Une analyse, évolution et état, de la droite nationale française et plus généralement de la désaffection des Français pour le champ idéologique et politique, par Yves Morel.
Le choix de l’adaptation au système actuel
Qu’il est loin le temps où l’extrême droite, c’était l’Action française ou les groupes fascistes d’Occident, Ordre nouveau ou de L’Œuvre française ! Toutes ces formations ont disparu du paysage politique. Le Front national devenu Rassemblement national, a évolué vers un populisme mêlant révolte des humbles et défense poujadiste de l’identité française. Mais il n’est plus question de dictature nationaliste de type bonapartiste, plébiscitaire ou autre, d’instauration d’un régime fort de type non-parlementaire, ni même de remise en question de l’évolution des mœurs et des « acquis » sociétaux de notre société individualiste, matérialiste et hédoniste, tels le droit à l’avortement ou le mariage homosexuel. Il n’est pas question également de dirigisme économique rigoureux ou d’organisation corporatiste de la production et du travail. Le RN prétend défendre les humbles contre les excès du capitalisme, et c’est tout. Il a jeté aux orties toute idéologie. Prétendument réaliste, il considère les références réactionnaires et fascisantes de la droite nationale comme des pesanteurs propres à l’empêcher d’accéder au pouvoir ou d’acquérir une forte influence sur la vie politique. À ses yeux, le cadre républicain libéral et démocratique est indépassable, et il importe donc, dans une perspective électoraliste, de rallier le maximum de suffrages en collant aux préoccupations matérielles des gens du commun.
Reconquête !, le parti d’Éric Zemmour, a, lui, fait le choix d’une défense intransigeante de l’identité française et de la souveraineté nationale dans le cadre non seulement du système politique actuel, démocratique, mais dans celui, également, du libéralisme absolu qui domine aujourd’hui le monde. Sa démarche se situe dans la continuité de celles de Philippe de Villiers, fondateur et chef du Mouvement pour la France (MPF), et du britannique Jimmy Goldsmith dans les années 1990, et de celle de Bruno Mégret, successivement numéro 2 du Front National, puis créateur du Mouvement national républicain (MNR). Avec Zemmour comme avec eux, c’est l’acceptation résolue et franche, sans équivoque, du libéralisme économique pur conjugué avec un conservatisme social affirmé, la justification des inégalités de tous ordres, le refus de la démagogie populiste, et un nationalisme de type reaganien, thatchérien ou trumpiste, ou bolsonariste. Mais Zemmour se démarque tout de même d’eux dans la mesure où il ne revendique aucune filiation idéologique. De Villiers était catholique et, sinon monarchiste, du moins peu républicain ; Mégret et ses proches collaborateurs venaient de la Nouvelle Droite imprégnée d’un héritage intellectuel évolien, peu ou prou fascisant, nietzschéen et néo-païen. Zemmour ne présente, à l’évidence, aucune de ces caractéristiques. Son nationalisme apparaît comme dépourvu de références idéologiques, même s’il manifeste parfois, dans ses discours, des relents réactionnaires de type vichyste ou raciste. En cela seulement, il ressemble à Marine Le Pen, sa rivale heureuse au sein de la droite nationale française.
Une évolution qui est déjà allée loin et n’est peut-être pas terminée
À cela s’ajoute l’importance, pour un leader d’extrême droite, de l’identité ethnique et religieuse de Zemmour, qui est juif. Car jamais on n’avait vu un juif fonder et diriger un parti d’extrême droite, et finir par devenir, pendant un court moment, l’incarnation même de cette dernière. Ce fait, tout nouveau et inconcevable jusqu’au début de la présente décennie, est symbolique. Et, par là, il interroge. Ne serait-il donc pas possible que l’extrême droite, la droite nationale, la réaction, ou de quelque autre dénomination par laquelle on entend la désigner, puisse être dirigée par une personnalité appartenant à un groupe ethnoculturel jusqu’alors honni et dénoncé comme délétère par elle : les Juifs, les étrangers ou les Français d’ascendance étrangère (les « métèques »), fidèles d’une religion (telle l’islam) étrangère, elle, à notre civilisation chrétienne (et longtemps son ennemie), les Arabes ou les Noirs d’origine africaine ? Le cas d’Éric Zemmour pourrait-il devenir un précédent, le signe d’une évolution à venir de la droite nationale, au plan de sa composition, de la nature ethnoculturelle de ses adhérents, et, par suite, de ses fondamentaux intellectuels et moraux ?
Rappelons-nous que, il y a de cela déjà une quarantaine d’années, un parti de droite suisse, nationaliste et hostile à l’immigration, fut dirigé par un leader d’origine arabe et de confession musulmane. Rappelons également les cas des leaders suprématistes afro-américains Elijah Muhammad et surtout Louis Farrakhan, partisans de la création, sur le territoire américain, d’un État noir autoritaire fondé sur les critères de la race et de la religion (l’islam, en l’occurrence), et d’orientation nationaliste et antisémite. Certes, ils agissaient aux Etats-Unis, dans un contexte politique et culturel différent de celui de l’Europe et de la France, mais les analogies de leur idéologie et de leur programme avec ceux du fascisme étaient frappants, et Farrakhan n’a jamais caché son admiration pour Hitler, au point de se voir appelé « le Hitler noir » par ses détracteurs. Quant à l’aspect parfois révolutionnaire de son programme politique et ses relations amicales avec la Libye socialisante de Khadafi, elle n’invalide pas la thèse d’une certaine parenté de Farrakhan et Muhammad avec l’extrême droite fasciste dès lors qu’on se rappelle qu’en France et en Europe, divers mouvements fascisants, tels Unité radicale, se proclamaient révolutionnaires et se trouvaient des affinités avec une certaine extrême gauche, avec Cuba, et avec des mouvements marxistes latino-américains en lutte contre des régimes dictatoriaux soutenus par Washington et le grand capitalisme yankee. Enfin, sans aller aussi loin, reconsidérons le cas de l’évolution du Front national, nationaliste intransigeant et autoritaire, devenu un Rassemblement national populiste oscillant entre droite et extrême gauche, et dont la cheffe (certes, elle ne l’est plus officiellement aujourd’hui), Marine Le Pen, déclara un jour : « Je n’en ai rien à faire de la droite et de la gauche. Ce qui m’intéresse, ce sont la France et les Français ». Et d’ailleurs, qui aurait pensé, autrefois, qu’un parti dit d’extrême droite aurait pu être dirigé par une femme ?
