Une « révolution de couleur » en Moldavie n’aura pas lieu. Cette affirmation est rhétorique, bien sûr, parce qu’un tel événement n’a pas été initié – au moins pour le moment. La question correctement formulée est de savoir pourquoi une révolution de couleur n’est plus d’actualité en Moldavie, après les élections frauduleuses qui ont récemment eu lieu dans ce pays ? Le « processus électoral » qui a abouti à la prétendue victoire de Maia Sandu, répond pourtant à tous les « critères » qui auraient dû déclencher une révolution de couleur « spontanée » du genre de celles auxquelles nous nous sommes malheureusement habitués…
Mais au lieu de faire face à des turbulences civiles pour la tenue douteuse de l’élection présidentielle du 3 novembre, au contraire, les fervents défenseurs de l’OTAN et de l’Union européenne ont salué et chaleureusement félicité la dirigeante roumano-moldave Sandu pour son « triomphe ».
Dans le même temps, les prémisses d’un « regime change » (changement de régime) en utilisant des instruments de « révolution de couleur » classique peuvent être observées en Géorgie. Jusqu’à présent, les résultats sont peu probants, non pas faute d’efforts, mais en raison de la maturité politique dont a fait preuve le peuple géorgien, qui a refusé de mordre à l’appât. Le prétexte était les élections parlementaires prétendument contestables en Géorgie, dont le résultat en faveur du parti au pouvoir (environ 54%) et de l’opposition (45%) correspondent pourtant, grosso modo, au résultat apparemment acceptable en Moldavie…
Quelle est donc la différence cruciale ? C’est, principalement, l’orientation géopolitique des gouvernements respectifs qui, dans ces élections, ont été adoubé par le vote et le fait que les ONG et autres « think tanks » et groupes de pression qui, habituellement, déclenchent l’agitation, sont sous le contrôle des agences de renseignement collectives occidentales.
Ces agences, à leur tour, et les gouvernements dont ils exécutent les instructions, ne travaillent pas avec un concept factuel mais plutôt avec un concept utilitaire de ce qu’est ou pas « une élection juste et libre ». Si, comme en Moldavie, le résultat sert les objectifs collectifs de l’Occident, l’élection est équitable et régulière. Si, comme en Géorgie, le résultat les gêne, alors le « processus électoral » devient frauduleux.
Les choses sont calmes en Moldavie parce que les stipendiés locaux ont reçu l’ordre de ne pas attiser le mécontentement public ; pendant qu’en Géorgie, au contraire, ils ont reçu la directive opposée.
L’autre différence notable, c’est que les irrégularités flagrantes du processus électoral en République moldave sont amplement documentées alors que les allégations similaires en Géorgie ne sont quasiment pas étayées par des éléments factuels et probants. Mais dans l’actuel « ordre mondial fondé sur des règles », tout cela n’a guère d’importance…
Le caractère totalement utilitaire de l’évaluation des élections par les institutions politiques et les médias occidentaux, au moins sur la question de savoir si une élection était régulière ou pas, est démontrée par le fait que la grande partie de l’électorat moldave résidant en Russie, estimée à environ un demi-million de personnes, a été privée de son droit effectif de voter. Cela a été possible par l’action du gouvernement moldave qui a réduit considérablement le nombre de bureaux de vote sur le territoire russe et qui n’a mis à disposition des citoyens moldaves résidant en Russie qu’une dizaine de milliers de bulletins de vote papier alors qu’ils sont plus d’un demi-million présents sur le sol russe…
Alors que, pour souligner le strict respect par le régime moldave des « valeurs européennes », aucun obstacle équivalent n’a été mis en place concernant la diaspora moldave dans les pays de l’UE pour participer aux élections présidentielles depuis le pays avec lequel ils peuvent avoir un lien mais où ils ne résident pas. Le calcul du régime moldave était que le gros des Moldaves vivants et travaillants dans l’UE avaient un intérêt personnel à ne pas se prononcer contre le processus d’adhésion de la Moldavie à l’UE. Contrairement aux Moldaves résidant en Russie, ce segment de la diaspora moldave est très motivé par son intérêt économique particulier pour voter en faveur de Maia Sandu et son projet d’intégration de la Moldavie à l’UE. Lors du référendum visant à inscrire cet objectif dans la Constitution moldave, qui s’est déroulé en même temps que le premier tour des élections présidentielles du 20 octobre, c’est le vote de la diaspora moldave résidant dans l’UE qui a permis à cette mesure d’être adoptée, bien qu’avec une très faible marge.
