Reich n’a jamais été officiellement dissout !]. Les chevaux, expliquait Steven, sont actuellement la propriété d’une famille qui avait été connue pour ses sympathies nazies mais qui à présent cherchait à s’en défaire sur le marché noir.
Je savais ce que voulait Michel, que je m’occupe de l’affaire et que j’attire Steven et les propriétaires des chevaux dans un piège. Mais pourquoi irais-je me lancer dans une enquête au sujet de ce qui devait être des faux ?
Car au fond qu’elles étaient les chances pour que ces chevaux mondialement connus aient survécu à la bataille de Berlin et soient restés cachés pendant 70 ans ? Nulles.
« Tu as raison » me disait Michel, « mais ça vaut la peine d’y jeter un œil, tu imagines les gros titres : d’anciens nazis essaient d’escroquer des millions en tentant de refourguer les faux chevaux d’Hitler ». « C’est bon, je vais voir ce que je peux faire » répondis-je. Michel se jeta à mon cou : « Fais bien attention, tous ces ex-nazis et leurs sympathisants sont extrêmement dangereux ».
De retour à mon bureau à Amsterdam, j’ai fait examiner la photo couleur par deux collègues en la comparant avec des clichés noirs et blancs de l’ère nazie. Ils étaient en tout point semblables.
Pourtant, réaliser une copie parfaite d’une sculpture ou d’un tableau est pratiquement impossible, et ici le faussaire n’avait même pas eu accès aux originaux parce qu’ils avaient été détruits, alors comment est-ce qu’on s’y était pris ?
En cherchant Thorak sur mon portable, j’ai trouvé une photo du sculpteur réalisant un modèle réduit à 40 cm de ces chevaux, il apparaissait qu’il était si fier des destriers géants d’Hitler, qu’il en avait fait des copies miniatures pour les dignitaires nazis.
C’est l’un de ces bronzes miniatures qui avait dû servir de modèle pour les contrefaçons en grandeur nature et c’est ce modèle que j’étais résolu à retrouver. Ce n’était pas si facile que ça, ce n’est bien sûr pas le genre de chose qu’on trouve sur eBay. La première chose à faire, c’était de réussir à pénétrer dans le monde souterrain et toujours actif des nazis.
Par chance, un ami a accepté de me présenter un néonazi de premier plan qui collectionnait les reliques du Troisième Reich. Il s’appelait Horst et il vivait à Munich.
Il me recevait dans un studio où trainait sur une table à café une édition originale de Mein Kampf aux côtés du livre d’or du rassemblement de Nuremberg de 1935, signé par Hitler, Göring, Himmler et Goebbels.
J’expliquais à Horst que j’étais à la recherche d’un des bronzes miniatures des chevaux d’Hitler. « Vous savez que vous mettez les pieds dans un monde potentiellement dangereux ? » me demanda-t-il. Il avait l’air sérieux. Après la guerre, dit-il, il y a eu tout un trafic florissant d’œuvre d’art nazies organisé par la Stasi, la police secrète de la RDA.
C’est comme ça qu’il a pu se procurer le livre d’or de Nuremberg. Ces ventes ultrasecrètes à des riches collectionneurs de l’Ouest étaient approuvées par la Russie pour recettes en devises qu’elles procuraient. Mais si cela s’était su, cela aurait fait un énorme scandale. « Qui vend les pièces les plus importantes aujourd’hui ? » demandais-je.
Se pourrait-il que ce soit l’Aide Silencieuse, l’organisation mise sur pied pour aider les nazis et les néonazis et qui comprend notamment parmi ses membres Gudrun Burwitz, la fille du chef des SS, Heinrich Himmler ?
Un éclair passa dans les yeux d’Horst. « Ne prononcez plus jamais son nom. Pour votre propre sécurité. Dans nos cercles, Frau Gudrun Burwitz est une sainte ». Je me sentis mal à l’aise, s’agissait-il d’une menace voilée ?
Manifestement, j’avais affaire avec des gens riches et puissants qui entretenaient ce réseau secret depuis des décennies. Des gens qui ne reculeraient pas devant la violence. Horst écrivit un mot.
« Rendez-vous dans ce café et demandez le Dr Ahnenerbe et laissez vos coordonnées. Si vous avez de la chance, quelqu’un vous contactera ». Ce que j’ai fait. Mais durant trois jours à mon hôtel, pas le moindre signe du Dr Ahnenerbe, dont le nom était bien sûr un pseudonyme.
