Polémique sur BFMTV lors d’un débat sur la réforme des retraites : l’économiste chroniqueur Emmanuel Lechypre fait référence à un texte de 1941, donc adopté sous le gouvernement du maréchal Pétain à Vichy, à propos l’origine de notre système actuel de retraite par répartition. Embarras et consternation de la journaliste et de… Philippe Martinez (leader de la CGT) sur la question. Et pourtant, c’est bien le cas !
Il paraît donc opportun de rappeler la paternité du système de retraite par répartition que nous connaissons aujourd’hui. Comme de nombreuses avancées sociales qu’on attribue faussement au Front Populaire et à l’action syndicale, notre système de retraite actuel trouve son origine dans la conception planiste du gouvernement de l’État français du maréchal Philippe Pétain.
En effet, le décret du 14 mars 1941 du régime de Vichy va créer non seulement l’AVTS (« Allocation pour les Vieux Travailleurs Salariés »), une réforme qui viendra préfigurer la mise en place du « minimum vieillesse », mais également un système de « retraite par répartition », remplaçant le système de « retraite par capitalisation », pour les assurés du commerce et de l’industrie et les professions agricoles dans le cadre de la Révolution nationale.
La « retraite par capitalisation » reposait sur le dogme individualiste de la responsabilité personnelle : chacun doit cotiser pour lui-même. Cette forme de retraite est donc individuelle à l’inverse du système de « retraite par répartition » qui assure une solidarité intergénérationnelle comme voulue par le maréchal Pétain.
A partir de 1941 en France « les cotisations ne donneront plus lieu à un placement, mais seront utilisées au fur et à mesure de leurs rentrées dans les caisses pour le service des pensions ». Auparavant, le régime par capitalisation était en vigueur depuis 1930 mais malgré les 7 millions de salariés qui capitalisaient, le régime n’arrivait pas à verser des pensions décentes…
La réforme fut mise en place par René Belin, ancien dirigeant de la CGT devenu ministre du Travail du régime de Vichy et de ses collaborateurs P. Laroque et A. Parodi. Ces derniers, devenus « résistants », inspireront le projet de régime de retraite par répartition entériné le 26 avril 1946 par la première assemblée législative élue après la prétendue « libération ». Qui ne fut en réalité qu’un renouvellement de l’aliénation de la France aux « dynasties bourgeoises » (les oligarchies libérales de l’époque) débusquées tout au long de sa carrière par un Henri Coston, par exemple.
En 1946, les gaullistes et les communistes s’attribuaient ainsi honteusement une des nombreuses avancées sociales majeures de la Révolution Nationale ! Une fois de plus, la théorie des conquêtes arrachées les armes à la main s’effondre : le Conseil National de la Résistance a sagement géré un édifice bâti par Vichy et s’est bien gardé d’en modifier l’équilibre général.
Mais, la légitimité des acquis en matière sociale et la nécessaire solidarité entre ceux qui ont en commun une même appartenance nationale sont de plus en plus remises en question, sacrifiées sur l’autel de l’austérité et de la rentabilité.
La réforme des retraites, à laquelle s’entêtent Macron et ses gouvernements depuis son premier quinquennat, manifeste le déploiement continu du capitalisme prévaricateur et phagocytaire dans sa forme la plus abjecte. Cette vision du monde accorde toujours le primat aux enjeux productivistes plutôt qu’à la préservation du modèle social français, en faisant diminuer la valeur symbolique du travail des aînés par la baisse des retraites, et en les exhortant à travailler de plus en plus vieux.
Avec le maréchal, nous disons : « Le travail des Français est la ressource suprême de la patrie ». Bas les pattes !
Voir aussi :
La France sous vichy : genèse d’un socialisme enraciné
1941 : le maréchal Pétain annonce les prémisses de la retraite par répartition
Je remarque tout de même que ceux qui manifestent ont dans la grande majorité voté MACRON au second tour de l’élection présidentielle. On ne récolte jamais que ce que l’on a semé. Ils semblent détester les conséquences des causes qu’ils chérissent. On pourrait leur dire aussi ironiquement ; travailler un ou deux ans de plus pour éviter le fascisme, ce n’est pas cher payé !