Au Pakistan, le 11 avril, Shehbaz Sharif (Ligue musulmane du Pakistan) a été élu Premier ministre, lors d’un vote à l’Assemblée nationale déclenché par la chute le week-end de son prédécesseur Imran Khan, renversé par une motion de censure. La principale priorité du nouveau gouvernement sera de rétablir les liens avec Washington selon le vœu de l’armée pakistanaise qui y tient désespérément.
Le 12 avril, l’USS Abraham Lincoln, porte-avions nucléaire, et son groupement tactique sont entrés dans la mer du Japon, pour la première fois en cinq ans. Ils ont été rejoints par le navire japonais Kongo, premier navire de sa classe de destroyers lance-missiles, ainsi que de nombreux avions de chasse japonais F-2
Le 13 avril, la première ministre du pays nordique, Sanna Marin, a indiqué que « la Finlande prendra d’ici quelques semaines sa décision sur une possible adhésion à l’OTAN ». De même, la première ministre suédoise, Magdalena Andersson, s’est montrée également ouverte à une éventuelle adhésion de son pays à l’OTAN.
Quel rapport entre ses trois événements ? La montée des tensions provoquée dans le monde par les États-Unis, au risque de nouvelles guerres, pour impressionner et dissuader de nombreux pays qui leurs sont soumis ou tangents, de se joindre à des puissances qui menacent l’hégémonie Yankee. Pour mieux comprendre les enchainements et les enjeux, voici une petite revue de détail.
Pakistan : Les six péchés d’Imran Khan
Le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, a commis six péchés majeurs que les États-Unis ne peuvent pas pardonner et qui les ont poussés à conspirer pour le renverser : le premier péché est son refus absolu de cesser de soutenir les talibans afghans, accentuant ainsi la défaite des USA en Afghanistan.
Le deuxième est qu’il a pris le parti de la Chine, rejoint son initiative ‘Ceinture et Route’, et signé avec elle un traité de coopération économique, d’une valeur initiale d’environ 62 milliards de dollars.
Le troisième vient de son soutien à l’opération militaire russe en Ukraine ; tout au début de la crise, il s’est rendu à Moscou où il a été chaleureusement accueilli par le président russe Vladimir Poutine !
Le quatrième péché concerne ses relations stratégiques très fortes avec l’Iran pour briser le blocus américain ; il est aussi accusé (!) de l’aider à développer ses programmes nucléaires.
Le cinquième est son soutien absolu à la cause palestinienne, son refus de s’engager dans le processus de normalisation avec ‘Israël’ et dans les accords de normalisation.
Et le sixième péché vient du fait qu’il a rejeté toutes les demandes américaines d’établir des bases militaires au Pakistan qui partage une frontière commune avec la Chine. Il s’est opposé à la coopération de l’armée et des services de renseignement pakistanais, sous la direction américaine dans la lutte contre les talibans en Afghanistan.
Résultat : Imran Khan a réussi a repoussé temporairement une motion de censure contre son gouvernement, mais la Cour suprême du Pakistan a tranché en sa défaveur. La motion de censure a été adoptée conduisant à la formation d’un nouveau gouvernement, plus attentif aux intérêts américains dans la région et au projet qu’ils caressent pour le Pakistan.
Conséquence : une foule considérable se lève au Pakistan (pays qui dispose de l’arme nucléaire) pour contester dans la rue ce tour de passe-passe dans l’attente des prochaines élections générales qui approchent. Et le Premier ministre déchu, Imran Khan, a réagi devant la foule rassemblée à Peshawar :
« J’annonce aujourd’hui, la guerre pour notre indépendance commence à partir de maintenant. Je vais être dans la rue avec mon peuple jusqu’à ce que le gouvernement soit obligé d’aller aux prochaines élections générales. Le gouvernement importé est rejeté. (…) Les gens les plus heureux de me voir chassé du pouvoir étaient en Inde et en Israël… »
Mer du Japon, l’escalade
Pendant que l’Europe a les yeux rivés sur l’Ukraine, l’Empire US entretient une autre zone d’instabilité, avec la Chine, à l’autre extrémité de « l’île monde » eurasiatique.