Incontestablement, depuis au moins deux décennies, le droite nationale (en France, mais aussi en d’autres pays, tels l’Italie) a profondément évolué. Il s’agit là d’un phénomène auquel on n’a pas prêté une attention suffisante.
Un contexte général de désaffection à l’égard des idéologies et de la politique
Cette évolution de la droite nationale, que d’aucuns persistent à appeler « l’extrême droite », s’est caractérisée par deux faits étroitement liés : l’adaptation, pour le meilleur comme pour le pire, à l’évolution générale du monde contemporain, de nos sociétés française et européennes, et, corollairement, le dépérissement des idées qui l’a accompagnée.
On ne choisit pas le monde, l’époque, la société, en lesquels on vit. Et il faut bien s’accommoder de leur nature, de leurs caractéristiques, et des bornes qu’ils imposent à nos rêves, à nos idéaux et à nos possibilités d’action. L’évolution de la droite nationale, depuis deux décennies, est le développement graduel de cette soumission au principe de réalité, louée par certains, au nom de l’efficacité et dans l’espoir d’un succès électoral, critiquée par d’autres comme une capitulation, comme l’acceptation d’un monde que l’on combattait et qu’on se proposait de changer.
Le Rassemblement national et Reconquête !, les deux seules formations de la droite nationale connues des Français d’aujourd’hui et susceptibles d’exercer sur eux quelque influence appréciable, ont donc fait le choix de l’acceptation pleine et entière de la démocratie républicaine et du libéralisme économique, même si le premier prétend vouloir amender ce dernier en un sens social. En cela, ils sont à l’unisson de tous les partis politiques actuels (ceux qui ont un minimum de visibilité et d’audience, s’entend). Tous, en effet, ont renoncé à toute idéologie, à tout corpus doctrinal, à tout projet précis de société, et aux idéaux au nom desquels ils s’étaient fondés.
Le parti communiste ne se prétend plus marxiste et ne se propose plus de faire advenir une société sans classes étayée sur la nationalisation des moyens de production et d’échange.
Le parti socialiste ne parle plus de socialisme, et se rabat sur les « valeurs de la République ».
La France insoumise se présente comme un magma mêlant populisme de gauche, ouvriérisme, propension révolutionnaire et esprit de révolte permanente, véhémente mais sans force réelle ni programme crédible.
Les Républicains voguent sur les restes de l’ancienne droite libérale giscardienne. Les centristes sont les débris et les pâles survivances du radicalisme et de la démocratie chrétienne d’autrefois.
Nous vivons, depuis le début des années 1990, la fin des idéologies, naguère annoncée par Raymond Aron (L’Opium des intellectuels, 1955), puis décrite et analysée par Daniel Bell (La fin de l’idéologie, 1997) et bien d’autres auteurs encore. Ces idéologies, les unes de gauche, les autres de droite, qui se sont toutes fracassées contre le réel, et dont aucun intellectuel ne se réclame plus aujourd’hui, de peur de sembler peu crédible. Avec les idéologies, naguère pitance des intellectuels, sont tombés dans le discrédit les idéaux qui les inspiraient. Plus personne aujourd’hui ne s’enflamme pour le socialisme (marxiste ou autre), la révolution, le nationalisme, le radicalisme, la démocratie chrétienne, la restauration monarchique ou le fascisme. D’ailleurs, il n’est que de considérer les noms de certains partis pour prendre la mesure de la désidéologisation actuelle : « Les Républicains », « Mouvement démocrate » (MODEM), « Union des Démocrates et Indépendants » (UDI), « Renaissance », « Horizons », ou même « La France insoumise (LFI), le « Rassemblement national » ou « Reconquête ! ». Autant de dénominations qui attestent de la vacuité intellectuelle et de l’absence de projet politique précis des partis qui les portent. Seuls les écologistes de EELV se réclament d’une idéologie, inédite et aux relents totalitaires.
L’évolution des droites nationales européennes vers le libéralisme économique et le conservatisme
La droite nationale a donc pris le parti de cette rupture d’avec les idéologies politiques. Tel est également le cas des droites nationales d’autres pays européens : Alternative pour l’Allemagne, Parti pour la Liberté, en Autriche, Ligue du Nord et Frères d’Italie. Ces différentes formations ne se réclament de rien d’autre que d’un nationalisme vague frotté de démagogie, et d’un conservatisme social musclé. Il convient de noter, au passage que, par là, elles sont plus proches de Reconquête ! d’Éric Zemmour, qui semble avoir perdu toute réelle audience en France, que du Rassemblement national, d’orientation plutôt plébéienne, fort de 11 à 18% des suffrages (suivant les régions et les types d’élections), de ses 88 députés, et dont la candidate, Marine Le Pen, a été présente à trois reprises au deuxième tour de l’élection présidentielle.
