La citation telle qu’elle est reprise est diffusée par des mèmes internet comme celui en en-tête est la suivante, Soljenitsyne aurait dit :
Il faut bien comprendre que les bolcheviques qui se sont emparés de la Russie n’étaient pas des Russes. Ils détestaient les Russes. Ils haïssaient les chrétiens. Animés par leur haine ethnique, ils ont torturé et massacré des millions de Russes sans le moindre remords. On ne saurait trop insister sur ce point. Le bolchevisme a commis le plus grand massacre de tous les temps. Le fait que le monde reste généralement ignorant ou indifférent à un crime aussi monstrueux est la preuve que les médias mondiaux sont entre les mains des auteurs de ce crime.
L’origine de cette citation se trouve dans l’introduction du livre de David Duke publié en 2013 et intitulé « The Secret Behind Communism » , le passage se présente comme suit :
Il faut bien comprendre que les bolcheviques qui se sont emparés de la Russie n’étaient pas des Russes. Ils détestaient les Russes. Ils haïssaient les chrétiens. Animés par leur haine ethnique, ils ont torturé et massacré des millions de Russes sans le moindre remord.
La révolution d’octobre n’était pas ce que l’on appelle en Amérique une « révolution russe ».
Il s’agissait d’un asservissement de la Russie et de son peuple.
De leurs mains ensanglantées, ils ont fait souffrir mes compatriotes plus que n’importe quel autre peuple ou nation dans toute l’histoire de l’humanité.
On ne saurait trop insister sur ce point. Le bolchevisme a commis le plus grand massacre de tous les temps.
Le fait que le monde reste généralement ignorant ou indifférent à un crime aussi monstrueux est la preuve que les médias mondiaux sont entre les mains des auteurs de ce crime !
— Alexandre Soljenitsyne
Ce sont là les paroles surprenantes que m’a adressées le célèbre écrivain et philosophe russe Alexandre Soljenitsyne lorsque j’ai eu le privilège de le rencontrer à Moscou en 2002. (1)
On voit comment la citation du mème a été modifiée : on a assemblé la première et les deux dernières phrases, les commentaires du milieu étant supprimés. Ces modifications n’altèrent toutefois pas de manière significative le sens de la citation, à tout prendre, elle aurait plutôt tendance à l’atténuer.
Jusque-là tout va bien, mais cette citation est-elle réellement de Soljenitsyne ? Après tout, nous n’avons que la parole de Duke, qui affirme que Soljenitsyne lui aurait fait cette confidence en Ukraine en 2002. Ce qui veut dire que la déclaration de Soljenitsyne n’est a priori qu’un ouï-dire rapporté par quelqu’un dont nous savons qu’il est partisan.
Heureusement, deux raisons plaident en faveur de sa véracité.
Tout d’abord, Soljenitsyne n’a jamais nié avoir tenu ces propos alors que la citation est omniprésente dans le monde anglophone. Sachant que Soljenitsyne parlait anglais, on peut raisonnablement penser que si cette citation était factice, Soljenitsyne l’aurait publiquement démentie et cela n’aurait pas manqué d’être claironné sur tous les toits à titre d’exemple de falsification des antisémites en général et de David Duke en particulier.
Deuxièmement, on trouve à peu près la même chose dans les propres écrits de Soljenitsyne.
Par exemple, dans son célèbre « L’archipel du Goulag » , il laisse entendre que la révolution bolchevique était en fait une révolution juive et non une révolution russe :
« Les noms des six principaux lieutenants de Staline et de Genrikh Yagoda, et principaux responsables du BelomorKanal [Canal de la Baltique dont le percement a fait des milliers de victimes], six brutes sanguinaires coresponsables de la mort de trente mille personnes rien que sur le chantier du canal : Semyon Firin – Matveï Berman – Naftali Frenkel – Lazar Kaganovitch – Iakov Rapoport – Sergei Zhuk. ». (2)
De même, des années plus tard, Soljenitsyne écrivait dans « Deux siècles ensemble, 1795-1995 », ouvrage qui traite spécifiquement de l’implication des Juifs dans la révolution bolchevique, que :
Qu’en est-il des renégats [apostats ?] Juifs ? Comme nous l’avons vu, au cours de l’année 1917, dans l’ensemble, les Juifs ne manifestaient pas d’attirance particulière pour les bolcheviks. Mais l’activisme d’une minorité a joué un rôle prépondérant dans les bouleversements révolutionnaires. Au dernier congrès du Parti ouvrier social-démocrate russe (RSDLP) (Londres, 1907), qui était, il est vrai, commun avec les mencheviks, sur les 302-305 délégués, 160 étaient juifs, plus de la moitié, c’était déjà prometteur.
Puis, après la Conférence d’avril 1917, juste après l’annonce fracassante des fameuses thèses d’avril de Lénine, parmi les neuf membres du nouveau Comité central se trouvaient G. Zinoviev, L. Kamenev, l. Sverdlov. Au Ve Congrès d’été du RKP (b) (le Parti communiste russe des bolcheviks, nouveau nom du RSDLP), onze membres sont élus au Comité central, dont Zinoviev, Sverdlov, Trotsky, Uritsky. Puis, lors de la « réunion historique » de la rue Karpovka, dans l’appartement de Himmer et Flaksermann, le 10 octobre 1917, lorsque la décision de lancer le coup d’État bolchevique est prise, parmi les douze participants se trouvent Trotski, Zinoviev, Kamenev, Sverdlov, Uritski, Sokolnikov.
C’est là que fut élu le premier « Politburo » qui allait connaître un si brillant avenir, et parmi ses sept membres, toujours les mêmes : Trotski, Zinoviev, Kamenev, Sokolnikov. Ce qui commençait à faire beaucoup. D. S. Pasmanik le dit clairement : « Il ne fait aucun doute que les renégats juifs étaient surreprésentés … ; ils occupaient une place trop importante parmi les commissaires bolcheviques ». (3)
Étant donné que Soljenitsyne a publié le deuxième et dernier volume de Deux siècles ensemble en 2002, soit à peu près au moment où il aurait confié à Duke les paroles que Duke cite dans son introduction, et que la thèse de Soljenitsyne dans Deux siècles ensemble est extrêmement proche de celle que Duke lui prête, bien que la thèse de Soljenitsyne contienne d’importantes nuances que celle de Duke ne présente pas, nous avons tout lieu de croire, même si Duke n’est pas un vecteur idéal, que la citation est véridique.
Karl Radl
Traduction : Francis Goumain
Source : Validating the Alexander Solzhenitsyn ‘Bolsheviks were not Russians’ Quote
Notes :
(1) David Duke, 2013, ‘The Secret Behind Communism: The Ethnic Origins of the Russian Revolution & The Greatest Holocaust in the History of Mankind’, 1st Edition, Free Speech Press: Mandeville, p. 11
(2) Alexander Solzhenitsyn, 1986, ‘The Gulag Archipelago 1918-1956: An Experiment in Literary Investigation’, 1st Edition, The Harvill Press: London, pp. 205-208
(3) Alexander Solzhenitsyn, 2017, [2002], ‘Two Hundred Years Together’, 1st Edition, The Incorrect Library: Internet, p. 435