Attaque du Radisson aux cris de « Allah akbar »
Depuis 6 heures ce matin, une prise d’otage est en cours dans l’hôtel Radisson de Bamako au Mali. Des terroristes armés ont pénétré dans l’hôtel de luxe où des mesures importantes de sécurité étaient en place dans un pays où les violences sont régulières depuis 2012. Ils auraient utilisé des voitures avec des plaques diplomatiques pour entrer dans l’établissement.
Les terroristes, au nombre d’au moins trois ou d’une dizaine selon les sources, ont parcouru l’hôtel étage par étage. Les visiteurs, clients et personnels musulmans pouvant réciter des versets du Coran auraient été libérés. Plusieurs dizaines de personnes présentes au moment de l’assaut ont réussi à s’enfuir selon les médiats maliens ; parmi les 170 personnes enregistrées présentes au moment de l’attaque, 138 sont toujours retenues, 125 clients et 13 employés. Air France a annoncé que douze de ses salariés logés dans l’hôtel ont été « exfiltrés », mais plusieurs autres Français n’ont pas eu cette chance. Des ressortissants de diverses autres nationalités (une vingtaine d’Indiens, au moins sept Chinois, quatre Belges, deux employés de Turkish Airlines – cinq autres ont été libérés –) sont retenus en otage dans un établissement connu pour accueillir des expatriés, humanitaires, hommes d’affaires, etc.
Les forces maliennes ont donné l’assaut vers 11 h 30, mais n’ont pas mis fin à l’attaque. Des soldats français, déployés dans le cadre de l’opération Barkhane, d’autres Africains de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) sont sur place. Le gouvernement français a décidé l’envoi d’une quarantaine de membres du Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN) ainsi que dix de l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN).
Au moins trois personnes ont perdu la vie selon l’armée malienne, mais le bilan pourrait être beaucoup plus lourd.
Des groupes islamistes réduits mais puissants
Le Mali a été confronté depuis 2012 à une violente insurrection armée dans le nord-est du pays. Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) et divers groupes revendiquent l’indépendance de l’Azawad, terre peuplée essentiellement de Touaregs. Un accord a été signé cette année, mais la situation reste tendue. Parallèlement, des groupes islamistes ont également pris les armes contre le gouvernement central malien, notamment les Défenseurs de la religion (Ansar Eddine).
La décomposition rapide de l’État malien avait conduit le MNLA à proclamer l’indépendance de l’Azawad. La déstabilisation du pays a conduit plusieurs groupes islamistes régionaux à mener de plus en plus d’opérations au Mali, comme Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO, Jamāʿat at-tawḥīd wal-jihād fī gharb ʾafrīqqīyā). L’insurrection islamiste a été rendue possible notamment par l’intervention décidée par Nicolas Sárközy contre la Libye : la destruction du régime libyen a conduit notamment à la diffusion de l’armement de l’armée libyenne aux groupes terroristes et aggravée la situation dans une région marquée par les conflits ethnicoreligieux et politiques (affrontements interethniques et interraciaux, problèmes du Sahara occidental, indépendantisme touareg, etc.).
Au Mali, l’intervention internationale, notamment française, à partir de 2013 a permis de contenir et désorganiser les groupes islamistes sans parvenir à les éliminer. Le cas de Mokhtar Belmokhtar, chef du groupe des Signataires par le sang (El-Mouaguiine Biddam), dissidents d’AQMI et depuis lié au MUJAO au sein d’el-Mourabitoune est à ce point évocateur : ancien combattant en Afghanistan au début des années 1990, d’Algérie durant la guerre civile, il a contribué au ralliement d’islamistes algériens à La Base (el-Qaïda) et à la diffusion du groupe à travers le Maghreb et le Sahel.
Son groupe actuel, el-Mourabitoune, a pris comme nom depuis juillet celui de La Base en Afrique de l’Ouest. Il a été touché en mai dernier par une scission d’individus menés par Adnane Abou Walid Al-Sahraoui se revendiquant de l’État islamique (ÉI, ed-dawla el-Islāmiyya).
C’est très probablement l’un de ces groupes qui est responsable de l’attaque de Bamako le 20 novembre, possiblement Ansar Dine, liés à el-Qaïda. Son chef Iyad Ag Ghaly a menacé la France dans un récent enregistrement audio.