C’est en effet un fait nouveau que ce glissement résolument conservateur et capitaliste des droites nationales européennes depuis près de trente-cinq ans. Toutes se sont ralliées au libéralisme économique pur et dur, qu’elles combattaient autrefois (et parfois avec véhémence) et ont décidé de voir en lui le garant d’une prospérité nationale censée bénéficier au peuple. À cet égard, notre Rassemblement national constitue une exception. Il reste cependant qu’il accepte bel et bien les principes et les règles du système républicain et démocratique qu’il critique pourtant de façon récurrente.
Nous assistons donc, présentement, à une désidéologisation et à une normalisation républicaine de la droite nationale – que ses adversaires persistent néanmoins à qualifier d’ « extrême » – tant en France que dans toute l’Europe occidentale. Chez nos voisins, cette droite s’incarne dans des partis conservateurs libéraux prenant appui sur un vague nationalisme populaire. Par là, elle apparaît comme beaucoup plus proche de la droite américaine de Donald Trump ou de la droite brésilienne de Jair Bolsonaro que de ce qu’elle fut autrefois.
En France, elle prend essentiellement l’aspect d’un parti protestataire et populiste, le Rassemblement national. Et, là encore, s’affirme. la spécificité de notre pays profondément marqué par la Révolution française et en l’âme duquel couve toujours la tentation révolutionnaire et l’esprit de contestation et de lutte des classes. Cette adaptation générale des droites nationales à notre monde matérialiste régi par un libéralisme économique sans frontières et sans humanité atteste du triomphe total de ce dernier, auquel nul ne peut ni ne prétend s’opposer désormais. C’est le triomphe de la matière sur l’esprit, c’est la réduction de la grandeur à l’aptitude à la compétition économique mondiale et à la bonne tenue sur les marchés, tout ceci adossé à une conception vulgaire et démagogique de l’identité nationale.
Une droite nationale largement sans idées ni organe de diffusion, et qui renonce à ses valeurs
Un fait de notre époque atteste de cette vulgarisation de la droite nationale en France et dans tous les pays occidentaux « évolués » (?) : la disparition, dans tous les partis de droite nationale, de cénacles de réflexion, d’études et d’idées, très présents en leur sein autrefois. Sans remonter aussi loin que l’Action française du premier tiers du XXe siècle, qui était elle-même un mouvement intellectuel et incluait un Institut d’Action française, on ne trouve plus, dans la droite nationale actuelle, de cercles de réflexion tels que ceux qui y existaient dans les années 1960,1970 et 1980, comme le Centre d’études nationales, le Centre de culture européenne, le Centre de documentation politique et universitaire (CDPU), ou l’académie du Front national. Subsistent cependant, il est vrai, le GRECE et les revues lui étant liées (Nouvelle École, Éléments, Krisis), le Club de l’Horloge, et l’Institut des sciences sociales, «économiques et politiques (ISSEP), fondé par Marion Maréchal et installé à Lyon. Mais surtout, on a assisté, durant les deux dernières décennies, à la quasi disparition des journaux se réclamant de ce que, beaucoup appellent « l’extrême droite ». Seuls Présent (quotidien) et Rivarol (hebdomadaire) se maintiennent, dans des conditions difficiles, et conservent un minimum de diffusion et de notoriété. National Hebdo et Le Choc du mois ont disparu ; Minute, autrefois très lu et influent, est devenu confidentiel ; quant aux deux mensuels monarchistes, Politique Magazine et Le Bien Commun (lancé à la suite de la disparition de L’Action française 2000), ils ne sont vendus qu’à des lecteurs abonnés. Et, de toute façon, le désintérêt général de la population à l’égard de l’engagement politique et de la politique en général ne sont pas de nature à préserver l’audience de ces périodiques, par ailleurs victimes, comme presque tous les journaux, de la désaffection de nos compatriotes à l’égard de la presse écrite. Les gens ne lisent plus et ne s’intéressent plus aux idées politiques, parce qu’ils n’y croient plus, quel que soit leur contenu, ne s’engagent plus, militent encore moins, boudent tous les partis, et s’abstiennent en nombre toujours croissant lors des élections.
La désidéologisation et la dépolitisation générales plombent la droite nationale comme toutes les grandes tendances politiques. Et elles consacrent l’omnipotence d’un système politique et économique et d’un type de société que nul, désormais, ne remet en question, et auquel tout un chacun se rallie, par fatalisme plus que par conviction. Par là, ce que l’on serait tenté, de prime bord, de prendre pour une soumission nécessaire et raisonnable au principe de réalité, pour une adaptation louable des droites nationales au monde actuel, à la réalité du XXIe siècle (c’est ainsi que Marine Le Pen justifie sa rupture d’avec le Front national du temps de son père, sa prise de distance, et parfois, son hostilité vis-à-vis de l’extrême droite, son entreprise de « dédiabolisation », et son refus même d’accepter de se situer à la droite de l’éventail politique) apparaît, en réalité, comme une capitulation et un renoncement à ses idées, à son idéal, à ses valeurs et principes, bref, à elle-même : un suicide, en somme.
La vanité de la stratégie électorale
Maintes objections peuvent êtres opposées à notre propos. Le moindre n’est certes pas l’argument électoral. Il est fréquemment dit et écrit que jamais « l’extrême droite » n’a été aussi forte en France et dans toute l’Europe que depuis ces dernières années, et qu’elle a même accédé au pouvoir en Italie, avec la constitution du gouvernement de Giorgia Meloni. Les résultats électoraux du Rassemblement national, en France, ses 88 députés et la présence de Marine Le Pen au second tour de trois élections présidentielles, semblent des exemples probants, irrécusables, de cette « poussée », comme on aime à dire.