En réponse à l’intrusion de l’USS Abraham Lincoln, en mer du japon, la Chine a massé quatre croiseurs en mer Jaune : quatre imposants et modernes destroyers lance-missiles chinois de type 055 ont été déployés juste au large de la base navale de Yuchi dans la province du Shandong. La voie navigable qui sépare le Japon de la Russie et de la péninsule coréenne, a été le site de nombreux essais de missiles par la République populaire démocratique de Corée.
Alors que les Etats-Unis s’emploient à envenimer la situation, Washington et Tokyo ont finalement démenti hier l’« information »,opportunément relayée par les médiats aux ordres, que le Japon vassalisé pourrait rejoindre l’alliance AUKUS. Acronyme d’« Australia, United Kingdom et United States », cette alliance militaire tripartite a été rendue publique le 15 septembre 2021, en pleine humiliation de la France sur les sous-marins australiens. Elle vise à contrer l’« expansionnisme chinois »… alors que l’Empire vient mettre la pression à Pékin jusque dans ses eaux territoriales.
Malgré tout, et notamment l’ambiance de montée des tensions que Washington provoque régulièrement sur le dossier de Taiwan, la Chine soutient sans ambages la Russie dans son opération en Ukraine…
Suède, Finlande, OTAN : « ce qui doit arriver arrivera »
En réaction à la lancée du processus d’adhésion à l’OTAN annoncé par les gouvernements suédois et finlandais, Dmtri Medvedev, ancien Premier vice-président du gouvernement russe à partir de 2005, et ancien Président de la Fédération de Russie à partir de 2008, a publié le texte suivant :
« La Suède et la Finlande discutent de la possibilité de rejoindre l’OTAN avec sérieux. L’alliance elle-même est prête à les accepter littéralement dans les plus brefs délais, et avec un minimum de procédures bureaucratiques. Les États-Unis diffusent désormais dans tous les journaux leur message de bienvenue à ces deux pays nordiques. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que la Russie aura plus d’ennemis officiels.
Et comment devrions-nous répondre à cela ? La réponse est claire : sans émotions, en gardant la tête froide. Combien de pays sont dans l’OTAN, trente ou trente-deux ? Pour nous ce n’est pas si important. Deux de moins, deux de plus, avec leur importance et leur population, il n’y a pas beaucoup de différence. Par ailleurs, si la Suède et la Finlande rejoignent l’OTAN, la longueur des frontières terrestres de l’OTAN avec la Russie fera plus que doubler. Naturellement, ces frontières devront être renforcées. Nous devrons renforcer sérieusement nos forces terrestres, notre défense aérienne et déployer des forces navales importantes dans les eaux du golfe de Finlande. De plus, il ne sera plus possible de parler d’un statut non nucléaire de la Baltique : l’équilibre devra être rétabli. Jusqu’à présent, la Russie n’avait pas pris de telles mesures et ne souhaitait pas les prendre. Si nous y sommes obligés, eh bien, ça n’aura pas été de notre fait.
Allons plus loin. (…) D’abord, des tentatives pour les inclure dans l’OTAN ont déjà été faites. Et, ensuite, et surtout, nous n’avons pas de différends territoriaux avec ces pays, comme nous en avons avec l’Ukraine. Et donc, le prix d’une telle adhésion est différent pour nous. L’opinion publique de la Suède et de la Finlande, sur la question de la nécessité d’adhérer à l’OTAN, est divisée à peu près en deux, malgré le maximum d’efforts des propagandistes locaux. Aucune personne sensée ne veut des prix et des taxes plus élevés, des tensions accrues le long de ses frontières, des missiles balistiques Iskanders, des missiles hypersoniques et des navires dotés d’armes nucléaires, littéralement sur le pas de sa propre maison. Espérons que nos voisins du nord reprennent leur esprit. Sinon, eh bien, ce qui doit arriver arrivera. »
Conclusion
En perte de vitesse, dépassé par le monde multipolaire qui vient, l’Empire américain, nihiliste, joue avec le feu.
Yankee, restez chez vous !