Jules-Napoléon Guérin est né le 14 septembre 1860 à Madrid de parents français, ingénieurs expatriés, appelés pour construire la première usine à gaz espagnole.
Très jeune, il milite à l’extrême gauche, avec d’anciens communards.
Sa rencontre avec le Marquis de Morès et ses bouchers de la Villette sera déterminante pour fixer ses idées politiques. Le Marquis accuse en mars 1892 un groupe de bouchers juifs d’avoir fourni aux militaires de la viande avariée. Guérin, qui est devenu son lieutenant, lors d’une grande manifestation du Syndicat de la boucherie, dénonce « les grands capitalistes cosmopolites qui veulent détruire une industrie traditionnelle et corporative ».
Contre le Grand Orient de France, il fonde la ligue antimaçonnique et antisémite du Grand Occident de France (issue de la Ligue antisémitique de France fondée en juin 1896) qui fut particulièrement active et virulente lors de l’affaire Dreyfus.
Journaliste anti-dreyfusard et militant antisémite proche d’Édouard Drumont, directeur de la Ligue antisémitique de France formée dans la foulée de l’affaire, Guérin est également membre de la Ligue de la patrie française. Il fut impliqué dans le coup d’État manqué mené notamment par Paul Déroulède en 1899.
Comme ses compatriotes (parmi lesquels se trouvent les royalistes André Buffet et Eugène de Lur-Saluces) ralliés par le duc d’Orléans, Guérin est poursuivi pour complot contre la sûreté de l’État. Il se réfugia alors dans l’immeuble qu’occupait l’organisation du Grand Occident de France sur la rue Chabrol (siège de son journal) avec une douzaine d’hommes armés et y soutint un siège qui dura 38 jours (épisode dit du « Fort Chabrol » ). La garde républicaine et la police dirigée par le préfet Lépine étant apparus comme inefficaces, cela suscita des railleries dans l’opinion publique.
Après sa reddition, il fut arrêté ; le gouvernement de défense républicaine décida de poursuivre les meneurs en Haute Cour. Il fut condamné, avec Paul Déroulède, au bannissement et à l’exil.
Revenu à Paris grâce à l’amnistie de 1905, Jules Guérin poursuit son activité politique et sa propagande anti-dreyfusarde jusqu’à sa mort à Paris en 1910.
Il est enterré au cimetière Montmartre, pas très loin de François Duprat. Sa tombe restée sans nom pendant 80 ans, a été restaurée par l’Association Mémoire Jules Guérin.
Louis-Ferdinand Céline lui rend hommage dans « Maudits soupirs pour une autre fois » :
« Le Fort Chabrol dans mon enfance… la rue barrée en face de l’église… en haut de la rue La Fayette. Ça me faisait repasser des souvenirs… J’écoutais plus leurs bêtises… C’était encore avec mon père après son bureau. Ils tiraillaient par les fenêtres, ils soutenaient un siège… des anarchistes… Je la voyais encore la rue… la rue vide… la barricade… on était montés de l’Opéra, enfin de notre Passage. C’était un événement terrible. Je crois que c’est les premiers coups de feu que j’ai entendus… Et puis du temps avait passé… Je me souvenais bien du nom de leur chef : Guérin… Mon père en parlait souvent… Et puis encore quelques années… Un dimanche d’hiver à Ablon en 1910, j’avais vu partir son cercueil sur un bachot. »