Le premier tour de l’élection présidentielle roumaine 2024 a lieu le 24 novembre dernier. Le président sortant Klaus Iohannis, issu du Parti national libéral (PNL), n’était pas éligible à un nouveau mandat (la constitution de 1991 limitant à deux le nombre de mandats présidentiels). Ce premier tour intervenait peu avant les élections législatives (qui se sont tenues hier 1er décembre). Le second tour de la présidentielle aura lieu le 8 décembre prochain.
À la surprise générale, le suffrage a placé en tête du premier tour le candidat indépendant Calin Georgescu (62 ans) avec 22,24 % des voix ; devant Elena Lasconi avec 19,18 %, candidate européiste d’un parti de centre droit (USR) et Marcel Ciolacu avec 19,15 %, Premier Ministre européiste depuis 2023 issu du Parti social-démocrate.
Calin Georgescu est qualifié « d’extrême-droite, pro-russe et conspirationniste » par tous les médiats roumains et les médiats européistes et atlantistes de l’étranger. Georgescu n’a pourtant pas le profil typique de l’opposant nationaliste : ce professeur d’université, diplômé en science agronomique, est un ancien haut fonctionnaire de divers secrétariat d’État et ministère roumain, et un ancien représentant de la Roumanie dans diverses institutions internationales (O.N.U.).
Georgescu a mené principalement sa campagne sur Tik Tok (où ses publications à la veille du premier tour pouvaient compter jusqu’à 6 millions de vues) axant ses publications sur l’arrêt du soutien à l’Ukraine qui entraîne la Roumanie dans un conflit dont elle n’a pas besoin, sur le soutien aux agriculteurs et la réduction de la dépendance de la Roumanie aux importations qui ruinent des secteurs entiers de l’économie roumaine, et sur la promotion des valeurs familiales traditionnelles et de l’Église orthodoxe roumaine.
Si Călin Georgescu, arrivé en tête des élections présidentielles, a peut-être créé la surprise en Roumanie, il n’est pas un inconnu pour nous qui lui avions consacré un article le 7 février 2022. Il n’est pas non plus inconnu de l’Institut « Elie Wiesel » de Roumanie qui avait réagi aux propos de l’homme politique rendant hommage à Corneliu Zelea Codreanu. On sait aussi que Georgescu rend régulièrement hommage aux soldats Roumains qui ont combattu aux côtés de l’Allemagne.
C’est donc avec un certain intérêt que nous attendions la réaction de l’Institut aux résultats de l’élection, car, on s’en doute, là-bas comme ici – et comme un peu partout en Occident – « ils » ont leur mot à dire sur le résultat des élections, et pas seulement sur le résultat, mais sur la manière de les préparer, de les encadrer et de les piloter. Cette réaction, la voici.
Réaction de l’Institut Elie Wiesel aux résultats du premier tour des élections présidentielles
Suite aux résultats du premier tour des élections présidentielles, nous observons :
L’extrême droite en Roumanie n’est pas une virtualité, mais est devenue une réalité ! Elle représente plus de 35% des choix de l’électorat. L’extrême droite représente la négation de l’Holocauste, l’antisémitisme, le racisme, la négation des droits et des libertés pour toute minorité, le souverainisme, l’orientation étrangère pro-russe, anti-européenne et anti-OTAN.
Pointer du doigt TikTok ou d’autres réseaux de communication, c’est ne voir que le mal de l’extérieur. Il est temps de devenir rationnel, d’abandonner les explications faciles et les intérêts de groupe. L’intérêt national nous oblige à attirer l’attention sur certains facteurs internes qui ont contribué à ce « dimanche noir ou vert » :
Il y a un décalage entre le discours pluraliste, anti-extrémiste, voire philosémite du gouvernement et de l’élite politique roumaine et la réalité des politiques publiques pratiquées au niveau central et local.
Faiblesse des partis traditionnels à combattre le discours de l’extrême droite au parlement. Un discours agressif, tourné vers le passé totalitaire et sans perspective d’avenir. Le soutien inattendu de l’ambassade de l’État d’Israël au parti AUR.
[NDLR : AUR est le parti de Georges Simion, un autre candidat de cette présidentielle, qualifié lui aussi « d’extrême-droite, pro-russe et anti-LGBT », moins chanceux car arrivé quatrième avec quand même un honorable 13.86 % des suffrages.]
