Ça y est. La rentrée littéraire bat son plein et les rayons des librairies se renouvellent de romans sans saveur à la Musso et d’essais vantant les valeurs de l’intersectionnalité des luttes. Bien entendu, ce ne sont pas vers ces rayons que se tourneront les lecteurs de Jeune Nation, qui préféreront les essais de notre mouvance, des essais qui année après année nous présentent un Occident en déclin et qui mettent de l’avant les solutions qui nos dirigeants pourraient implanter si ceux-ci avaient une once de jugement… un peu démotivant comme programme de lecture.
Pourquoi ne pas prendre un pas de recul et s’intéresser à ce qui fit la grandeur des lettres de France, plutôt qu’à la décadence actuelle, car avant de combattre la laideur, nous luttons pour la beauté de notre culture, de notre civilisation. Mais encore faut-il la connaître. L’abondance de papier imprimé déversé dans les librairies actuellement pourrait justement nous pousser à nous en détourner et préférer un bel ouvrage, un de ceux qu’on chérira longtemps. C’est l’occasion rêvée de renouer avec deux des grands auteurs français qui par la beauté de leur prose chantent l’esprit de notre race si fière : Pierre Corneille et Robert Brasillach.
La dynamique association des Amis de Robert Brasillach (ARB) vient tout juste de rééditer la biographie que Brasillach, l’une des plumes les plus sensibles du XXe siècle, a consacré au grand dramaturge Pierre Corneille, le Shakespeare français, trop fréquemment réduit à une ou deux tragédies.
Avant d’aborder le contenu du livre, on ne peut que souligner le travail artistique et professionnel des Amis de Robert Brasillach qui ne se sont pas contentés de simplement reproduire le texte en facsimilé ou de rééditer le texte brut légèrement remanié, comme on le voit souvent. En plus d’une excellente préface d’Alain Lanavère mettant en lumière les forces et les faiblesses de cette biographie, David Gattegno a ajouté une iconographie d’une richesse incroyable qui nous fait revivre cette période et découvrir le théâtre cornélien tel que joué à son époque. Grâce à ces ajouts, le Corneille de 2024 est un livre qu’on a plaisir à feuilleter avant de s’y plonger et qu’on gardera longtemps dans nos bibliothèques.
Mais revenons-en à la vie du dramaturge telle que contée par Brasillach.
Pierre Corneille (1606-1684) débuta sa carrière comme avocat à Rouen, mais s’intéressa très peu à son rôle de magistrat, malgré une charge obtenue de façon précoce comme avocat du Roi, préférant dès l’âge adulte les vers aux plaidoyers. C’est la comédie Mélite qui le fit d’abord connaître, malgré certaines maladresses stylistiques. Puis vinrent d’autres pièces, parmi lesquelles Médée et L’Illusion, puis à trente ans, son grand chef d’œuvre, Le Cid, pièce qui lui assura une place dans le panthéon des lettres françaises. Au niveau personnel, elle marqua pour l’auteur le passage à l’âge adulte, la fin des vaines espérances, révélant une âme plus mélancolique qu’optimiste, marquée par une certaine gravité et par la recherche du vrai. Il s’était jusqu’alors attaché à chanter la joie et la légèreté, désormais, il deviendrait le chantre du devoir et de la grandeur.
C’est cet appel à l’héroïsme, à l’action, au destin, qui nous reste de Corneille. Pour Brasillach, qui évite habituellement les réflexions anachroniques, son appel à la volonté en ferait « le précurseur génial, hardi, antibourgeois, anticapitaliste et antiparlementaire du fascisme moderne. »
Puis, après Le Cid, il y eut d’autre pièces lyriques dont Polyeucte, hymne à un christianisme vertueux et viril, mais aussi des traductions, dont celle de L’Office de la Sainte Vierge, ce qui pousse Brasillach à parler de Corneille comme du « poète chrétien qui fut sans doute le plus complet de nos lettres en leur temps classique ». Sa carrière fut cependant ponctuée de certains échecs, parmi lesquels Brasillach classe Pompée et Sophonisbe.
Le jeune romancier du XXe siècle décline la vie de son prédécesseur en sept périodes, en « sept couleurs ». Il nous raconte ce parcours atypique, d’une jeunesse dorée à un crépuscule marqué par une religiosité fervente, avec des épisodes de reconnaissance, mais aussi de désamour; le dramaturge ayant été impliqué dans les luttes politiques de son époque, ce qui put le défavoriser à certains moments, nonobstant son talent et ses mérites, la reconnaissance ayant toujours été liée aux amitiés entretenues.
Brasillach nous fait revivre les passions du siècle de Louis XIV, véritable âge d’or du théâtre avec Corneille, mais aussi ses contemporains Molière et Racine. On était loin des monologues du vagin et autres inepties qu’on nous présente aujourd’hui comme du « théâtre d’auteur », l’époque actuelle mettant au pinacle la médiocrité, tant et aussi longtemps qu’elle soit le fruit du camp du « bien ».
Avec son Corneille, Brasillach n’a pas produit un ouvrage universitaire. Non seulement ses références sont parfois mal citées, mais il prend aussi une certaine liberté à romancer certains épisodes de la vie de Corneille pour lesquels nous n’avons aucune source fiable. Corneille devient alors un personnage que Brasillach fait vivre à sa guise.
S’il se permet de telles libertés, c’est avant tout parce que son objectif est de faire revivre le grand dramaturge et réparer l’injustice qui lui est faite : l’Albion célèbre son Shakespeare en grande pompe, alors que Corneille, son équivalent français, ne jouit pas de la gloire dont il devrait être couvert. C’est donc pour le tricentenaire du Cid qu’il publiait cette biographie, tenant davantage de l’éloge émotif que de la biographie académique. D’ailleurs, le souvenir de Corneille ne le quitta jamais, et ce jusque dans les geôles de Fresnes.
Rémi Tremblay
Robert Brasillach, Corneille, disponible sur Les Sept Couleurs, 2024, 375 p., 30 €