L’Ahnenerbe (Héritage ancestral) était un institut de recherches nazi fondé par Himmler pour prouver que les Allemands descendaient d’une race supérieure aryenne. Avant d’abandonner la partie, je m’accordais une dernière virée dans Munich. Soudain, une Mercedes s’arrêtait à ma hauteur.
« Dépêchez-vous de monter » m’intimait une voix grave et virile. En grimpant sur le siège passager, j’entendis un clic et compris que j’étais enfermé. Le conducteur qui avait un nez de boxeur et une nuque épaisse refusait de répondre aux questions.
Je m’efforçais de rester calme alors que nous passions un pont et que nous traversions un bois. Parvenue au milieu d’une rue étroite, la voiture entra dans un parking souterrain désert.
Dans le silence qui a suivi, je pouvais entendre mon cœur battre la chamade. Pour la première fois, je m’avisais d’un léger parfum qui flottait dans l’habitacle. Une vitre teintée derrière moi commençait à s’abaisser.
« Ne vous retournez pas » ordonnait une voix féminine. « Qui êtes-vous et qu’attendez-vous de moi ? ». Sa voix était rauque. Retrouvant mes esprits, je lui dis que je représentais un riche collectionneur qui s’intéressait aux œuvres des sculpteurs favoris d’Hitler.
J’entendis le cliquetis d’un briquet et percevais l’arôme d’une cigarette mentholée. « Herr Brand, pourquoi est-ce que je devrais vous aider à trouver les chevaux de Josef Thorak ? »
J’étais cloué de stupeur, comment est-ce qu’elle pouvait savoir ce que je cherchais ?
« Les chevaux de Thorak viennent d’être proposés à la vente sur le marché parallèle et tout d’un coup Herr Brand fait son apparition, ça ne peut pas être une coïncidence » faisait une voix presque moqueuse. « Vous auriez pu vous dispenser de ce voyage, il s’agit de faux ». J’avais les tempes qui battaient, pourquoi est-ce qu’elle me racontait ça ?
« Le commerce des articles les plus recherchés du Troisième Reich se fait à l’intérieur d’un petit monde fermé » disait la voix du Dr Ahnenerbe, « depuis le début des années 70, je fais des affaires avec certaines des plus importantes familles nazies, si ces chevaux étaient authentiques, c’est moi qui serais en train de les vendre ».
Elle avait l’air convaincante. Tournant légèrement la tête, je voyais les contours d’un visage fin. Dr Ahnenerbe portait un chapeau et de grosses lunettes, elle paraissait être dans ses quatre-vingts ans. Je découvrirais lors d’une deuxième entrevue qu’elle avait été un agent de la Stasi, chargée de vendre les antiquités nazies à l’Ouest.
Pour une raison ou pour une autre, elle avait décidé de m’aider à retrouver un de ces chevaux en bonze miniature qui avait servi de modèle aux contrefaçons. Elle en avait vu une il y a un certain temps, disait-elle, au moment où elle avait été mise en vente par la petite fille d’un nazi condamné à mort aux procès de Nuremberg.
Le cheval avait été cédé à un collectionneur belge dont elle promit de me donner l’adresse par mail, je n’étais pas persuadé qu’il m’accueillerait à bras ouverts ; c’était une adresse à Bruxelles.
La première fois que j’ai sonné à la porte, l’homme qui est apparu à la porte me dit que le précédent occupant avait déménagé à une adresse inconnue. J’ai fait une nouvelle tentative une semaine plus tard, l’homme a failli me claquer la porte au nez mais j’avais glissé un pied dans l’entrée.
« Je pourrais, si vous préférez, demander à tous vos voisins s’ils savent où le précédent occupant a déménagé. Vous savez, l’homme qui collectionnait les reliques nazies », je prononçais ce dernier mot d’une voix plus portante. La porte s’écartait lentement. « Vous ne pourriez pas avoir un peu de décence » me fit-il d’une voix ombrageuse.
Il se recula pour me laisser entrer. L’homme devait être à peu près de mon âge, autour de 43, et me dit qu’il s’appelait Maes. Après une brève conversation il me conduisit à l’étage dans une pièce remplie de sculptures et de tableaux.
C’était un véritable musée d’art nazi. Puis, il me conduisit à sa chambre à coucher, et là, sur la table de chevet, il y avait l’un de ces bronzes miniatures présentant les deux chevaux ! Elle était bien plus lourde que ce que je pensais.
Une très belle petite chose. Mais Maes certifiait qu’il n’avait jamais prêté ses bronzes à quiconque et qu’ils n’avaient donc pas pu servir de modèles à des falsifications. Je me retrouvais à la case départ.
