Le 2 janvier 2020, Qassem Soleimani, le chef de la Force al-Qods arrive à Damas avec l’intention de se rendre à Beyrouth pour rencontrer son ami Hassan Nasrallah, le Secrétaire général du Hezbollah. Après leur entrevue, Soleimani reprend la route en direction de la capitale syrienne où il prend un vol en direction de Bagdad. Sur place, il est accueilli par le numéro deux des Hachd al-Chaabi, Abou Mehdi al-Mouhandis, qui lui avait prêté allégeance quelques mois plus tôt. Ils montent tous deux dans un véhicule qui est détruit à 00h45 par un drone américain MQ-9 Reaper à l’aide d’un missile de type Hellfire. Ils trouvent tous deux la mort dans cette opération.
En représailles, quelques jours plus tard, le 8 janvier, les forces iraniennes visent plusieurs bases abritant des soldats américains en Irak comme celles d’Aïn al-Assad ou d’Erbil, faisant plusieurs dizaines de blessés du côté des forces étasuniennes, selon le Pentagone.
L’assassinat de Qassem Soleimani produit une onde de choc dans le monde entier et menace de déstabiliser une région du monde alors au bord de l’embrasement. Car au-delà d’être un simple officier, l’influent militaire a multiplié les faits d’armes tout au long de sa carrière, se construisant une image de résistant, principalement face aux Etats-Unis et à l’Etat hébreu.
Des hommages de l’Iran et l’Irak à Gaza en passant par le Liban
En Iran, les dirigeants ont donc rendu hommage à Qassem Soleimani le 2 janvier, trois ans après son assassinat. Si le général a laissé une trace indélébile dans son pays, il a aussi été honoré dans plusieurs pays du Moyen-Orient.
En Irak, lors d’une cérémonie organisée le 2 janvier, Faleh Al-Fayyad, le chef des Hachd al-Chaabi, une coalition de milices paramilitaires favorables à Téhéran, créée pour lutter contre les jihadistes, et désormais intégrée aux forces de sécurité irakiennes, a rendu hommage au général et dénoncé un assassinat « orchestré par l’ancien président américain Donald Trump ». Des veillées ont également eu lieu dans plusieurs villes irakiennes comme à Bagdad, où des milliers de personnes se sont réunies.
« La personnalité du général Qassem Soleimani était exceptionnelle non seulement en termes de décimation de Daech en Syrie et en Irak, mais aussi en envoyant des ondes positives et du courage à tout le monde. Il était sincère, humble et avec des convictions inébranlables et un symbole de la résistance internationale qui a redéfini les règles du leadership. Lorsque Daech a pris le contrôle de l’Irak et qu’un combat a éclaté, le ministère irakien de la Défense n’avait pas l’arsenal nécessaire. Le ministre irakien de la Défense et le Premier ministre l’ont admis. L’Amérique et les Arabes se sont détournés de nous, mais la République islamique s’est tenue à nos côtés en tant qu’alliée fidèle sous le Hajj Qassem Soleimani. » (Ali al-Madhoush, analyste et chercheur irakien)
Au Liban, de son côté, le Secrétaire général adjoint du Hezbollah libanais, Naim Qassem, a prévenu dans un message sur Twitter mis en ligne le 2 janvier :
« La confrontation ne s’arrêtera pas ; Soleimani est un martyr, un leader et un Guide, il a libéré les zones occupées sur le terrain. C’est un être très cher. Il porte en lui la boussole de la Palestine. »
Une cérémonie a également été organisée par le Hezbollah le 2 janvier dans la ville de Sidon, au sud du Liban.
« Le général Qassem Soleimani a contribué aux victoires de l’axe de la résistance, de la Palestine au Liban en passant par la Syrie, l’Irak et le Yémen. Il a joué un rôle de premier plan dans la confrontation des ennemis israéliens et américains, ainsi que dans l’émergence et le soutien des mouvements de résistance dans la région. » (Hussein Haj Hassan, député libanais)
A Gaza, le mouvement du Jihad islamique palestinien, proche de Téhéran, a lui aussi tenu à rendre hommage au général iranien. Le chef du groupe islamiste, Daoud Shehab, a indiqué, le 2 janvier que « le martyr Soleimani [était] une méthode et un esprit qui traversent le corps de tous les combattants le long de l’axe de la résistance ».
