Selon National Geographic, des images satellitaires datant de la guerre froide et récemment déclassées, prises au Moyen-Orient par des satellites espions, ont révélé ce qui pourrait être des centaines de forts romains jusqu’alors inconnus dans les déserts de Syrie et d’Irak.
Jusqu’à présent, dans cette région, les chercheurs ne connaissaient les vestiges que d’une centaine de forts, principalement construits par l’armée romaine aux 2e et 3e siècles de notre ère, grâce à des photographies aériennes prises par Antoine Poidebard dans les années 1920 et 1930.
Ce missionnaire, pilote et pionnier de l’archéologie aérienne constata dans son ouvrage de référence de 1934, La trace de Rome dans le désert de Syrie, que les vestiges des forts qu’il voyait depuis son biplan formaient une ligne de structures le long de la Strata Diocletiana (route de Dioclétien, qui avait été construite à travers la Syrie sous le règne de l’empereur Dioclétien à la fin du 3e siècle), s’étendant de Damas et Bosra dans le sud-ouest de la Syrie à Nisibe (l’actuelle Nusaybin) à la frontière turque. Une sorte de ligne défensive du nord au sud, qui, selon lui, constituait une barrière militaire fixe contre les raids des Perses et des tribus nomades de la région (limes Arabicus).
Récemment déclassifiées, les photographies prises entre 1960 et 1986 par les satellites américains Corona et Hexagon(1), révèlent près de 400 autres forts potentiels, répartis selon un modèle qui suggère qu’ils étaient utilisés non pas seulement pour servir à des fins de défense, mais également pour faciliter le commerce caravanier, les mouvements de troupes ainsi que la communication à travers la région. Nombre d’entre eux sont carrés et mesurent entre 50 et 100 mètres de long de chaque côté ; certains sont beaucoup plus grands.
Jesse Casana, archéologue au Dartmouth College et auteur principal d’une étude de Dartmouth sur les découvertes des satellites espions et sur leurs implications pour l’Histoire ancienne, publiée dans la revue Antiquity :
« L’idée selon laquelle ces forts délimitaient une frontière entre deux endroits est manifestement erronée. Ils ne ressemblent pas à des murs destinés à empêcher des personnes d’entrer. Ils ont l’air d’être placés de manière à faciliter les déplacements. »
L’équipe de Casana parvint à identifier des forts éloignés, à l’est de la Strata Diocletiana, près de la ville irakienne de Mossoul sur les rives du Tigre ; à l’ouest, autour de la ville syrienne d’Alep ; et également à l’ouest d’al-Jazira, une région syrienne extrêmement aride qui n’abrite que peu de sources d’eau de surface. Plutôt qu’une frontière fixe orientée vers l’est, de nombreux forts semblent former des réseaux entre l’ouest de la Syrie et le Tigre.
Les images prises il y a un demi-siècle au Moyen-Orient, fournissent aujourd’hui aux archéologues un aperçu unique de l’apparence qu’avait autrefois le territoire. De nombreux vestiges archéologiques identifiés sur ces images disparurent dans les décennies suivantes en raison de la croissance rapide des villes, la construction de réservoirs et le fléau des conflits.
Ainsi, pour une fois, le travail de la CIA s’avère utile, mais avec bien du retard. Néanmoins il contribue à combattre cette idée que les Romains n’avaient jamais été que de puissants envahisseurs combattant, détruisant, asservissant leurs voisins, comme le wokisme s’emploie de plus en plus aujourd’hui à le répandre dans son combat contre l’homme européen et sa civilisation héritière de Rome et d’Athènes.
À l’Est, confronté aux Perses qui avaient édifié un empire bien organisé et prospère que l’on peut qualifier de civilisation au sens noble, les forts romains semblent former des réseaux sécurisant autant le passage des caravanes commerciales et les communications à travers la région, qu’assurant leurs fonctions militaires défensives.
Note :
(1) Le programme, qui dura jusqu’en 1972, consistait à utiliser 130 satellites soigneusement synchronisés pour prendre des photographies détaillées de sites d’intérêt militaire ; 19 autres satellites furent lancés dans le cadre du programme Hexagon, qui dura quant à lui jusqu’en 1986. Les boîtes de film étaient éjectées des satellites et retombaient sur Terre, où elles étaient collectées dans l’océan Pacifique par l’armée américaine.
Pardonnez-moi cette petite remarque encore, il faut préciser archéologie aérienne. Poidebard n’est pas le pionnier de l’archéologie, elle est née bien avant lui.
C’est en revanche un pionnier de l’archéologie aérienne consistant à prendre des photos du sol à partir d’un avion. L’ altitude nous permet d’entrevoir en effet des vestiges, au premier chef des figures dans les champs témoignant du tracé d’anciennes habitations aujourd’hui disparues, le plus souvent des anciennes fermes gallo-romaines (les fameuses villa, c’est le terme d’origine), voire même d’anciens monuments publics comme des temples. Notre position sur le sol rend impossible cette vision cosmique, pour ainsi dire, un peu comme Leibniz dans sa monadologie considérant que la monade seule ne nous indique rien sans son insertion dans un tout. On ne peut apprécier un tableau sans le voir en entier.
L’autre pionnier de l’archéologie aérienne est bien entendu le Picard Roger Agache. Il faut lui rendre hommage ici. Il a pris dans les années 60 des photos aériennes de toute la Picardie. On a découvert beaucoup d’anciennes habitations antiques (fermes gallo-romaines notamment) que nous n’aurions jamais découvertes à l’œil nu.