La richesse d’un peuple est fondée sur son savoir-faire, sa capacité à créer des richesses. Pour assurer le fonctionnement d’une économie, ce ne sont pas les «limites financières » qui priment mais les moyens de production disponibles et la capacité à les développer. Les limites financières sont artificielles, les limites économiques sont réelles. Ce n’est pas la production qui doit s’adapter aux moyens monétaires, mais l’inverse.
Or, dans un système économique marqué par le développement technique, la production de richesses tend à exiger de moins en moins de main-d’œuvre, excluant toujours plus de personnes de la production, à leur corps défendant. En l’absence de création de nouveaux secteurs marchands, que ceux-ci soient de création totalement artificielle, ou bien issus de l’exploitation et du développement de nouvelles découvertes, le système économique produit de moins en moins de revenus.
Il faut donc mettre en place un système financier qui tienne compte de cette évolution, et permette d’écouler cette production parmi les membres de la communauté nationale sans en exclure les inactifs : il s’agit de solvabiliser cette fraction croissante de la population exclue du système productif, sans pour autant casser la liberté d’entreprendre et le dynamisme bienfaisant qu’elle induit. Tel est l’objectif de la théorie du crédit social, dont le premier à en poser les principes fut en Grande-Bretagne le major Clifford H. Douglas, dans les années 1930.
Le dividende social
Pour cela, il est nécessaire de dissocier, pour une partie du revenu disponible de chaque citoyen, revenu et emploi.
Ce système, fondé sur la souveraineté de la personne humaine, membre d’une communauté nationale, repose sur un système de dividendes. Un dividende est le revenu que l’on reçoit comme fruit de l’activité d’une société lorsque l’on en est actionnaire, donc propriétaire d’une fraction.
En considérant, sous son aspect économique, la nation comme une entreprise de création de richesses, il est possible de verser à chaque citoyen, de sa naissance à sa mort, en contrepartie de son devoir de contribuer au renforcement de la nation, un dividende social constituant un revenu minimal. Celui-ci correspond au droit que chaque citoyen a de recevoir une part de l’héritage commun légué par les générations précédentes et une part de l’effort national de production de richesses nouvelles.
Chaque citoyen bénéficie d’un revenu additionnel, indépendamment de l’âge et des ressources financières. Cela signifie que chaque citoyen recevra un tel dividende, qu’il ait ou non d’autres sources de revenus. Ainsi, chacun sera assuré de recevoir un complément de ressource, s’il possède un revenu de travail ; en tout état de cause, il disposera d’un minimum de pouvoir d’achat. Le volume du dividende versé sera déterminé par la masse des biens à consommer. On distribue ainsi à chaque citoyen un dividende sans priver quiconque des avantages qu’il possède, mais a contrario en augmentant ceux de tout le monde.
Les bénéficiaires sont libres de dépenser ou de capitaliser le montant du dividende perçu, après avoir satisfait à l’obligation d’affecter une partie de ce revenu afin de s’assurer pour les risques de maladie, cette disposition devant protéger contre eux-mêmes certains imprévoyants. De même, ce revenu, versé dès la naissance, est pour partie affecté obligatoirement à l’instruction de l’enfant puis de l’adolescent.
Quel est le contenu de ce dividende social ?
Il est composé de deux parts :
a) l’une est issue de l’accroissement de la production et de la productivité. Ainsi, si l’année 1, l’accroissement de la richesse nationale a été de x pour cent, cet accroissement sera réparti également à chaque citoyen. Le calcul de cet accroissement s’effectue par la prise en compte des agrégats monétaires M2 et M3 qui le cristallisent sous forme monétaire. On peut retenir, pour calcul de référence, celui effectué par Maurice Allais, prix Nobel d’économie qui considère que sont susceptibles d’une monétisation effective les 2/3 de M2 et M3. On peut alors baser ce calcul sur l’agrégat suivant : MA = M2 + 2/3 (M3-M2). MA est considéré comme un bon indicateur du volume global des moyens de paiement.
b) l’autre est issue de ce qui constitue aujourd’hui les dépenses de transferts, mais transformées en dividende social par un système de rétrocession des prestations sociales.
Le cadre de l’économie orientée
Il s’agit donc d’effectuer un contrôle national de la monnaie, dans le cadre d’une économie orientée, de telle façon qu’en tout temps, le crédit social distribué à chaque citoyen reflète la richesse véritable du pays sans que l’on entrave la liberté d’entreprendre et de se constituer un patrimoine.
Les signes monétaires émis pour s’ajuster à la production le seront à partir d’un coefficient multiplicateur calculé à partir du rapport actifs/inactifs. Ainsi, la banque centrale peut autoriser l’émission d’un volume de traite égal à X pour cent de la valeur nouvelle de la production, ce pourcentage correspondant au ratio inactifs/actifs. Ici on ne prend pas en compte les seules disponibilités monétaires, mais le nombre de citoyens concernés. Cette information étant communiquée aux différents producteurs répartis en branches de production, ceux-ci vont appliquer le coefficient multiplicateur dû à leurs prix de vente.
Dans la relation comptable client/fournisseur, le dernier fournisseur remboursera la traite garantie par la caisse de crédit social après avoir vendu la marchandise sous la forme d’un remboursement d’avance ou d’impôt d’épongement de la masse monétaire. Les signes monétaires émis en début de circuit, la monnaie de règlement M1, est donc détruite en fin de parcours, une fois sa mission remplie. Considérés comme monnaie de règlement, ces traites peuvent être diffusées comme n’importe quel numéraire de la Banque centrale.
