Selon le groupe d’analyse stratégique IntelCenter1, l’État islamique (ÉI) a reçu depuis la proclamation du « Califat » en juin 2014 le soutien de 31 groupes terroristes à travers le monde. Parmi eux, 21 ont fait allégeance à son chef, Abou Omar el-Bagdadi ; les dix autres lui témoignent ou lui apportent leur soutien. Le « calife Ibrahim » a établi son centre à Mossoul d’où il dirige l’État islamique.
Certains de ses groupes sont puissants, implantés et disposent de centaines ou de milliers d’activistes ; d’autres ne sont que de petits groupes actuellement sans autre capacité de nuisance que la perpétration d’attentats ponctuels.
L’État islamique s’est imposé en quelques années comme le principal réceptacle de tous les islamistes perdus à travers le monde. Il a bénéficié de la déstabilisation de plusieurs pays en Afrique comme au Proche-Orient, en Arabie et en Asie, parfois provoquée par le gouvernement américain et ses alliés comme en Libye ou en Irak.
C’est avec la guerre en Syrie qu’il s’est réellement déployé, s’imposant par une folie criminelle rappelant les abominations commises durant la Révolution “française” ou sur le front de l’Est lors de l’invasion de l’Europe à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
De l’Afghanistan à l’Irak : création et affirmation de l’ÉI
Le groupe a été créé en 2006 en Irak, à l’origine comme un groupement d’organisations terroristes liées à La Base (el-Qaïda), groupe issu des combats contre l’occupation russe en Afghanistan, profitant de l’islamisation progressive des combattants afghans et étrangers dans cette région. La déstabilisation de la région puis l’instauration du régime des talibans seront décisives : elles permettent d’accueillir, d’entraîner, de préparer des centaines de terroristes qui rallient ensuite différentes zones de guerre : Algérie, Tchétchénie, Somalie, Yémen, etc. durant les années 1980 et 1990. L’ennemi russe éliminé de la zone, c’est contre l’Amérique, qui multipliait les interventions dans les pays arabes, que va se tourner el-Qaïda.
Après le onze septembre et l’intervention américaine en Afghanistan notamment, l’organisation est fortement ébranlée. Ses cellules isolées poursuivent leurs actions sur les terrains en guerre, comme en Irak. Peu avant la mort de son chef Abou Moussab el-Zarqauoui, la branche irakienne de La Base, participa à la fondation du Conseil consultatif des combattants en Irak (Majlis Shura al-Mujahideen fi al-Iraq), avec cinq principaux groupes islamistes et de nombreuses tribus sunnites qui luttent contre l’occupation américaine.
L’après el-Qaïda
C’est à l’intérieur de ce conseil que naît l’ÉI qui s’affranchit durant les années suivantes de la tutelle de La Base – jusqu’à combattre contre elle et sa branche locale, Front pour la victoire du peuple du Levant (Jabhat an-Nuṣrah li-Ahl ash-Shām dit Front al-Nosra), depuis plusieurs mois en Syrie – et pour s’imposer comme la principale organisation salafiste de la région. Depuis, elle a repris le rôle de polarisation des islamistes à travers le monde, fonctionnant sur des bases similaires et s’appuyant désormais sur les vastes régions contrôlées en Irak et en Syrie.
Avec l’ÉI, la mutation du mouvement terroriste islamique, d’une résistance anti-impérialiste à l’établissement d’un régime takfiriste sanglant, s’achève. Désormais, c’est contre l’ennemi « interne » que combattent les terroristes, à savoir les chiites et particulièrement l’Iran ; à terme, la volonté hégémonique des takfiristes pourrait se tourner contre les régimes sunnites « libéraux » pro-américains, ou ayant montré une faiblesse coupable devant Israël, la déstabilisation des pays occidentaux par des attaques isolées – pour l’heure – se poursuivant également. In fine, la Turquie et Israël, qui ont financé et soutenu les takfiristes pour des raisons géopolitiques, notamment pour affaiblir l’Iran et la Syrie, pourraient eux aussi être victimes – volontaires – des égorgeurs même si, pour l’heure, le calcul de la neutralisation des différents acteurs se révèle efficace et devrait affaiblir durablement les différentes forces combattantes.