« En parlant de faux … » disait Maes, il me montrait sur son ordinateur la photo d’un grand manteau froissé à moitié brûlé censé être celui que portait Hitler au moment de son suicide. Il était proposé à la vente par un Russe, mais Maes était sûr que c’était une supercherie.
Puis il chargeait un clip célèbre où on voit Hitler le 20 mars 1945, dans le jardin de la chancellerie du Reich. « Regardez, on voit bien son manteau, là », « attendez » dis-je, « remontez voir une seconde », Maes relança le film.
Je me penchais presque à toucher l’écran, mon Dieu me disais-je, ce n’est pas vrai ! L’emplacement qui aurait dû être occupé par un des chevaux, derrière Hitler, était vide. Et pourtant c’étaient des images qui avaient été prises un mois avant la bataille de Berlin, à un moment où la chancellerie du Reich était intacte.
Ainsi don les chevaux avaient dû être déménagés en lieux sûrs avant que les Russes puissent les détruire. Ça changeait tout, les chevaux d’Hitler existaient toujours. Vu leur poids et leur taille, ils n’avaient pas dû partir bien loin.
Et lorsque les Russes se sont rapprochés le 25 avril, cinq jours avant le suicide d’Hitler, ils ont dû trouver les chevaux là où les nazis les avaient cachés. Et si cela se trouve, les Russes étaient à présent en train d’essayer de les écouler sur le marché noir, ce serait un scandale sans précédent.
Ceci rendait l’affaire d’autant plus périlleuse. Comme le disait mon collègue Daan : « génial, on ne va pas tarder à avoir le KGB (devenu FSB) sur le dos ». Soit ça, ou alors les ex de la Stasi qui avaient vendu les chevaux à des nazis. Ou peut-être que tous étaient impliqués : les nazis, la Stasi et le KGB.
Aussitôt que nous sommes parvenus à la conclusion que c’est l’Armée rouge qui avait dû s’emparer des chevaux, mon autre collaborateur, Alex, s’est envolé pour Moscou où il avait d’excellents contacts. À son retour, il refusait de me dire quoi que ce soit, me demandant simplement de monter dans sa voiture parce que nous avions un rendez-vous.
Après une heure et demie de conduite, nous nous sommes garés au pied d’un grand immeuble à la périphérie d’une petite ville au nord de Berlin. Un vieil homme se tenait là qui avait l’air de nous attendre. Herr Mayer avait été le maire de cette ville au moment de la chute de la ville en 1989.
Comme il nous demandait de le suivre, je remarquais que le bâtiment en béton était une pure horreur de l’époque communiste. Il servait autrefois de caserne pour environ un millier de soldats stationnés en Allemagne de l’Est nous expliqua le vieil homme. Alex sorti des photos de sa poche : « Comme je vous le disais au téléphone, nous recherchons des œuvres d’art communiste ».
Je lançais à Alex un regard effaré, je m’y connaissais davantage en natation synchronisée qu’en art communiste. « Ce n’est pas ce que je connais le mieux », reconnût Herr Mayer, « même si au terrain de sport de la caserne il y avait quelques statues communistes ». Il y avait deux grands chevaux dorés « typique de l’art communiste massif » disait-il.
Je n’en croyais pas mes oreilles. Ainsi les chevaux d’Hitler avaient été escamotés pendant près d’un demi-siècle dans une caserne communiste. Et les gens croyaient simplement que les statues avaient été commandées par Staline. Alex faisait voir au maire les photos des deux autres sculpteurs officiels d’Hitler : Arno Breker et Fritz Klimsch.
« Si, si », dit-il, elles étaient aussi là avec les chevaux. Mais à la chute du mur, les sculptures ont été broyées et envoyées à la ferraille, c’est du moins ce que le maire pensait. Je n’y croyais pas un instant, ces statues avaient une bien trop grande valeur et les Russes auraient sans aucun doute cherché à en tirer profit.
Impossible de savoir à ce stade de l’enquête si le propriétaire des chevaux était un ex-nazi, un néonazi, un ancien de la Stasi ou du KGB. Qui que cela soit, il ou elle n’avait manifestement pas l’intention de les rendre à l’État allemand qui en était le véritable propriétaire.
Le moment était venu pour moi de téléphoner à Steven, l’intermédiaire dans la transaction des chevaux. C’était délicat, parce que s’il sentait un coup fourré et qu’il comprenait que je n’étais pas moi aussi un trafiquant, les chevaux pourraient probablement disparaître à jamais… dans la gueule d’un monstre. Ayant appris que la fille d’Himmler vivait dans une banlieue de Munich, je décidais de lui rendre visite.