Pourtant, cela ne nous convainc pas. « Élections, piège à cons », disaient les gauchistes de mai-juin 1968. Ce slogan n’est pas dépourvu d’une certaine réalité. Les élections, tout particulièrement les plus importantes, la présidentielle et les législatives, sont conçues pour assurer la pérennité du système politique fondé sur elles, non pour le changer. Se plier à l’obligation de la participation aux élections et en accepter la règle majoritaire, revient à consolider ce système politique. C’est tout le contraire d’un problème pour les partis qui se réclament de lui et ont historiquement contribué à son instauration. En revanche, c’en est un, insoluble, ou, plus exactement, inextricable, pour ceux dont les conceptions politiques sont incompatibles avec celles sur lesquelles ils reposent.
Peut-on changer un système politique conformément à la constitution l’exprimant et le régissant ? Théoriquement oui : il est légalement possible de changer la constitution de la nation, et de faire adopter ce changement soit par un vote du Congrès, soit par référendum. Encore ne s’agit-il, dans la plupart des cas, que d’une révision de la constitution existante. Personne ne songe à une nouvelle constitution, qui reposerait sur des principes moraux et juridiques, des principes et pratiques politiques, et des institutions radicalement différents de ceux des républiques successives (les IIIe, IVe et Ve surtout) qui nous régissent depuis cent-cinquante ans (compte non tenu de la brève interruption de 1940-1944). La chose est théoriquement possible car conforme au droit, mais pratiquement, donc politiquement, impossible car nul, en France ne le la souhaite, ni même n’y songe. La population, dans son immense majorité la refuserait, et les élites de la classe politique, de la haute fonction publique, des médias et de l’intelligentsia également, et avec encore plus de détermination. Les diplomates du quai d’Orsay n’ont-ils pas annoncé, en 2017, qu’ils refuseraient d’obéir à Marine Le Pen, si elle était élue présidente de la République (au suffrage universel direct, pourtant, et sans fraude), et à son ministre des Affaires étrangères ? Et croit-on que les inspecteurs des finances du quai de Bercy, les préfets, les généraux et amiraux, n’en feraient pas autant ? Nos intellectuels, eux, appelleraient à la résistance. Autant dire que la droite nationale, même « dédiabolisée », normalisée et retaillée à l’aune des exigences éthiques et politiques de la république, ne jouit que du droit d’exister légalement, et des droits tout abstraits, tout théoriques, de gagner les élections et d’accéder au pouvoir, tout en étant de fait privée du droit d’appliquer son programme, même conforme aux valeurs et aux us et coutumes de la démocratie. Il ne lui sert donc à rien d’engranger les succès électoraux, ni même de sortir vainqueur de la compétition électorale. À cet égard, on pourrait dire des 88 députés du Rassemblement national ce que Charles Andler disait de ceux (également très nombreux) de la sociale-démocratie allemande au Reichstag autour de 1914 : « une énorme façade cachant une énorme impuissance ».
Ce n’est que trop vrai. Aussi, est-il loisible de se poser la question suivante : la droite nationale a-t-elle encore une raison d’être aujourd’hui ? Et nous reprendrons volontiers la question dont Lénine fit le titre d’un de ses livres : Que faire ? La droite nationale est-elle condamnée à l’alternative d’avoir à choisir entre devenir une formation populiste et protestataire riche de suffrages, et éventuellement d’élus, mais honnie par toutes les élites et impuissante, ou se muer en un simple parti conservateur un peu plus nationaliste et identitaire que les autres, et tout aussi inapte à entreprendre le relèvement économique, social et politique de notre pays, prisonnier de l’Europe et du nouvel ordre mondial ? Le Rassemblement national illustre la première de ces deux options, « Reconquête ! » d’Éric Zemmour, « Alternative pour l’Allemagne », ou le gouvernement italien de Giorgia Meloni et de ses Frères d’Italie représentent la seconde. Dans les deux cas, la droite nationale (« l’extrême droite », disent ses innombrables adversaires) n’est plus elle-même, ne survit qu’au prix du renoncement à ses valeurs, ses principes, son idéal, bref son âme, qu’elle vend à un monde adorateur du veau d’or qui est son ennemi naturel, mais qu’elle considère comme son vainqueur, dont la domination lui paraît définitive et inébranlable, et au sein duquel elle aimerait se faire une place.
L’insuffisance de la seule bataille des idées
Il semble évident que la participation à la vie politique dans le cadre de la compétition électorale ne lui permet pas de s’épanouir. Dès lors, que faire, encore une fois ? La droite nationale doit-elle devenir métapolitique ? Autrement dit, se consacrer à la seule bataille des idées, et s’efforcer de convaincre par des réunions publiques, des articles, des livres, des colloques ? Cette option fut celle de l’Action française qui ne se constitua jamais en parti (la Ligue d’Action française n’en était pas un) et, sauf lors des législatives de 1919 et 1924 (et encore, uniquement à Paris), ne participa jamais aux élections. Les organisations qui la ressuscitèrent par la suite (Restauration nationale, Centre Royaliste d’Action Française) ont eu la même attitude. L’Action française exerça, de fait, une véritable royauté intellectuelle, avec une influence considérable sur une grande partie de toutes les élites de son temps, mais ne convertit jamais ces dernières à ses idées, et ne les incita nullement à œuvrer dans le sens de l’établissement d’un régime conforme à ses thèses. Et elle n’eut aucune influence sur le gros de la population.
