L’apparition médiatique de représentants bien connus de la politique ukrainienne ne pouvait pas être un hasard. Cela s’est produit simultanément et concerne l’avenir immédiat de l’Ukraine. Le magazine The Economist a publié une interview du commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Valeri Zaluzhny. De son côté, l’ancien conseiller du chef de cabinet du président ukrainien, Oleksiï Arestovitch, a publié sur sa chaîne Telegram un programme politique en 14 points.
Commençons par l’interview de Valeri Zaloujny. Les actions militaires sont dans une impasse et les combats épuisants pourraient durer des années, ce qui constitue une menace pour les forces armées et l’État, a déclaré le commandant en chef.
Zaloujny parle du fait que la situation militaire et la Russie sont plus fortes que les capacités ukrainiennes, et que les manuels de l’Otan ne sont pas adaptés :
« Une armée comme celle de l’Ukraine aurait dû être capable de progresser à une vitesse de 30 km par jour lorsqu’elle perçait les lignes russes. Selon les manuels et les calculs de l’Otan, quatre mois auraient dû suffire pour atteindre la Crimée, combattre en Crimée, revenir de Crimée et y retourner encore et encore », dit avec sarcasme le général Zaloujny.
Au lieu de cela, il a vu ses troupes se retrouver coincées dans des champs de mines près de Bakhmout à l’est, alors que l’équipement fourni par l’Occident était sous le feu de l’artillerie et des drones russes. La même histoire s’est déroulée sur le principal axe d’attaque au sud, où des brigades inexpérimentées ont immédiatement rencontré des problèmes.
Zaloujny a également écrit une colonne pour The Economist intitulée « The commander-in-chief of Ukraine’s armed forces on how to win the war » (Le commandant en chef des forces armées ukrainiennes sur la manière de gagner la guerre), dans laquelle il a détaillé toutes les réflexions mentionnées dans l’interview. Les conclusions de Zaloujny sont les suivantes :
« Le passage de la guerre à une forme positionnelle la prolonge et comporte des risques significatifs tant pour les forces armées que pour l’État dans son ensemble. De plus, cela profite à l’adversaire qui essaie par tous les moyens de restaurer et d’accroître sa puissance militaire. »
L’interview et la colonne de Zaloujny concernent la situation militaire, mais qu’est-ce qui se cache derrière ces publications ? La colonne n’est pas une publication scientifique sur les affaires militaires, elle est donc de nature politique. Les réflexions sur « le niveau de technologie qui nous met dans une impasse », ce sont des paroles qui décrivent sans aucun doute la situation, mais l’objectif principal de l’article n’est pas d’obtenir des armes modernes de l’Occident.
Quand un militaire parle d’une impasse dans la guerre, cela ressemble à un appel aux politiciens à s’engager dans des négociations et la diplomatie… Ou est-ce autre chose, la transformation d’un militaire en politicien ?
Venons-en à Oleksiï Arestovitch. Déjà à la mi-octobre 2023, l’ancien conseiller du bureau du président ukrainien avait accusé son gouvernement d’avoir commis des erreurs militaires stratégiques, de la suppression des libertés civiles et politiques, d’encourager la corruption, ce qui « a mis la situation dans une impasse et conduit à une catastrophe ».
Il a déclaré que c’était la direction politique, et non les militaires, qui portait toute la responsabilité de la situation sur le front. La solution, selon Arestovitch, est de tenir des élections en Ukraine, qui offriraient l’espoir d’une « réinitialisation », de « briser le monopole de l’incompétence » et de permettre l’arrivée au pouvoir de nouvelles forces « capables de prendre des décisions qui correspondent à la situation réelle ».
À ce moment-là, les médias ukrainiens se sont posé la question : qui pousse Arestovitch à se présenter aux élections – Volodymyr Zelensky, l’oligarque Rinat Akhmetov, le département d’État américain ou… le Service fédéral de sécurité russe (FSB) ?
Et voilà que le 1er novembre, Arestovitch publie sur sa chaîne Telegram son programme politique en 14 points. En résumé, il s’agit de la transition de l’Ukraine vers une posture défensive, de l’expansion de la coopération militaire avec les voisins membres de l’Otan et de l’adhésion à l’Otan.
Il est à noter que la position principale et commune d’Arestovitch et de Zaloujny est l’évidence pour l’Ukraine et l’Occident de l’impasse dans la confrontation militaire face à la Russie.
Et une autre similitude dans les publications de Zaloujny et d’Arestovitch est l’absence de Zelensky.
À l’intérieur de l’Ukraine, la situation est la suivante : sous peu commencera une puissante campagne de discréditation contre Zelensky et une lutte politique contre lui, suivie d’une refonte du paysage politique. Les forces extérieures observeront ces agitations internes, équilibreront leurs intérêts avec les résultats de ces troubles et leurs futurs plans pour le conflit ukrainien.
Si une décision de « gel » du conflit en Ukraine est prise par l’Occident, peu importe sur qui ils misent lors des élections présidentielles ukrainiennes, car l’Occident sera en mesure de forcer n’importe quel « président élu » ukrainien à faire ce qu’il jugera nécessaire, comme cela s’est passé avec Zelensky, qui s’est transformé du « président de la paix » en « président de la guerre jusqu’à la victoire ».
Alexandre Lemoine
Source : Observateur continental
On voit mal des candidats remplaçants se précipiter pour assumer la défaite:
c’est plus malin d’attendre que l’Ukraine capitule pour prendre la place plutôt que de signer la capitulation.
D’autre part, côté russe, dans leur presse, ce n’est pas la grande joie non plus: le front de guerre n’est pratiquement plus suivi, donc rien de très victorieux à signaler, la situation à Kherson n’est pas commentée, évidemment (tête de pont ukrainienne sur la rive gauche).