Le groupe criminel l’État islamique (ÉI, ed-dawla el-Islāmiyya) a revendiqué une attaque sanglante perpétrée à Beyrouth jeudi après-midi. Des sources islamistes évoquent l’explosion d’une voiture piégée suivie du déclenchement d’une ceinture d’explosifs par un criminel. Selon la police libanaise, quatre terroristes devaient se faire exploser ; deux ont réussi, un troisième a été tué et un quatrième s’est enfui. L’armée a évoqué trois terroristes.
L’attaque visait le Parti d’Allah (Hezbollah) dans le sud de la capitale libanaise. Les explosions se sont produites dans le quartier Bourj el-Barajneh, où le parti est très présent, dans une rue commerçante très fréquentée à l’heure du crime, vers 18 heures. Le mouvement révolutionnaire chiite participe activement sur le terrain à la guerre en Syrie, où il aurait perdu plus de 900 hommes, aux côtés de l’Iran, à la lutte contre l’ÉI.
Selon un bilan de la Croix-Rouge (CR), l’attaque a fait au moins 37 morts et 181 blessés.
Le Liban a subi une terrible guerre civile entre 1975 et 1990, faisant plusieurs 100 000 morts, dans un douloureux affrontement mêlant les tensions ethnoreligieuses et l’ingérence des pays voisins notamment. Depuis la fin officielle de la guerre, plusieurs périodes de violences ont endeuillé le pays, déstabilisé encore par la présence de nombreux réfugiés palestiniens et, depuis 2011, par environ un million de Syriens ayant fui la guerre. Cela représente un poids considérable pour ce pays de 4,5 millions d’habitants. Le 5 novembre, un attentat contre le conseil des Oulémas à Ersal a fait cinq morts et six blessés.
La guerre en Syrie a ravivé les tensions confessionnelles dans le pays et exacerbé les positions. La situation est particulièrement grave dans l’est du pays, près de la frontière avec la Syrie, dans la vallée de la Békaa, où des affrontements meurtriers se produisent régulièrement entre l’armée, les miliciens chiites et les terroristes infiltrés depuis la Syrie, notamment le Front pour la victoire du peuple du Levant (Jabhat an-Nuṣrah li-Ahl ash-Shām dit Front el-Nosra).
L’attaque intervient alors que l’ÉI est désormais sur la défensive, subissant l’offensive multiple terrestre des forces kurdes, chiites, et des groupes islamistes qui s’opposent à lui, ainsi que les alliés de ces différents groupes, et aérienne des armées russe, américaine et de leurs alliés. Depuis le début de la semaine particulièrement, l’armée syrienne, les combattants iraniens du Hezbollah et des troupes iraniennes, appuyés par la chasse russe, ont attaqué et repris la base aérienne de Kweires (Alep, nord-ouest).
Le groupe terroriste, en difficulté sur le terrain, pourrait et semble, à l’image de la stratégie adoptée par le Groupe sunnite pour la prédication et la lutte (Jama’atu Ahlis Sunna Lidda’Awati Wal-Jihad, dit Boko Haram) ou le Mouvement de la jeunesse en lutte (HSM, Ḥarakat ash-Shabāb al-Mujāhidīn, dit al-Shebab) en Somalie, reconcentrer ses moyens sur des actes de guérillas et des actions spectaculaires. L’attentat s’est produit deux semaines après qu’un avion civil russe a été détruit au-dessus du Sinaï.
À ces graves problèmes, s’ajoute pour le Liban une crise politique et institutionnelle depuis plusieurs mois, les différents partis et communautés se montrant incapables de s’entendre pour le choix d’un président affaiblissant encore l’exécutif libanais.