En politique l’imprévu peut parfois se produire. Alors que tous les sondages, toutes les enquêtes, tous les politologues, toutes les radios et télévisions, tous les financiers, tous les media, tous les journalistes du Système non seulement annonçaient la victoire inéluctable d’Hillary Clinton à la présidentielle américaine du 8 novembre mais encore expliquaient que Trump ne pouvait pas gagner, qu’il n’avait même pas la moindre chance d’accéder à la Maison-Blanche, le tribun new-yorkais a fait mentir tous ces oiseaux de mauvais augure en remportant sur sa rivale démocrate, chouchou des media et couvée par les banquiers de Wall Street, une victoire sans appel : Donald Trump a en effet remporté 306 grands électeurs contre 232 pour sa concurrente. Il l’a emporté dans trente Etats contre vingt seulement pour Hillary Clinton. Hormis la côte Ouest (Californie, Oregon, Washington), le nord de la côte Est (Maine, Massachusetts, Connecticut, New Jersey, Delaware, Maryland, Virginie) et l’Etat de New York acquis à l’épouse de Bill Clinton, tout le reste de l’Amérique s’est donnée au candidat du Parti républicain : Trump fait carton plein dans le Sud, de la Floride au Texas, de la Louisiane à la Caroline du Sud mais il gagne aussi les Etats autour des grands lacs (Wisconsin, Michigan, Ohio) pourtant traditionnellement démocrates et tout le centre du pays, du Kansas au Kentucky, du Nebraska au Tennessee.
La victoire de Trump, c’est celle du peuple face aux élites, des autochtones face aux allochtones, des pauvres, des oubliés et des méprisés face aux banquiers, aux financiers et au show-biz qui soutenaient quasiment comme un seul homme la candidate démocrate, de la minorité silencieuse et invisible face aux minorités visibles et ostentatoires. Comme l’a analysé sur RTL Eric Zemmour la victoire de Trump est une immense gifle pour la bien-pensance, pour les élites, pour les media, pour les sondeurs qui se sont une nouvelle fois trompés, pour les communicants qui conseillent toujours de lisser le discours, de l’édulcorer, de lutter contre les discriminations, contre le réchauffement climatique. Trump, a ajouté à juste titre le chroniqueur, c’est la défaite du féminisme, de l’antiracisme, du cosmopolitisme, de l’écologie, bref la défaite de l’idéologie dominante.
La révolution Trump, c’est le réveil d’une Amérique blanche et populaire qui se sait méprisée et oubliée et qui ne veut pas mourir, qui se bat contre des tendances démographiques qu’elle sait lui être défavorables. La victoire de Trump, c’est la revanche du mâle blanc hétérosexuel contre les minorités ethniques et sexuelles, contre le lobby LGBT et contre le lobby prétendument antiraciste et sa discrimination positive. Plus d’un demi-siècle après l’instauration des droits civiques, l’Amérique blanche dit son ras-le-bol, son haut-le-cœur de voir son pays envahi, défiguré, trahi. Car le Grand Remplacement n’existe pas seulement en France et en Europe, il concerne tout l’Occident et singulièrement les Etats-Unis qui font face à douze millions d’immigrés illégaux et dont la frontière avec le Mexique est poreuse.
La victoire de Trump, c’est à la fois une révolte contre le libre-échange qui détruit les emplois et les usines (le candidat républicain a fait un carton chez les ouvriers d’entreprises désaffectées, ruinées ou délocalisées) et contre le sans-frontiérisme qui impose une immigration de peuplement sans tri qualitatif ni seuil quantitatif.
Le triomphe de Trump, c’est un Brexit à la puissance dix, c’est un Brexit planétaire qui annonce le réveil, au moins partiel, des peuples occidentaux. Après la Russie, la Hongrie, la Pologne et, d’une certaine manière l’Autriche, après le Brexit le 23 juin, cette victoire du 9 novembre est objectivement une très bonne nouvelle. On peut à certains égards la comparer à la chute du mur de Berlin qui eut lieu également un 9 novembre, il y a vingt-sept ans, en 1989. Comme si un nouveau monde émergeait. Comme si l’on entrait vraiment dans le XXIe siècle.
