6 000 Japonais internés pendant la Seconde Guerre mondiale dans trois camps au Texas, à Crystal City, Seagoville et Kenedy, c’est complètement oublié aujourd’hui et ça n’a bien sûr pas donné d’image comparable à la libération d’Auschwitz, de Bergen Belzen ou de Dachau – même si, dans les camps du Texas, on retrouvait aussi le déshabillage et le rasage complet des arrivants leur désinfection, en l’occurrence, par aspersion de DDT, et leur mise au travail forcé.
Mais une première question surgit immédiatement: que ce serait-il passé si les Japonais présents sur tout le continent américain n’avaient pas été six mille mais six millions ? Si de plus, les USA n’avaient pas terminé la guerre en vainqueur, mais ravagés par des bombardements massifs, par exemple d’A-9, la fusée intercontinentale que les Allemands finissaient de mettre au point ?
Quoi qu’il en soit, les Américains ont procédé à ces internements de Japonais après l’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, parce qu’ils avaient des raisons de penser que quelques-uns au moins des 6 000 Japonais pourraient agir contre eux, sur leur sol, dans le cadre du conflit qui venait d’éclater avec le Japon. Le 11 décembre la déclaration de guerre de l’Allemagne aux USA provoquait, là aussi, l’arrestation et l’internement des Allemands et Italiens d’immigration récente.
Mais alors, une deuxième question vient: les Allemands n’étaient-ils pas, eux aussi, pour les mêmes raisons de sécurité, fondés à arrêter et à interner les Juifs présents en Europe continentale, des Juifs qui avaient déclaré la guerre aux Allemands dès le 24 mars 1933 ? Même si cette déclaration de guerre n’avait pas le caractère spectaculaire d’un Pearl Harbour, le problème était pour les Allemands potentiellement bien plus grave, puisque ce n’est pas 6 000 Juifs qu’il y avait en Europe occupée, mais environ 11 000 000 !
Sur les 6 000 Japonais internés par les Américains, un autre point est remarquable, environ un tiers n’étaient pas en réalité des résidents sur le territoire des États-Unis – à Hawaï ou sur la Côte Ouest – mais des immigrés vivant en Amérique centrale ou en Amérique du sud, principalement, en réalité, au Pérou.
Les États-Unis, arguant de la « sécurité hémisphérique », avaient ordonné la rafle des personnes d’origine japonaise, allemande ou italienne dans 18 pays d’Amérique latine, en échange d’accords commerciaux, d’aide militaire et de prêts. Au total, c’est 6 000 personnes, initialement en dehors du territoire des USA, qui ont été «enlevées» et déportées dans des camps de détention aux USA.
On reconnaît ici l’application de la doctrine Monroe, certes, pas dans son interprétation absurde et que personne n’a jamais vue à l’œuvre à aucune époque et selon laquelle les USA ne devaient pas intervenir en dehors de l’Amérique, mais dans sa seule version qui, elle, est longtemps restée une pierre angulaire de la politique étrangère américaine, version selon laquelle les États-Unis ne doivent tolérer aucune interférence européenne dans les affaires d’un pays d’Amérique du nord ou du sud. C’est ainsi qu’à la fin du 19e siècle et au début du 20e, les États-Unis ont mis en avant la doctrine Monroe pour justifier l’hégémonie US et des interventions directes dans les Caraïbes, en Amérique Centrale et dans le nord de l’Amérique du Sud, toutes ces zones étant considérées comme faisant partie de la «sphère d’influence» américaine.
D’où une troisième question : l’Allemagne, de même, ne pouvait-elle se prévaloir d’une sorte de doctrine Monroe et revendiquer une zone d’influence autour d’elle, qui en l’occurrence ne serait autre que la doctrine de Paul Lagarde de la Mitteleuropa ?
C’est exactement ce que Hitler disait le 28 avril 1940 dans son discours au Reichstag, en réplique au défi public de Roosevelt du 14 avril 1940 :
[…] Si toutefois le Président Roosevelt croit qu’il est de son devoir d’adresser une telle requête spécifiquement à l’Allemagne et à l’Italie du fait que l’Amérique est si éloignée de l’Europe, nous pourrions nous-mêmes, du même droit, adresser au Président de l’Amérique, une requête concernant les objectifs que vise sa politique étrangère et les buts qu’elle poursuit – au sujet, par exemple, des pays de l’Amérique Centrale et de l’Amérique du Sud. En un pareil cas, M. Roosevelt se réfèrerait très vraisemblablement à la doctrine Monroe pour rejeter une telle requête en tant qu’ingérence dans les affaires intérieures du continent Américain. Nous les Allemands, défendons une doctrine similaire pour l’Europe – et par-dessus tout, pour les territoires et intérêts du Grand Reich. Quoi qu’il en soit, je ne permettrais jamais d’adresser un tel défi au Président des États-Unis d’Amérique, parce que j’estime que ce serait d’une présomption qui serait fort justement considérée comme un manque de tact.
Pour les Allemands, non seulement les Juifs encore présents en Allemagne pouvaient présenter un danger, mais en réalité, tout Juif présent dans toute la zone européenne sous contrôle de l’Allemagne était susceptible de s’en prendre à eux «dans le dos» pendant que le pays luttait contre trois superpuissances à la fois, l’URSS, la Grande-Bretagne et les États-Unis.
Il était donc indispensable que – soit directement, soit par l’intermédiaire de la collaboration des pays occupés – ils procèdent au regroupement dans des camps des populations juives potentiellement hostiles.
Finalement, les Allemands ont fait dans leur zone ce que les États-Unis ont fait dans la leur avec les Japonais, la différence n’est pas dans le principe, mais dans le nombre.
Attention, il semble que l’article ne parle que des « Japonais » déjà naturalisés Américain ou Sud Américain.