Une semaine après la signature du Pacte germano-soviétique le 23 août 1939, l’Allemagne entamait l’offensive contre la Pologne à l’ouest, imitée, deux semaines plus tard, à l’est, par l’URSS: et on s’évertue encore à appeler ce pacte un pacte de non-agression alors qu’il n’y a probablement été question que du partage de la Pologne. Mais qui a eu l’idée d’un partage de la Pologne, qui a eu l’initiative de ce pacte?
C’est Staline, forcément, la rencontre et la signature ont eu lieu à Moscou, c’est Ribbentrop qui s’est déplacé, et on ne va pas quelque part si on n’y est pas invité, surtout pas à Moscou, surtout pas chez Staline. Si l’idée avait été d’Hitler, c’est Molotov qui aurait été invité à Berlin et il n’est pas du tout sûr que son maître aurait accepté qu’il s’y rende.
À partir de janvier 1933, on commence à tout faire tourner autour d’Hitler, un fou qui part à la conquête du monde. Il y a d’abord le retour de la Sarre en 1936, on peut difficilement parler d’une conquête, d’autant que le référendum était prévu et organisé par les instances internationales, et non par Hitler, mais c’est quand même présenté comme le début de l’expansion hitlérienne.
Ensuite, en mars 1938, la réunion avec l’Autriche, là, c’est vrai que c’est à l’initiative d’Hitler, et même si les foules des deux côtés de la frontière sont délirantes d’enthousiasme, on ne peut pas ne pas voir que cela prépare l’attaque de la Tchéquie désormais menacée du nord et du sud.
En septembre 1938, les accords de Munich, toujours à l’initiative d’Hitler – justement, on voit bien la différence avec le Pacte germano-soviétique, ici, ce sont les trois puissances, Italie, France et Angleterre, qui se rendent en Allemagne – et, juste après, la crise des Sudètes, la Tchéquie devient un protectorat du Reich.
Là encore, on ne peut pas ne pas voir que cela prépare le coup suivant, la Pologne occidentale se trouve maintenant menacée du nord par la Prusse-Orientale et du sud par la Slovaquie alliée du Reich, et c’est d’ailleurs bien une attaque en pince qui sera conçue et lancée par le Führer depuis ces deux territoires.
Pourtant, c’est précisément à partir de la Pologne qu’Hitler perd la maîtrise du jeu diplomatique. Dans son discours devant le Reichstag le 28 avril 1939, en réponse à un défi de Roosevelt, Hitler indique ses propositions à la Pologne: il reconnaît la nécessité pour la Pologne d’avoir des installations portuaires à Dantzig, en échange, il veut une liaison terrestre entre la Prusse-Orientale et Dantzig, c’est tout et ça n’a rien d’excessif, de déséquilibré et d’humiliant.
Mais ce qu’il ne sait pas, c’est qu’en sous-main, Roosevelt bloque les négociations, il pousse la Pologne à être intraitable, il pousse la France et l’Angleterre à faire des déclarations intransigeantes, son ambassadeur en Pologne, William Bullitt, assure à son homologue, le comte Jerzy Potocki, que si les États-Unis ne seront pas là pour commencer la guerre, ce sont eux qui la termineront. Que se serait-il passé si la Pologne s’était mise d’accord avec le Reich?
De son côté, Staline a une solution toute trouvée pour débloquer la situation, faire moitié – moitié avec le Reich sur la Pologne. Son objectif, éliminer un État tampon, mettre l’URSS en contact direct avec le Reich: s’il veut que le communisme parte à la conquête du monde, il doit d’abord faire tomber l’Europe, et ça commence par Berlin et donc Varsovie.
Déjà en 1920, Mikhaïl Toukhatchevski avait subi une défaite cuisante devant Varsovie, l’objectif poursuivi était le même, faire tomber Varsovie pour arriver à Berlin alors en proie à l’agitation communiste. En 1939, il s’agissait simplement de reprendre le travail là où on l’avait laissé. Par conséquent, non seulement le pacte Ribbentrop-Molotov est un pacte d’agression – de la Pologne, mais il ne peut pas non plus être considéré comme un pacte de non-agression entre l’URSS et le Reich, puisqu’au contraire, il prépare le choc entre les deux.
Et voici un petit extrait de ce qui s’est passé ensuite dans le train PC d’Hitler (Source = David Irving, Hitler’s War).
