Vous vous souvenez du débat diplomatique autour de l’Afrique, ce continent qui serait au bord de la famine à cause de la guerre en Ukraine. Vous vous souvenez de la Turquie, qui a initié un dialogue pour favoriser l’export de céréales ukrainiennes par la mer Noire tandis que la Russie pouvait en retour exporter ses propres céréales et ses engrais.
Voilà ce qu’il en est concrètement alors que nous sommes à plus de la moitié de la campagne céréalière 2022/2023 (une campagne céréalière se compte à partir du mois de juin/juillet au juin/juillet de l’année suivante).
Dans un article RFI sur la campagne 2022/2023 :
▪️ 50% des céréales ukrainiennes sont à destination de l’UE
▪️ 20% à destination de la Turquie
La majorité des céréales ukainiennes restent donc « bloquées » sur le marché européen et se déversent sur le continent. Ceci grâce aux couloirs de solidarité mis en place par l’UE en mai 2022. Ces couloirs simplifient l’administration et le transport des céréales ukrainiennes dans l’UE.
Le Times souligne ainsi ironiquement : « L’accord qui a levé un blocus russe des ports était censé nourrir un continent. Et ça l’a fait… mais pas le bon »
Mais ce n’est pas terminé : l’afflux de céréales ukrainiennes dans la zone UE inquiète les producteurs européens qui ne peuvent pas faire face aux céréales soutenues par le plan de soutien (et de cette concurrence totalement déloyale qui se déverse sur le marché unique). Les agriculteurs roumains et polonais sont submergés par le flux de céréales ukrainiennes à bas prix et sont au bord de la faillite sans même évoquer les coûts de l’énergie et des transports.
Mais cela ne s’arrête pas à la Pologne ou la Roumanie puisque la France est en effet le 1er producteur de céréales de l’UE et le 5e exportateur mondial de blé. En moyenne, 60 millions de tonnes de céréales sont récoltées/ans, la moitié sont exportées :
▪️ 55% dans l’UE
▪️ 22% au Maghreb et le reste équitablement exporté entre l’Afrique subsaharienne, l’Asie et le Moyen-Orient.
Par le plus grand des « hasards » la filière céréalière française se retrouve dans une position difficile :
- Non seulement elle est en très forte concurrence avec la Russie à l’extérieur qui n’a plus d’autre choix que d’exporter vers les pays qui ne la sanctionnent pas et donc d’accentuer l’offre sur ces régions (Afrique-Asie-Moyen-Orient)
- Elle est en plus menacée sur son marché principal, au sein même de l’UE par le plan de soutien à l’Ukraine qui entraine les prix vers le bas.
- Elle était déjà menacée par la concurrence des pays postsoviétiques de l’UE.
Heureusement tout va bien, l’exécutif européen a assuré que cela n’avait « aucun impact négatif sur le marché unique » et a démenti en septembre 2022 le fait que les agriculteurs européens sont au bord de la faillite…
Mais le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski a proposé en janvier 2023 d’utiliser pour la première fois la réserve de la crise agricole afin d’apporter un soutien aux agriculteurs de l’UE. Il a reconnu que les mesures prises par l’UE pour faciliter les exportations de céréales ukrainiennes posaient « quelques problèmes ».
Merde. Quand même…
Source : Terra Bellum