Non-implication des institutions étatiques habilitées, parquet, justice, police dans l’application du GEO 32/2002. Un rapport de l’Inspection Judiciaire a souligné cette faillite de la pratique judiciaire dès 2021 ! La grande majorité des dossiers d’enquête ont été classés ou sont oubliés dans des tiroirs. L’un des arguments pour la clôture est que « la parole n’a pas été suivie d’effet ». Aujourd’hui, les messages ont porté leurs fruits !
[NDLR : C’est-à-dire les classiques lois sur « l’incitation à la haine raciale » qu' »ils » font appliquer partout dans le monde occidental, Roumanie et Russie y compris. On note quand même que dans la jurisprudence de la Roumanie, il faut que les paroles soient suivies d’effets, c’était aussi le cas en France avant la loi Pleven]
Pour la première fois depuis la révolution de décembre 1989, la BOR [NDLR : l’Église orthodoxe roumaine] a enfoncé le clou avec la canonisation des prêtres impliqués dans le mouvement légionnaire ! La BOR voudrait-elle aujourd’hui une Roumanie comme le « Saint Soleil dans le ciel » ?
[NDLR : voir la vidéo ci-dessous, le Saint Soleil est un symbole du mouvement légionnaire]
Les voix politiques ou de la société civile de la démocratie sont restées silencieuses. La Fédération des communautés juives de Roumanie est restée silencieuse. Malgré les réactions extérieures, la BOR est restée fidèle à son projet.
[NDLR : De cette affaire de canonisation aussi, JN s’est fait l’écho : Tentative d’ingérence de l’Institut Elie Wiesel dans les canonisations de l’Église orthodoxe roumaine]
Les autorités locales se complaisent à promouvoir la mémoire des personnes condamnées pour crimes de guerre et/ou antisémitisme. Depuis des années, les maires de Bucarest ou de Cluj conservent des rues portant le nom de criminels de guerre et des institutions locales organisent dans leurs locaux des manifestations en faveur des antisémites et des négationnistes.
L’élection présidentielle vient de distinguer, en le plaçant en tête, un multirécividiste des messages antisémites et pro-Antonescu.
[Discours d’Ion Antonescu et d’Horia Sima après le coup d’état contre le roi Caroll II du 5 et 6 septembre 1940 qui met en place un régime fasciste (avec les Légionnaires de Codreanu, assassiné en 1938) et engage la Roumanie sur le chemin de l’alliance avec l’Allemagne]
Le Musée national de l’histoire des Juifs et de l’Holocauste en Roumanie, projet lancé en 2016, est un rêve lointain. La mairie de Bucarest détient le triste record d’avoir fait échouer ce projet. De 2019 à aujourd’hui, des tentatives ont été faites pour freiner le projet. Différents prétextes ont été avancés pour reporter ou rejeter le projet architectural : l’emplacement est trop central, le bâtiment est trop important et trop de choses sont en train d’être modifiées, etc.
Tout cela s’est produit récemment. Le rapport annuel de suivi de l’Institut sur le déni de l’Holocauste et l’antisémitisme en présente un grand nombre. Nous pensons qu’il arrive un moment où de nombreuses pratiques et mentalités doivent être remises en cause.
Néanmoins pour compléter et nuancer le tableau, nous livrons aussi une réaction en provenance d’un ami moldave :
« Cher JN, vos informations sur la situation politique en Roumanie sont très vagues et font partie du ”wishful thinking”. Calin Georgescu est un maçon qui vient du Club du Rome, ”expert ONU en développement durable”, un truc classique du faux opposant. Exactement la même histoire avec George Simion. Les agents des juifs.
Le même ami Moldave précise ailleurs que le communiqué de l’institut EW vise justement, en provoquant une sorte de répulsion, d’agacement, à favoriser Georgescu: comme on dit, c’est du billard à bandes.
Le commentaire de l’institut Wiesel sur les élections roumaines est très instructif.
Personne ne peut plus ignorer ce qu’est » la lutte contre l’ antisémitisme » : rien à voir avec la lutte contre la persécution des juifs au seul motif de leur judeité mais la volonté d’imposer une tyrannie sémitique à l’échelle de la planète au nom, entres autres motifs allégués, de la lutte contre le souverainisme. Ils l’avouent ouvertement : les peuples et les nations ne doivent pas être souverains, ce pourquoi ils militent activement pour l’immigration, ailleurs qu’en Israël, de « minorités » qu’il faut préserver du « racisme » et auxquelles il faut accorder tous les « droits ». Combien de députés de souche indo-europeenne ou de religion catholique à la Knesset ? AUCUN.
C’est marrant aussi de les voir pester contre la Russie, alors qu’ils ont été les compagnons de route les plus empressés de l’URSS.