Je savais que Gudrun Burwitz ne donnait jamais d’interview et qu’elle n’aurait jamais reconnu savoir quoi que ce soit de l’endroit où étaient cachés les chevaux d’Hitler. Mais Gudrun me fascinait. Qu’elle aimait ce père qui avait avalé une capsule d’acide cyanhydrique le jour où il a été fait prisonnier par les Anglais, passe encore, mais qu’elle ne se soit jamais distanciée de ses actes monstrueux, c’était incompréhensible. Elle avait dit un jour qu’elle considérait que c’était la mission de sa vie que de restaurer l’honneur de son père, même s’il était l’architecte de l’holocauste. Sa maison, que je découvrais un jour de 2015, était un pavillon très ordinaire classiquement entouré de sa petite haie.
Les volets étaient clos, semblant indiquer qu’elle n’était pas là. Ça ne paraissait pas un endroit très digne du rang de princesse nazie que lui accordaient ses admirateurs de l’organisation Aide Silencieuse. C’était pourtant là que se trouvait son centre nerveux. Même si Gudrun Himmler n’avait que 17 ans à la fin de la guerre, elle est vite devenue très active dans l’organisation et elle l’était encore.
L’organisation avait été montée dans le plus grand secret par les anciens nazis et on pense qu’elle a aidé Adolf Eichmann et Josef Mengele, entre autres, à s’envoler pour l’Argentine. Depuis lors, elle avait volé au secours des accusés lors de procès pour négation de l’holocauste. Et à présent ?
Je soupçonnais fortement que les chevaux d’Hitler étaient en vente parce que l’Aide Silencieuse avait besoin de fonds pour soutenir une nouvelle génération de néonazis fanatiques. Je guettais la maison depuis un bois de l’autre côté de la rue quand soudain une poigne lourde s’abattait sur mon épaule, me causant la frayeur de ma vie.
Un vieil homme me fixait, « c’est mon jardin », disait-il, et il voulait un dédommagement pour mon intrusion. Je fouillais dans ma poche « dix euros, ça ira ? », il hocha de la tête en signe que oui. « Frau Burwitz est partie faire des courses, elle va revenir bientôt, elle ne parle à personne ». « Alors elle ne reçoit jamais de visite ? »
« Ah non, détrompez-vous, dans les cercles néonazis, on la considère comme une grande prêtresse. On voit des jeunes garçons et des jeunes filles qui entrent là, et parfois aussi de très vieux messieurs ». « Frau Burwitz peut apparaître comme une charmante vieille dame, mais c’est pour la galerie, en réalité, c’est l’araignée au centre de la toile ».
À présent la fille d’Himmler approchait avec un sac plein de provisions. Elle cherchait ses clés, mais tourna la tête quand j’ai prononcé son nom. À première vue, elle ressemblait à n’importe quelle grand-mère avec ses cheveux blancs raides et ses lunettes démodées, mais elle avait les yeux du même bleu glacial que son père.
« Qu’est-ce que vous voulez ? » demanda Gudrun, « vous êtes journaliste ? », « Non » ai-je répondu, « mais j’ai lu beaucoup au sujet d’Aide Silencieuse ». « On raconte beaucoup de choses sur Aide Silencieuse », dit-elle, « mais depuis quand est-il interdit de venir en aide à des gens que pendant des années on a poursuivi pour des actes qu’ils auraient jadis commis ? Fichez-leur la paix et laissez-les vieillir en paix ».
« Et en ce qui concerne les jeunes générations ? » je demandais, « j’ai entendu dire que l’Aide Silencieuse était aussi très active auprès des cercles néonazis ». Gudrun était catégorique : « Des garçons et des filles qui continuent de se battre pour le renouveau de l’Allemagne et de son peuple ». Je demandais d’où Aide Silencieuse tirait son argent et alors elle s’est fendue d’un sourire.
« Il y a encore de belles âmes qui ne nous ont pas oubliés ». Sur ce, la fille d’Himmler rentra et referma la porte derrière elle. Gudrun Burwitz est morte le 24 mai 2018. L’Aide Silencieuse travaille toujours avec acharnement à l’avènement du Quatrième Reich.
Traduction : Francis Goumain
Source Daily Mail : How the ‘Indiana Jones of the art world’ ARTHUR BRAND hunted down Hitler’s horses | Daily Mail Online