Liste des groupes terroristes soutenant ou ayant fait allégeant aux égorgeurs (cela ne comprend que les groupes structurés dans les terres occupées par l’islam, même de faible importance, et non les cellules terroristes prêtes à l’action en Occident), par ordre chronologique, selon IntelCenter :
Conseil de la Jeunesse islamique, Libye (soutien depuis le 22 juin 2014)
Mouvement islamiste (Al-Harakat al-Islamiyya, connu sous le nom d’Abou Sayyaf), Philippines (soutien depuis le 25 juin 2014)
Bataillon al-Huda au Maghreb islamique, Algérie (rallié depuis le 30 juin 2014)
Brigades sunnites libres de Baalbeck (Liwa Ahrar al-Sunna Baalbek), Lebanon (rallié depuis le 30 juin 2014)
Partisans de la Maison sainte (Ansar Bait al-Maqdis), Égypte (rallié depuis le 30 juin 2014)
Armée des compagnons du prophète au Levant (Jaish al-Sahabah al-Sham), Syrie (rallié depuis le 1 juillet 2014)
Combattants du Timor indonésien, Indonésie (rallié depuis le 1er juillet 2014)
Mouvement du Califat (Tehreek-e-Khilafat), Pakistan (rallié depuis le 9 juillet 2014)
al-I’tisam du Coran et de la Sunna, Soudan (soutien depuis le 1er août 2014)
Combattants de la liberté islamique de Bangsamoro, Phillippines (soutien depuis le 13 août 2014)
Partisans du Califat (Ansar al-Khilafah), Philippines (rallié depuis le 14 août 2014)
Soutiens de l’État islamique au Yémen, Yémen (rallié depuis le 4 septembre 2014)
Mouvement pour la justice de Bangsamoro, Phillippines (soutien depuis le 11 septembre 2014)
Bataillon Uqbah Ibn Nafi (Katibat Uqbah Ibn Nafi), Tunisie (soutien depuis le 20 septembre 2014)
Brigade du Dieu unique au Khorasan (al-Tawheed Brigade in Khorasan), Afghanistan (rallié depuis le 23 septembre 2014)
Soldats du Califat en Égypte (Jund al-Khilafah Misr), Égypte (rallié depuis le 23 septembre 2014)
Brigade des Héros de l’islam au Khorasan, Afghanistan (rallié depuis le 30 septembre 2014)
Soldats du Califat en Algérie (Jund al-Khilafah fi Ard al-Jazaïr), Algérie (rallié depuis le 30 septembre 2014)
Lions de Libye (Lions of Libya), Libye (ralliement ou soutien non confirmé depuis septembre 2014)
Mouvement islamique d’Uzbekistan (Oʻzbekiston Islomiy harakati), Pakistan (soutien depuis septembre 2014)
Conseil des combattants de Jérusalem (Majlis Shura el-Mujahideen), Égypte (soutien depuis le 1er octobre 2014)
Les Partisans de l’Unité en Inde, Inde (rallié depuis le 4 octobre 2014)
Conseil des jeunes de l’islam à Derna (Shura al-Shabab al-Islam Darnah), Libye (rallié depuis le 6 octobre 2014)
Brigade de l’imam Bukhari (Katiba el-Imam Bukhari), Syrie (rallié depuis le 29 octobre 2014)
État islamique en Libye (ad-Dawla al-Islāmiyya Lībiyā), Libye (rallié depuis le 9 novembre 2014)
Les Combattants du Yémen (Mujahideen al-Yaman), Yémen (rallié depuis le 10 novembre 2014)
Les Soldats d’Allah (Joundullah), Pakistan (soutien depuis le 17 novembre 2014)
Soutiens de l’État islamique sur la terre des deux saintes mosquées, Arabie séoudite (soutien depuis le 2 décembre 2014)
Partisans de l’islam (Ansar al-Islam), Irak (rallié depuis le 8 janvier 2015)
Chefs de la résistance au Khorasan (dix anciens commandants du Mouvement des talibans du Pakistan [TTP]), Pakistan (ralliés depuis le 10 janvier 2015)
Groupe sunnite pour la prédication et la lutte (Jama’atu Ahlis Sunna Lidda’Awati Wal-Jihad, dit Boko Haram), Nigeria (rallié depuis le 7mars 2015)
Soldats du Califat en Tunisie (Jund al-Khilafah fi Ard at-Tūnisiyya), Tunisie (rallié depuis le 31mars 2015)
____________________________________
1 IntelCenter est une organisation privée fondée en 1993, dirigée par Ben N. Venzke. Elle s’est fait connaître en obtenant et diffusant de nombreuses vidéos attribuées à La Base (el-Qaïda).