« Le martyr Hajj Qassem a joué un rôle important en Palestine par son soutien direct aux Palestiniens. Il est allé à Gaza par des tunnels souterrains et y a accompli un miracle en construisant des usines qui fabriquaient des roquettes et des missiles qui protégeaient Gaza et constituaient une menace stratégique pour le régime israélien, y compris les régions de Tel Aviv, Ashkelon et Netanya ainsi que les colonies israéliennes illégales. Il a aidé à dessiner une nouvelle équation de résistance à travers l’opération al-Quds Sword et l’opération Unity of the Arenas, un fait reconnu par les dirigeants de la résistance palestinienne, notamment le Dr Ramadan Abdullah, Haj Ziyad Nakhala, Yahya Al-Sinwar et Ismail Haniyeh. » (Mohammad Jaradat, analyste palestinien)
En l’assassinant, Washington ne s’attendait sûrement pas à ce qu’il devienne une telle icône.
Le leg de Soleimani : « L’axe de la résistance » !
Au lendemain de l’avènement de la République islamique iranienne en 1979, Téhéran s’érige en puissance s’opposant aux intérêts américains et israéliens dans la région. L’Iran consolide patiemment un « axe de la résistance » avec des alliances hétérogènes au Yémen, en Irak, en Syrie, au Liban et en Palestine. Son premier coup d’éclat remonte aux années 1980 lors de la guerre Iran/Irak. Qassem Soleimani est envoyé sur le front Sud avant de combattre les groupes indépendantistes sunnites arabes dans le Khouzestan. Le général gravit les échelons de l’armée jusqu’à être nommé à la tête de la Force al-Qods en 1998. C’est au Liban qu’il va acquérir ses lettres de noblesses lors du conflit dit de « 33 jours » contre Israël en 2006.
Mais c’est véritablement le conflit syrien qui va mettre en lumière les capacités opérationnelles du général iranien. Après s’être rendu une première fois à Homs, il est envoyé en 2012 avec plusieurs conseillers militaires pour aider les troupes de Bachar el-Assad. Face aux difficultés accrues sur le terrain et ce, malgré le renfort du Hezbollah à partir de 2013 le long de la frontière syro-libanaise, Qassem Soleimani se rend à Moscou en 2015 pour convaincre la Russie d’intervenir en Syrie.
En 2014, lorsque Daech a déclenché sa campagne de terreur en Irak, des conseillers militaires iraniens, sous commandement du général Soleimani, se sont dirigés vers ce pays à l’invitation du gouvernement de Bagdad pour aider les forces armées irakiennes à libérer l’ensemble de leurs territoires du joug de Daech, soutenu par les Etats-Unis. A l’issue d’une bataille assidue qui a duré trois ans, l’Irak a réussi à en finir avec ce groupe terroriste.
Enfin, dans le sillage du conflit contre Daesh, il participe activement à la formation de deux milices chiites au Pakistan (Liwa Zainebiyoun) et en Afghanistan (Division des Fatimides).
Son successeur, Esmaïl Ghani, a longtemps été son adjoint en l’accompagnant sur les différents théâtres d’opérations des forces iraniennes. Alors que Qassem Soleimani s’occupait majoritairement de l’Irak et de la Syrie, Esmaïl Ghani se focalisait davantage sur l’Afghanistan et le Pakistan. Depuis 2012, il est lui aussi dans le viseur de Washington. Des sanctions ont gelé ses avoirs à l’étranger et l’ont empêché de faire des transactions avec des entités américaines. Lors de son hommage à Qassem Soleimani, Ali Khamenei a d’ailleurs assuré que Esmaïl Ghani avait réussi à « combler le vide [laissé par le] défunt général ».
L’Iran s’est engagé à poursuivre tous ceux qui ont pris part à l’opération d’assassinat du général Soleimani. Avec l’Irak, l’Iran a mis en place une commission d’enquête conjointe pour mener cette enquête pour assassinat. Sur la base des dernières découvertes de l’équipe, 120 personnes ont été identifiées en lien avec l’assassinat du martyr Soleimani, Trump étant en tête de liste.