Monténégro : le coup d’État attribué à la Russie serait un coup monté
Dans la nuit du 15 au 16 octobre 2016, une vingtaine de paramilitaires d’origine serbe franchit la frontière qui la sépare du Monténégro. Elle pénètre dans le petit pays des Balkans, dernier né de la partition de l’ex-Yougoslavie. À sa tête, un ancien commandant de police serbe, Bratislav Dikic, surnommé « le petit Legija » – du nom d’un autre paramilitaire serbe, assassin du Premier ministre (en 2003) et de l’ancien président (en 2000) – qui est suspecté d’être à la tête d’une organisation mafieuse en Serbie, et que la gendarmerie de son pays a renvoyé de ses rangs en 2013.
L’expédition tourne court. Les membres du commando sont rapidement appréhendés par les forces de police monténégrines. Ces dernières les accusent d’avoir tenté de se procurer des armes de guerre, afin de mener l’assaut contre plusieurs institutions étatiques. On leur prête même l’intention d’avoir planifié l’arrestation et l’enlèvement du Premier ministre en exercice, Milo Djukanovic.
Selon le procureur monténégrin en charge du dossier, l’enquête aurait, permis de démontrer que le commando était composé de « nationalistes russes », qui auraient planifié leur irruption au sein du Parlement, l’exécution du Premier ministre et l’arrivée d’une coalition pro-russe au pouvoir.
Affirmations pour lesquelles le procureur n’a cependant pu avancer la moindre preuve…
La tentative n’a pas eu lieu n’importe quand mais le dimanche 16 octobre, jour d’élections législatives au Monténégro. En jeu, la reconduction de la formation du Premier ministre, le Parti démocrate des socialistes (PDS), au pouvoir depuis plus de 25 ans, à laquelle est opposée le Front démocratique (FD), une coalition de partis monténégrins qui monte dans le paysage politique national
Et ces élections générales du 16 octobre étaient présentées par le camp du Premier ministre, comme l’occasion pour les électeurs d’arbitrer entre d’un côté sa formation, favorable à l’intégration du Monténégro à l’Otan et à l’Union européenne, et de l’autre l’opposition accusée de vouloir précipiter le pays au rang de « colonie russe ».
Depuis, de plus en plus d’observateurs s’interrogent. Ils se demandent si, comme Recep Tayyip Erdoğan instrumentalisant le coup d’État du 15 juillet 2016 pour raffermir son pouvoir et purger la société et l’administration, le Premier ministre monténégrin n’aurait pas commandité le commando serbe qui a pénétré dans son pays, dans la nuit du 15 au 16 octobre ?
C’est l’avis du « Centre for Eastern Studies », un think tank basé à Varsovie : il suggère que la tentative de coup d’État fait partie du plan du PDS pour gagner les élections. Et il avance pour preuve que « l’arrestation du commando, orchestrée par les partisans de Djukanovic au sein de la police et des services secrets, n’a pas été coordonnée à l’avance avec le chef du ministère de l’Intérieur », qui lui-même n’est pas membre du DPS, le parti de Djukanovic…
Finalement, au terme du processus électoral, le PDS est certes arrivé en tête, mais avec un peu plus de 41% des suffrages exprimés il est dépourvu de majorité absolue. Et les troubles observés avant, pendant et après les dernières élections laissent l’image d’un régime fébrile, aux méthodes douteuses et autoritaires. Le clan euro-atlantiste ne recule devant rien…