La mouvance dite de la « Nouvelle Droite », groupée autour du GRECE et des revues Nouvelle École et Éléments, que nous avons citées plus haut, eurent une attitude analogue de retrait de tout engagement partisan et électoral, se constituant en sociétés de pensée, en clubs de réflexions, et s’efforçant de divulguer ses idées par des livres, des brochures et par voie de presse, puis, également, par Internet. Elle a suscité l’intérêt des médias et des spécialistes, a séduit certains intellectuels, a attiré dans son orbite, pour un temps, quelques hommes politiques, mais, elle aussi, n’a converti ni les élites, ni les masses. La bataille pour les idées, avec l’espoir que ces dernières se diffuseront dans les élites, les détenteurs du pouvoir politique, puis, comme par percolation, gagneront une large partie de la société, ne s’est guère révélée payante, malgré de beaux succès intellectuels et un certain intérêt rencontré dans les médias. Au moins a-t-elle le mérite de ne pas dissimuler, oublier, travestir ou renier ses idées, ce que la voie ouvertement militante et électorale oblige à faire. Cette voie de la bataille des idées, Éric Zemmour l’avait illustrée par ses articles, ses conférences, ses déclarations et ses livres, avec un certain succès, avant d’opter également pour une carrière politique un court temps prometteuse, mais finalement soldée par un échec.
Une désaffection générale, commune à toutes les mouvances politiques
En définitive, on ne trouve pas, actuellement de voie salvatrice pour la droite nationale de nos jours. Cependant, entre les deux voies que nous avons indiquées, la voie métapolitique de la bataille des idées semble la meilleure, ou la moins mauvaise (« la moins pire », suivant une expression populaire), dans la mesure où elle permet de rester fidèle à ses valeurs et principes et de préserver ses convictions tout en les approfondissant et en améliorant les moyens de leur divulgation. Pour terminer, il convient de noter que ce cruel dilemme entre voie électorale et combat intellectuel ne caractérise pas seulement la droite nationale, que ce soit en France ou ailleurs. La gauche n’en est pas exempte, victime, elle aussi de la désaffection de la population à l’égard d’idées jugées vieillies, obsolètes, inadaptées au monde actuel, et dont les tentatives d’application sociales et politiques ont toutes échoué. Le scepticisme désabusé et démobilisateur (attesté par les taux d’abstention record aux divers scrutins électoraux) semble être devenu une caractéristique majeure de notre temps.
« Appelons de nos vœux la venue des sceptiques s’ils doivent éteindre le fanatisme », écrivait Raymond Aron, dans L’Opium des intellectuels (1955). Ce vœu semble aujourd’hui exaucé. En politique, nul ne croit plus en rien (et pas seulement en France), et les partis, vides d’idées et de convictions fermes, ne sont plus que des rampes de lancements pour ambitieux de tous niveaux et de tout poil.
La fin du règne des idéologies et des partis
La droite nationale a-t-elle vraiment lieu de se plaindre de cet état d’esprit général, qui procède de la déception et relève de la lassitude, de l’aigreur, du sentiment d’une vaste duperie, du fatalisme, de la colère rentrée, et, parfois, du désespoir ? Oui, en un sens, puisqu’elle en pâtit comme ses adversaires. Mais il convient de dépasser cette impression immédiate, négative, et d’envisager le long terme. Et, alors, apparaissent des raisons d’espérer. Car, après tout, ce qui s’effondre présentement, c’est le règne délétère des idéologies et des partis, matrice de tous les fanatismes et de tous les totalitarismes, en particulier ceux de gauche et ceux, soft, relevant du conformisme intellectuel et moral. Ce qui s’effondre, c’est la conception de la politique conçue comme l’élaboration d’un projet de civilisation tout abstrait, coupé du réel, conçu par les sociétés de pensée, les clubs et les partis, dont les membres, lorsqu’ils s’engagent, se posent non en représentants de la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent, mais en porte-parole d’une société irréelle composée de personnes considérées sous le seul angle d’une humanité purement théorique et universelle faite de « citoyens » appelés à se prononcer sur un programme politique global duquel ils restent mal informées. Et, quand on appartient à la droite nationale, on sait que cette conception de la politique, la comédie des urnes sur laquelle elle repose, et ces programmes, si divers soient-ils, vont tous dans le sens de l’émergence d’une nouvelle civilisation, mondiale et totalitaire. Il n’est que de se référer à l’œuvre d’Augustin Cochin pour s’en convaincre.
C’est sur cette fin des idéologies et du règne des partis, sur cette fin de la comédie électorale qu’il faut fixer notre attention. Ce moment est crucial, car il est lourd de signification en même temps que d’une réelle opportunité.
La résignation fataliste de nos compatriotes
La fin de cette comédie des urnes, du règne des partis et des idéologies ne nuit aucunement au système. Au contraire, il le sert. Car, désormais, le système a su se faire accepter volens nolens par des peuples fatalistes et résignés, qui ne croient plus à quelque alternative que ce soit. Nul ne le conteste plus sérieusement. Tout au plus existe-t-il des moments de révolte sociale, comme ceux des Gilets jaunes en 2018, ou du rejet de la réforme des retraites aujourd’hui. Mais ils ne s’inscrivent pas dans une perspective révolutionnaire (lato sensu), ne mettent pas en cause le système lui-même, ne se revendiquent d’aucune alternative à ce dernier, et finissent par retomber. Les Français d’aujourd’hui sont devenus plus des passifs abstentionnistes et résignés que des révoltés ou des révolutionnaires de tentation (à défaut de l’âtre effectivement). Leur détachement à l’égard des urnes et de la politique en général est tel qu’il semble qu’ils ne choisissent plus vraiment leurs dirigeants, et que ceux-ci peuvent s’offrir le luxe de gouverner sans leur consentement. En un sens, cet état d’esprit est regrettable, pour ce qu’il atteste de l’état de désespérance de nos contemporains, ce qui n’augure rien de bon pour l’avenir.