[…] Le gouvernement polonais s’étant enfui en Roumanie, en terrain neutre, les Russes pouvaient prétendre qu’ils n’étaient plus tenus par leur pacte de non-agression vis-à-vis de la Pologne. «Pour protéger les intérêts des Ukrainiens et de la Russie blanche» deux groupes d’armées pénétraient en Pologne par l’est aux petites heures du 17 septembre. Presque aussitôt, la nouvelle parvenait au train de commandement d’Hitler. Ce dernier annulait un départ en avion pour Cracovie et, aux environs de 4 heures du matin, pénétrait dans le wagon d’état-major où il retrouvait le général Schmundt [qui sera victime de l’attentat du 20 juillet 1944] en compagnie de Keitel et de Jodl. Tous étaient penchés sur la table des cartes à essayer de deviner les mouvements de l’armée soviétique quand Ribbentrop, à la demande et avec l’aval d’Hitler, faisait son apparition pour révéler aux généraux passablement médusés les détails des arrangements avec Moscou sur la Pologne: «Nous avons décidé avec Staline d’une ligne de démarcation entre les deux sphères d’intérêt qui passerait le long des quatre cours d’eau: Pissa, Narev, Vistule et San». Joignant le geste à la parole, il traçait grossièrement la ligne sur la carte.
Dans une ambiance glaciale, les généraux faisaient remarquer qu’à l’instant même où on parlait, des avions russes continuaient probablement de décoller d’un peu partout sans avoir la moindre idée des positions précises des unités allemandes les plus avancées et que la Wehrmacht avait subi des pertes conséquentes pour s’emparer de territoires apparemment situés à cent miles derrière la ligne de démarcation secrètement convenue. Il s’agissait à présent d’engager sans tarder des discussions d’état-major conjointes avec les Russes – Ribbentrop suggérant comme point de rencontre, de façon quelque peu maladroite, surtout pour un diplomate, Brest-Litovsk, scène de la plus grosse humiliation russe de la Première Guerre mondiale – et de faire décrocher les unités les plus avancées pour les replier sur la ligne prévue.
On voit que si tout n’avait pas été convenu à l’avance entre Ribbentrop et Staline, les mouvements de troupes russes à l’est auraient parfaitement pu provoquer une guerre accidentelle, or, au contraire, on peut voir qu’à la fin de la campagne, les soldats Allemands et Russes font mine de fraterniser, tout comme quatre ans plus tard, sur l’Elbe, les Américains et les Russes.
Certains soutiendront néanmoins que Staline a proposé de faire moitié – moitié sur la Pologne pour empêcher Hitler de prendre toute la Pologne et de se rapprocher ainsi dangereusement de Moscou. L’argument en lui-même n’est pas idiot, mais alors, il ne faut pas que ceux qui l’utilisent affirment en même temps que Staline ne s’attendait pas du tout à une attaque d’Hitler et qu’il a été pris au dépourvu: soit Staline prend l’est de la Pologne pour se donner de la marge en vue d’une attaque allemande et dans ce cas on ne peut pas dire qu’il n’avait pas vu la menace ni qu’il ne s’y était pas préparé, soit il prend l’est de la Pologne et il s’entend avec Hitler pour d’autres raisons.
En réalité, pour Roosevelt comme pour Staline, la Pologne est un piège tendu à Hitler et à l’Europe entière.
Pour Roosevelt, il s’agit de pousser l’Allemagne à la guerre en Pologne et donc à une conflagration européenne qui justifiera leur intervention et leur mainmise sur l’Europe de l’ouest: opération réussie, c’est bien dans ce monde que nous vivons encore aujourd’hui.
Pour Staline, l’objectif était double, en premier, s’entendre avec Hitler pour l’inciter à attaquer les puissances à l’ouest (la France et l’Angleterre), l’accord Ribbentrop-Molotov était aussi un accord commercial qui prévoyait la livraison de pétrole et d’aluminium à l’Allemagne, autant d’ingrédients cruciaux pour la guerre, l’aviation en particulier, et, deuxièmement, comme on l’a vu, entrer en contact direct avec le Reich pour pouvoir l’attaquer sans préavis, une fois l’Allemagne et les puissances occidentales dûment épuisées par la guerre.
Ce que ni Roosevelt ni Staline n’avaient prévu, toutefois, c’est la rapidité avec laquelle Hitler allait gagner en Pologne et en France, cela a failli tout faire rater. Les Russes, surtout, se sont retrouvés attaqués, eux qui pensaient attaquer: bien comprendre cet argument, les Russes au départ de Barbarossa, n’ont pas perdu parce qu’ils étaient plus faibles – ils étaient déjà monstrueusement forts, en quantité et en qualité – mais parce qu’ils étaient placés en attaque et non en défense.
Deux exemples très connus, très visibles mais pas correctement interprétés:
- 1 des centaines de milliers de Russes sont faits prisonniers dans les premiers jours, c’est forcément parce qu’ils étaient massés juste de l’autre côté de la frontière – et que faisaient-ils, massés juste de l’autre côté de la frontière?
- 2 l’aviation russe est détruite au sol à l’aube de la première journée: les aérodromes étaient situés à deux kilomètres de la frontière pour certains, cette position extrêmement exposée à l’avant qui les rendaient prenables même par voie terrestre, ne pouvait se justifier qu’en prévision d’une avancée imminente de l’Armée rouge vers l’ouest.