Cette émission de monnaie nouvelle – correspondant à l’accroissement de la production d’une période sur l’autre et également répartie à chacun des citoyens –, doit parvenir directement aux consommateurs, franche d’intérêt et de dette, sous la forme d’un crédit social distribué de deux manières :
-un dividende versé à chaque citoyen, l’Escompte compensé, c’est-à-dire une baisse de x pour cent du prix d’un bien proposé aux consommateurs par les producteurs, cette baisse étant compensée aux producteurs par la banque centrale, qui équilibrera le pouvoir d’achat global existant face à la production offerte. Cette technique permet de traiter une hausse du prix d’un bien de production, sans provoquer de dérèglements monétaires.
La Banque centrale disposera de l’intégralité du pouvoir d’émission monétaire et financera la caisse de Crédit social en contrepartie de ses titres ne portant ni intérêt ni échéance.
Ces signes monétaires ne sont pas obtenus par taxation comme cela se pratique actuellement. Le revenu social est financé sans impôt ni emprunt, sans diminution ni atteinte au pouvoir d’achat et au droit de la personne humaine. Au contraire, ce système permet de supprimer les actuels systèmes sociaux de redistribution qui pénalisent le travail : retraite, santé, chômage, RMI, lequel est en quelque sorte l’amorce d’un tel revenu social. Par là même, en réduisant les charges fiscalisées qui étouffent l’esprit d’entreprise, on dynamise l’activité économique. Conjointement, les citoyens sont responsabilisés.
Pour ce faire, conjointement au dividende versé en fonction de l’accroissement de la production, il suffira de mettre en place un système de rétrocession des prestations sociales existantes, lequel constituera la phase de transition vers le système de crédit social. Dans le même temps, le passage du système actuel au système créditiste nécessitera de changer les contreparties monétaires : une caisse d’amortissement de la dette publique sera chargée de convertir la monnaie émise jusqu’alors par crédit bancaire ex nihilo par de la monnaie banque centrale, émise en contrepartie de titres, ne portant ni intérêt ni échéance.
Ce système permet de créditer tous les citoyens de moyens financiers de telle manière qu’il existe une demande solvable suffisante pour permettre à la production de s’écouler.
II n’est donc pas besoin de dégrader les conditions de vie des populations pour financer les retraites ou les soins des générations à venir. Le problème n’est pas d’ordre monétaire, mais d’ordre matériel. Seule se pose la question de savoir s’il y aura suffisamment d’actifs pour produire assez de biens afin de satisfaire la demande de consommation. Les signes monétaires peuvent s’ajuster en conséquence. Mais la monnaie doit être administrée en fonction de l’intérêt des peuples et non pas en fonction d’intérêts particuliers. Avant d’être techniques, les problèmes monétaires sont politiques. Toutefois, n’ayons pas crainte de le répéter, la crise annoncée du financement des prestations sociales révèle un péril gravissime : la dénatalité qui frappe l’Europe. Et si du seul point de vue économique et monétaire, ce phénomène n’est pas rédhibitoire comme on veut le faire accroire, la dénatalité pose le problème crucial de la survie des peuples européens. Car il n’est de richesses que d’hommes.
Fonctionnement du Crédit social
Posons :
– V valorisation totale des biens et services ;
– Mr la masse monétaire réelle (hors crédits) ;
– DS le Dividende social ;
– A l’année en cours ; (A+1) l’année suivante
– N le nombre total de citoyens de la zone monétaire ;
– R le rapport constant entre Mr et V : R = Mr / V, R étant inférieur à 1.
Chaque citoyen, associé économique, reçoit chaque année un total de monnaie créée de :
DS (A+1) = [R*V(A+1) - Mr(A)] / N
Ou dit autrement puisque Mr(A) = R*V(A)
DS (A+1) = R/N [V(A+1) - V(A)]
Il apparaît que le dividende monétaire est proportionnel à la croissance des biens et services, et inversement proportionnel au nombre de citoyens de la zone monétaire.
En appliquant la formule précédente exprimant le dividende social, une masse monétaire de 3 000 milliards d’euros pour 300 millions d’habitants donnerait pour une croissance de 3 % un dividende monétaire de 300 euros.
En faisant ainsi, chaque année la masse monétaire réelle, dont la croissance est justement équilibrée entre tous les citoyens par ce moyen, s’ajuste à la création de valeur (biens et services).
Clifford Hugh Douglas est né en 1879. Il fit des études d’ingénieur à l’Université de Cambridge. Il développa son système de crédit social au début des années 1920 et le présenta au gouvernement canadien en 1923 devant le Comité de la Chambre des Communes pour la banque et l’Industrie. Son livre, intitulé Social credit influença la Farmers Cooperative (UFA) au Canada, dont Douglas devint le conseiller financier en 1927. Sur cette base fut constituée ne 1935 le Parti du Crédit social de l’Alberta qui sous la direction de William Aberhart emporta les élections. Le major Douglas devint conseiller principal du gouvernement de l’Alberta mais il démissionna à la suite de graves désaccords avec Aberhart. Douglas écrivit aussi Monopoly of Credit (1931), l’Usage de la monnaie (1935), L’Expérience de l’Alberta : un bilan provisoire (1937). Il est mort en 1952.