Mais, à quelque chose, malheur est bon. La situation présente ses avantages. Le principal d’entre eux est d’en finir ainsi avec toutes ces idéologies et utopies qui, dans le passé, se sont révélées autant de miroirs aux alouettes et de causes de cruelles déceptions, parfois de pièges dangereux, et de montrer enfin que les faits sont têtus, que le principe de réalité est incontournable, que le réel lui-même est dur, impitoyable, et presque toujours prosaïque, terne, gris et laid, et que l’enthousiasme collectif des victoires électorales, des manifestations, des défilés, des grèves et occupations d’entreprises ou de locaux publics, des meetings menés par des orateurs charismatiques, ne le change pas, nonobstant l’illusion née de l’ivresse d’un moment. Et nos contemporains, après plus de deux siècles d’illusions, de passions et d’ivresse, se réveillent avec la gueule de bois. Ils se plaignent de ce que rien ne change, quelle que soit l’étiquette partisane du parti au pouvoir, du président de la République, de la coalition de formations politiques sortie vainqueur des élections. Mais ils savent également qu’il ne peut en aller autrement, et que la capacité d’action des gouvernants est objectivement limitée, que même le locataire de l’Élysée, pourtant théoriquement tout-puissant, ne peut agir à sa guise. Ils savent, désormais, que la politique est, entre autres, l’art du possible dans une réalité qui laisse peu de place aux possibilités désirées. Violemment hostiles à la réforme des retraites (pour des raisons certes bien compréhensibles), ils savent que les hommes et femmes politiques qui soutiennent leur mouvement de refus sont incapables de proposer une alternative crédible. Et ils savent que cette réforme verra effectivement le jour, ne serait-ce qu’en raison de cette absence d’alternative crédible.
La redécouverte amère du sens des réalités
Cette triste constatation ne donne certes pas licence aux dirigeants politiques d’agir sans tenir le moindre compte du consentement de leurs administrés, des sentiments et du besoin de justice de la population, singulièrement de ses éléments dont les conditions de vie sont les plus difficiles (ou risquent bien de le devenir). Le souci de la justice, de l’humanité, doit imprégner les décisions du pouvoir au même titre que le réalisme, qui, sans lui, dérape inévitablement vers le cynisme, voire la cruauté. « Les rois ne sont pas faits pour être heureux », disait Philippe le Bel, un de nos plus grands monarques. Les peuples non plus. Cela ne signifie pas qu’ils soient voués au malheur au nom d’on ne sait quelle (fausse) justice immanente ou transcendante, mais seulement qu’ils vivent en un monde froid et dur au sein duquel ils ne peuvent que difficilement, dans le labeur, la peine et la souffrance, se créer des conditions de vie décentes, et même finir par y trouver quelque bonheur.
Et le rôle du pouvoir est de les y aider. En leur disant la vérité, en leur demandant – leur imposant, si nécessaire – des efforts et des sacrifices nécessaires, sans excès cependant, en ne les berçant pas d’illusions, en les encourageant, en les amenant, de par ses décisions et avec leur concours, à vaincre les difficultés et à sortir des situations dramatiques, et, également, à leur faire partager les fruits de l’activité économique, et à améliorer, chaque fois que cela est faisable, leurs conditions générales de vie et de travail. Cela, le pouvoir français actuel le peut-il ? On peut en douter. Un président élu issu d’un parti, ami ou allié des uns, adversaire des autres, ne peut rassembler tous les Français en vue d’une entreprise commune, gagner la confiance de tous. Il suscite nécessairement des méfiances, des craintes, des oppositions, des manifestations d’hostilité, bref il divise au lieu de rassembler. Et cela est particulièrement grave dans une période comme la nôtre, où, plus que jamais, l’union nationale est nécessaire pour opérer le redressement dont notre pays a besoin. Seul un homme ou une femme indépendant(e) des partis, donc des suffrages, peut réaliser cette union. Nous n’en dirons pas plus car la place disponible ici nous manque, et cela nous mènerait trop loin de notre propos, qui est de savoir quelle place la droite nationale peut occuper dans le paysage politique actuel, et par quels moyens, elle peut espérer convaincre nos compatriotes.
Une chance à saisir
Il découle de ce que nous venons d’écrire que la voie du jeu partisan et électoral, dans le cadre du système est stérile. La voie métapolitique de l’effort de réflexion et de formulation d’idées ou de propositions est préférable et plus prometteuse, surtout dans la période que nous traversons. La désaffection totale de la population à l’égard d’un système discrédité, à bout de souffle, et qui a plus que largement administré la preuve de son incurie, offre aux idées générales de l’opposition nationale et nationaliste une possibilité absolument inédite de faire leur chemin et d’influencer sérieusement une bonne partie de la classe politique et de la population françaises. Il appartient aux hommes et aux femmes qui s’en réclament de savoir saisir cette chance. À eux d’agir, et le plus tôt sera le mieux.
Yves MOREL
J aimerais vous envoyer une lettre privé car moi je vois les choses differemment mais ou vous joindre?
Vous serez surpris de mon analyse sans concession et globalement du mal que je pense de la droite nationaliste que vous représentez et ceci non pas pour vos idées qui sont les miennes mais pour tout le reste …
Pour moi c’est surtout du à des personnes non représentative dont la sociologie , le mode de vie, la façon de penser et la façon d’agir est globalement un repoussoir pour la classe populaire et moyenne.