Attention, à l’inverse, il ne s’agit pas de dire que AH n’avait pas l’intention d’attaquer l’URSS: il avait l’intention de le faire, et il avait bien raison: en 1933, Guderian visitait l’usine de locomotives de Kharkov, cette usine produisait, en plus des locomotives, 22 chars par jour, à un moment où l’Allemagne n’en avait pas un seul. En 1939, Hitler disposait de 3 195 blindés, c’est-à-dire, moins de six mois de production de la seule usine de Kharkov en temps de paix – les USA n’avaient alors que 400 chars.
L’ensemble de ces arguments, et bien d’autres, sont développés par Viktor Souvorov dans plusieurs livres, et notamment dans Le Brise Glace, un livre exceptionnel de 300 pages, c’est simple, il n’y a rien à jeter, chaque ligne étant soit un fait, soit une analyse de ce fait.
Il résume l’essentiel de sa théorie dans la vidéo ci-dessous de sa conférence en 2009 devant l’académie navale américaine: c’est Staline qui a démarré la Seconde Guerre mondiale, il a perdu au début seulement parce qu’il était placé en attaque, avec des armes d’attaque, et que Hitler l’avait devancé dans l’attaque.
D’où nous pouvons conclure que sans Hitler et sans Barbarossa, nous étions tous rouges, cela dit, quand on voit la couleur de la France d’aujourd’hui, on peut se demande si cela n’aurait pas été préférable. Peut-être une deuxième chance avec Poutine? À voir.
Source : Souvorov : « Qui a commencé la Deuxième Guerre mondiale ? ». | Who Started World War II ? by Viktor Suvorov – YouTube
Merci Francis Goumain pour cet article avec ses informations beaucoup plus complètes que ce qu’on peut lire ou entendre sur ce sujet.
Françis Goumain la balise dans la tempête. Le vin chaud du marin en déshérence. Le riz au lait Montblanc du randonneur qui n’aura rien d’autre pour le soir et la nuit. Le Marc Augier des hauteurs de survie. Le porteur de la Flamme qu’on a pas vu aux JO de 2024.
Les frontières de la Pologne orientale ont été fixées en 1920 au traité de Riga. L’impérialisme polonais exigeait la totalité des territoires des « Kresy », la partie slave de l’ancien grand-duché de Lituanie, dénommé aussi « Rus’ lituanique ». Mais la nouvelle Pologne était inquiète que l’élément polonais ne soit en minorité sur le territoire de l’Etat (Dmowsky).
Malgré leurs aspirations nationales, Ukraine et Belarus furent coupées en deux, le gouvernement polonais, surtout après la mort de J. Pilsudski, se montrant férocement polonisateur. Les mouvements nationaux belarussiens et ukrainiens se trouvaient donc pris entre Varsovie et Moscou, cette dernière ayant ses deux RSS de Belarus et d’Ukraine. L’annexion des Kresy par l’URSS, suivant à peu près la ligne Curzon, pouvait paraître logique et favorable aux peuples, si ce n’est que les régions annexées allaient connaître une effroyable épuration (voir les travaux de Joffe, N. Bekus, et autres), avec une russification qui est la marque de fabrique de Moscou depuis le tournant de 1929.
Faute d’avoir soutenu deux nouveaux Etats, les Occidentaux ont contribué à aggraver la question nationale en Europe de l’Est et à empêcher tout blocus de l’URSS. On ne peut savoir à quel point les deux Etats en question se seraient consolidés, mais au moins Staline n’aurait pas eu cette occasion d’envahir l’est de l’Etat polonais. La Pologne paraissait aux Occidentaux un rempart assez solide. Illusion.
Aujourd’hui, l’Ukraine et la Belarus payent encore le prix de la complaisance occidentale envers Moscou. Cela n’a rien de surprenant.
La ligne de front théorique des Soviétiques n’était pas seulement sur la frontière est du Gouvernemant général, elle s’étendait à la Slovaquie orientale et à la Bukovine roumaine (deux régions de peuplement ukrainien), à la Moldavie-Bessarabie.
Staline estimait qu’il était nécessaire et souhaitable de replacer sous l’autorité de Moscou tous les territoires qui avaient fait partie de l’Empire russe : « Ils sont habitués [à notre façon de gouverner] ».
Vous voulez savoir ce qu’en pensait AH ? Ecoutez-le en direct discuter avec le maréchal Mannerheim (Hitler and Mannerheim Secret Recordings) sur :
https://www.youtube.com/watch?v=P9AVu6KupNg
Les deux exclus des Traités, la jeune URSS et l’Allemagne des années 20, se sont accordés un temps, jusque pour l’entraînement militaire allemand. Avec Staline, cela a pris un tout autre tour. Une conséquence des voyages de travailleurs allemands en URSS a été de faire baisser l’attrait exercé par le Parti communistes sur l’électorat populaire allemand : ils avaient vu la réalité…