Donald Trump est une personnalité haute en couleur, charismatique et chaleureuse. C’est un battant et un gagnant. Il a su, grâce à son talent, à son énergie, à son culot, à son savoir-faire, à son génie, bâtir un immense empire immobilier. Et dans son premier discours après sa victoire, il a dit sa volonté d’engager un programme de grands travaux, de vastes constructions de routes et d’autoroutes pour créer des millions d’emplois. Il a expliqué qu’il gérerait le pays comme ses entreprises en faisant en sorte que chacun réalise son potentiel, donne le meilleur de lui-même au service d’un projet collectif et patriotique enthousiasmant et rémunérateur. S’il y a sans doute beaucoup de critiques à faire au mode de vie et de pensée des Américains, il faut toutefois leur reconnaître un certain nombre de qualités. Ce n’est pas un peuple d’assistés. On ne peut pas toujours hélas en dire autant de la France. Les Américains n’ont pas une mentalité de fonctionnaire pressé de quitter son bureau dès que l’horloge indique dix-sept heures. Les trente-cinq heures obligatoires chez eux, c’est impensable. Ils ne ménagent pas leurs efforts et savent récompenser l’initiative, la prise de risque, l’audace, la ténacité, la persévérance, le talent, l’effort, le mérite, le courage. Un entrepreneur qui a réussi socialement grâce à son travail et à son mérite est là-bas honoré, respecté, cité en exemple, ici il est suspecté, diffamé, envié et l’on fait tout pour le déconsidérer et le détruire après l’avoir écrasé d’impôts, de charges et de taxes. Plusieurs fois Trump a fait faillite, plusieurs fois il s’est relevé. Et en devenant président des Etats-Unis il réussit son plus beau coup. Il a toujours cru en son étoile, a toujours refusé les pensées négatives et démobilisatrices, a suivi son flair et son instinct qui ne l’ont manifestement pas trompé.
Pendant toute sa campagne il a parlé avec son cœur, avec ses tripes, appelant un chat et chat, ne modérant nullement son discours, ne répugnant pas aux attaques ad hominem contre ses adversaires. Et il a eu raison : en politique il faut tuer l’ennemi. L’attaque paie quand elle est juste, quand elle est bien ciblée, quand elle dit la vérité, quand elle met en évidence des injustices, des mensonges, des forfaitures. De ce point de vue Trump c’est l’antithèse de Marine le Pen, même si cette dernière a tenté de récupérer la victoire du milliardaire américain, espérant être élue en mai prochain à la magistrature suprême. Avec Philippot la présidente du Front national ne cesse d’attiédir son discours. Trump provoque délibérément là où Marine Le Pen veut dédiaboliser. Il assume le conflit quand elle tente d’apaiser. Qu’on pense à sa grotesque affiche : « la France apaisée ». Alors même que la France a besoin d’être alertée, réveillée, revigorée, avertie, que les Français ont besoin qu’on leur dise avec courage et sans ambages la vérité sur l’état de leur pays et sur leur avenir tragique si rien ne change et rien ne s’inverse. Trump a été la cible des mouvements féministes, antiracistes et homosexualistes pendant toute sa campagne — il a même été comparé à Hitler et à Mussolini ! — , Marine Le Pen, à l’inverse, cherche à séduire le Planning familial et le lobby LGBT. En faisant de l’avortement un droit inaliénable, en « sanctuarisant le droit des femmes à disposer de leur corps » (voir le discours de l’eurodéputé Sophie Montel lors du banquet du FN le 1er mai 2016 et les exclamations approbatrices de Marine Le Pen : « tu as raison, Sophie ! ») quand Trump, lui, confirme qu’il va nommer des juges pro-vie à la Cour suprême. Marine Le Pen et Florian Philippot peuplent le FN d’invertis notoires et traitent d’“homophobes” tous ceux qui s’imposent à cette mainmise quand Trump, pourtant libéral sur le plan des mœurs, s’oppose aux revendications du lobby LGBT qui n’a de cesse de le traîner dans la boue.
Interrogé par le journal suisse 24 heures, qui lui demande si tenir un discours anti-migratoire moins virulent que Trump comme le fait Marine Le Pen est faire fausse route, Jean-Marie Le Pen répond : « Oui. La dédiabolisation est une foutaise. Trump a démontré avec évidence qu’il faut chevaucher le vague de ce que nos adversaires appellent le populisme — c’est-à-dire les réactions incontrôlées du peuple — et ne tenir aucun compte du risque de diabolisation : c’est ainsi qu’on gagne. La dédiabolisation, ça ne marche pas ! Mais il faut de la lucidité et du courage. Marine Le Pen doit avoir le courage de dire la vérité et de faire ce qu’attendent les Français. Trump n’a tenu compte d’aucun risque supposé de la dénonciation du système. Et il a gagné ! » Et quand on demande au fondateur du FN si Trump n’est pas parfois allé trop loin dans ses propos musclés pendant sa campagne, Le Pen de rétorquer : « Je suis un adversaire résolu de la loi Gayssot. C’est vrai, je suis pour la liberté d’opinion. Je pense que le peuple doit juger des hommes politiques dans l’expression de leurs idées politiques. Les opinions doivent être libres. Car je reste persuadé qu’il y a moins de risques dans les excès de liberté que dans les excès de censure. »
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Suite de l’éditorial de Jérôme Bourbon dans le Rivarol du 17 novembre 2016.