Le parti Fratelli d’Italia est la continuation du parti (aujourd’hui disparu) Alleanza Nazionale, né du Congrès de Fiuggi en 1995, lorsque le Movimento Sociale Italiano a été dissous et que TOUS les idéaux qui le distinguaient ont été reniés : une trahison dégoûtante. La fin du MSI était certainement voulue par la franc-maçonnerie qui, des années plus tôt, avait fait une tentative avec Democrazia Nazionale, sans succès. Les petits partis qui ont essayé de faire quelque chose pour maintenir nos idéaux, comme Forza Nuova, Fiamma Tricolore et d’autres n’ont pas réussi à obtenir de bons résultats. Par conséquent, les idéaux autrefois entretenus par le MSI sont aujourd’hui à l’agonie et INCONNUS des nouvelles générations. Le même sort est arrivée au parti monarchiste, qui, après avoir diminué, s’est dissous en 1971 et, depuis lors, l’idée de Monarchie à survécu exclusivement dans de très petits cercles et est devenue étrangère aux Italiens, même si l’Italie était une monarche jusqu’en juin 1946.
Ainsi, Giorgia Meloni et Fratelli d’Italia, ne représentent AUCUN idéal « de droite », et encore moins de droite radicale. De la manière la plus absolue. C’est un parti conservateur libéral (libériste) complètement à l’image du centre-gauche. Malheureusement, pour le moment, la situation de la vraie droite radicale (en Italie) est désastreuse et aucune bonne perspective n’est en vue. Il est inutile de se leurrer et de cultiver des rêves. Julius Evola avait déjà prévu tout cela, déjà dans les années soixante, lorsqu’il écrit Cavalvare la tigre (Chevaucher le tigre).
Pour ma part, j’ai un profond dégoût des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, car ils font partie d’un même système et obéissent servilement aux mêmes ordres des castes. Aucun n’est au service de l’humain, mais tous ont pour mission de l’encadrer. Aucun ne représente et ne défend mes opinions. Ceci-dit, je nuance ces propos. Je trouve sur des sites de partis d’extrême droite et d’extrême gauche, non parlementaires des opinions convergentes avec les miennes. Certains députés de la nupes disent aussi parfois des choses intéressantes sur les questions sociales ou sociétales.
Je pense qu’il faut sortir de ces vieilles classifications qui ne correspondent plus à nos prises de conscience actuelles. On devrait se mettre tous d’accord sur des points essentiels et s’en tenir. Je suis dans cette démarche, même si j’estime que l’idéal souhaitable à parvenir, serait la souveraineté humaine.
bonsoir à tous,
Après vous avoir lu, j’ai repensé à toutes ces universités du FN de 1983 à 1986, puis jusqu’en 1995, qui ont formé, grâce à des « doctrinaires bénévoles mais expérimentés », des « intellectuels politiques » capables de savoir d’où ils viennent et où ils doivent aller. Les députés de 1986 avec JM Le Pen, JP Stirbois, JCl Martinez, B Antony, Holeindre, et autres que j’oublie, avaient des convictions solides pour changer le régime. Chirac, le bnai brith et autres « républicains » genre Madelin ou Longuet, les ont vite débarqués. A l’époque ces 33 députés étaient formés. Maintenant on en a 89 ignares de toute doctrine nationaliste. La période 40/44 a bien vu les français dans leur grande majorité adhéré aux idées de la révolution nationale, ce qui laisse à penser que le peuple peut adhérer aux idées nationales. Cependant pour cela il faut que les dirigeants qui veulent les instaurer en aient la volonté politique et ne se laissent pas manoeuvrer par leurs adversaires. Il faut éradiquer ces adversaires qui pérorent actuellement mais se tairont demain puisque si une majorité de français ont décidé de changer de vote, il n’y a pas de raison de ne pas compter sur eux pour réagir en cas d’obstruction des adversaires.
Mais qui est donc Yves Morel. En tant qu’ancien journaliste de la droite nationale (Hebdo « Minute ») je m’étonne de ne pas connaître un analyste de cette qualité.
Voilà bien le genre de texte qui met une fois de plus en évidence la pertinence des interventions sur le site « Jeune Nation ». Un texte de qualité devant être lu à la vitesse où il a été écrit, pour en tirer vraiment parti, j’ai lu et relu plusieurs fois.
Prolongeant – si j’ose- cette réflexion, je voudrais dire que si, effectivement, la voie purement électorale est en réalité piégée et sous contrôle, il n’en demeure pas moins que la victoire reste possible par d’autres processus.
Mais quel que soit ce processus, y compris la forme la plus brutale que mes amis et moi avons tenté d’optimiser au temps de l’OAS, il existe un élément incontournable dont nous avons fait la triste expérience : ON NE PEUT PRENDRE LE POUVOIR DANS UN PAYS OU UN POURCENTAGE IMPORTANT DE L’OPINION VOUS EST DEFAVORABLE !
Monsieur Morel a donc raison : La voie métapolitique, c’est-à-dire, si nous parlons le même langage, celle qui fait s’immiscer nos valeurs dans l’opinion, influençant autant les subconscients que les réflexions au premier degré, doit être privilégiée.
Mais c’est sur ce point que j’introduirais – si j’osais… – une nuance par rapport à l’analyse de monsieur Morel, qui croit pouvoir condamner ce qu’il appelle « le jeu électoral ».
Car, s’il est effectivement illusoire de compter sur ce « jeu électoral » pour accéder directement au pouvoir, c’est précisément lui qui, en période de compagne électorale, permet de multiplier l’écho de nos idées parmi nos concitoyens.
Notons, par exemple, que, si Zemmour a fait en définitive un score décevant aux récentes présidentielles, ce contexte électoral lui a permis d’imposer le thème essentiel du « grand remplacement », jusqu’à obliger la plupart de ses adversaires à se définir en fonction de leur attitude face au déferlement migratoire.
D’où la nécessité de conserver ou éventuellement de créer des vecteurs électoraux nous permettant d’utiliser à notre avantage l’insurpassable « caisse de résonnance » offerte par chaque échéance électorale.
Quelle est la menace la plus mortifère pour notre peuple ?
LE GENOCIDE PAR REMPLACEMENT !
Alors, peu importe qui en fait le sujet essentiel des débats… Zemmour… Ciotti… Le Pen… ?
Souvenons-nous du proverbe : « Le diable parfois porte pierre ».
L’essentiel est que les médias se voient obligés d’en faire un sujet rémanent aux heures de grande écoute.
C’est ainsi que l’on évite de se retrouver dans la situation dramatique de mes camarades de l’OAS et de moi-même qui avons pris tous les risques possibles pour nous lever contre la trahison gaulliste… Mais qui avons été vaincus, parce que le contingent, la métropole, les ouvriers, les bourgeois, et même les cadres de l’armée n’étaient pas acquis à nos idées.
Erreur à ne pas reproduire !
Zemmour, pour moi c’est un piège à cons. Ne pas comprendre que ce type recherche la guerre civile au bénéfice de qui vous savez, c’est quand même manquer de discernement. Marine, c’est vrai qu’elle « moderne » limité intellectuellement, un peu carriériste (si elle l’était vraiment, elle ne serait pas au RN), pour ma part, je préfère BARDELLA qui m’a l’air plus intelligent (ça n’a rien à voir avec les diplômes) et qui est un vrai fils de pauvre, mais bon, pour ceux qui sont dans la merde, si elle parvient un jour au pouvoir, cela ne pourra pas être pire que ça ne l’est actuellement. Et il ne faut aussi jamais oublier que pour être élu, il ne faut peut être pas dire ce que l’on veut faire mais ce que l’électeur veut entendre. La métapolitique c’est bien, mais la plupart des gens, ils s’en fichent. Est ce qu’ils recherchent la vérité sur Apollo, sur le 11 septembre, sur des événements encore plus anciens ? Non ! Il n’y a qu’une chose qui peut les faire réagir, c’est d’être très fortement touché au porte monnaie !
Je crois que la désaffection générale pour les considérations idéologiques, qui affecte tous les partis (pas seulement les partis nationalistes), l’ensemble de l’opinion publique, et qu’a involontairement résumée Marine Le Pen avec son « ni droite, ni gauche » est le résultat du gramscisme qui a marqué, insidieusement, imperceptiblement, sans faire de bruit, toute la politique suivie par les états européens depuis l’après-guerre.
Il faudrait redécouvrir Antonio Gramsci, qui s’était démarqué du marxisme-léninisme et du trotskysme en prônant une révolution en douceur, consistant à changer les choses lentement mais sûrement, jusqu’à mettre les opinions publiques devant le fait accompli.
C’est exactement ce qui s’est passé en Europe occidentale après la Seconde Guerre mondiale. La création de l’Union Européenne en est un des exemples les plus concrets et les plus aboutis. Jean Monnet ne disait-il pas qu’il fallait créer des situations de fait qui maintiendraient les peuples dans une interdépendance, mais sans que les gens puissent rien voir changer dans leur quotidien ? On a même appelé cela « la méthode Monnet »…
La submersion migratoire ne s’est pas déroulée autrement, et ce n’est pas autrement qu’ils ont amené le mariage homosexuel, en créant d’abord le pacs. L’avortement a d’abord été légitimé, puis légalisé, et maintenant il est inscrit dans la Constitution sans que cela ne dérange plus grand monde : à force d’en entendre parler, c’est devenu normal.
Les médias abordent de plus en plus fréquemment et de plus en plus régulièrement la question de « la fin de vie »… Pourquoi ? parce qu’ils ont besoin de légaliser l’euthanasie, dans le but de pouvoir pratiquer l’eugénisme dans un futur peut-être pas si éloigné…
Rien n’est arrivé par hasard et le but de cette dilution des valeurs fondamentales, en même temps que des notions de « gauche » ou « droite », avec des partis politiques aux idées et programmes interchangeables et à la clé une opinion publique ectoplasmique et amorphe, était l’instauration de cette mondialisation qui se met en place sous nos yeux. Le fait qu’elle soit encore niée par certains est la preuve qu’ils ont parfaitement réussi leur coup.
Que pouvons-nous attendre de peuples anesthésiés ? Pas plus un coup d’état que la guerre civile.
Des partis encore « de droite » parviendront peut-être à se hisser au pouvoir, avec à leur tête de nouvelles personnes dans le genre de Zemmour et parce qu’ils auront rompu avec les anciens cadres, mais pour faire quoi ? Vous avez vu Stipras en Grèce ? vous avez vu Georgia Meloni en Italie ? Ni Zemmour ni Marine Le Pen ne feraient rien s’ils arrivaient au pouvoir.
Dans un siècle ou deux, peut-être des gens devenus des esclaves en raison de la mondialisation établie sur toute la planète se révolteront-ils, et peut-être parviendront-ils à rétablir l’ancien ordre.
Mais il faudra d’abord, j’en ai peur, boire le calice jusqu’à la lie.
Monsieur « GL »…
Votre analyse est un régal pour l’esprit… Echanger avec vous doit être un enrichissement… mille mercis !
La citation exacte de Jean Monnet par Philippe Ploncard d’Assac est la suivante : « Les nations européennes doivent être guidées vers un super Etat, sans que leurs peuples comprennent ce qui arrive. Cela doit se faire par étapes, chacune d’entre elles étant déguisée sous le prétexte de nécessités économiques, mais qui doivent aboutir de façon irréversible à une fédération. »
Par ailleurs, le récent livre de Patrick Buisson « Déca-Danse » n’est-il pas le meilleur exemple de l’application du Gramscisme à l’échelle d’un pays et de quelques décennies ?