Dans ses deux consultations (présidentielle et référendaire), la majorité de la population vivant, elle, en Moldavie, qui est la plus concernée par le résultat, n’a soutenu ni la politique pro-européenne de du gouvernement moldave, ni l’élection de la marionnette occidentale Maia Sandu à la présidence. Les résultats favorables aux intérêts occidentaux ont été obtenus en recourant à cette forme « d’ingénierie électorale » que les Occidentaux dénoncent dans les pays qu’ils veulent faire passer sous leur coupe quand un « processus électoral » ne donne pas le résultat qu’ils souhaitent.
Il est donc compréhensible qu’une révolution des couleurs n’ait pas été initiée au lendemain des récentes élections en Moldavie, bien que toutes les conditions objectives du manuel du « regime changing » soient réunies.…
Il suffit de rappeler à cet égard l’un des déclencheurs fondamentaux qui, dans le passé, ont conduit au renversement de nombreux gouvernements légitimes lorsqu’il avaient refusé de s’incliner aux diktats politiques établis par l’hegemon occidental arrogant. La doctrine de Sharp (fruit des travaux de Gen Sharp qu’on surnomme souvent le « Machiavel de la non-violence » ou le « Clausewitz de la guerre non-violente » selon Wikipedia) prescrit qu’un résultat électoral serré facilite idéalement la tâche des révolutionnaires de couleur qui ont besoin d’un prétexte plausible pour mobiliser et aiguillonner les masses. Un résultat électoral serré donne de la crédibilité à l’allégation de malversation portée contre un « régime » honni et alimente les exaspérations d’une population à laquelle on insinue que l’expression électorale de sa volonté politique a été manipulée ou trompée.
Cette malversation est pourtant précisément ce qui s’est passé en Moldavie, mais qui ne s’est pas produit en Géorgie. La Moldavie est déjà couverte par un réseau étroit d’ONG financées par l’Occident exerçant un monopole sur la désinformation, contrairement à la Géorgie. Par conséquent, en Moldavie, il n’y a pas d’organisation de la « société civile » pour dénoncer la fraude systémique flagrante ou pour contester la légitimité du régime des vassaux étrangers.
C’est parce que, comme nous venons de le voir, les critères appliqués sont toujours utilitaires :
- en Moldavie, les processus et procédés électoraux douteux servent les intérêts des marionnettistes atlantistes et européistes, on n’observe donc pas de protestations ni d’appels à contester la légitimité du régime en place,
- en Géorgie, le « processus électoral », quoique peu critiqué par les observateurs a abouti à un résultat qui va à l’encontre des intérêts et projets des apprentis-sorciers occidentaux, il est donc dénoncé et qualifié de « frauduleux ».
Quiconque est doté d’une capacité modeste de réflexion politique reconnaîtra facilement ce jeu tordu et les règles malignes qui sont appliquées. Et c’est pour ça, et bien d’autres raisons, que nous sommes vraiment peu enthousiasmés par les « processus électoraux » et vraiment très modérément « démocrates »…
Les votes des gens qui résident à l’étranger, cela ne m’étonnerait pas qu’ils soient bidonnés. Chez nous, ils votent très majoritairement pour MACRON et en Moldavie, ils votent très majoritairement pour SANDU. Dans les deux cas, pour le parti au pouvoir, comme par hasard. En gros, les personnes qui ont été obligé de quitter le pays parce qu’elles n’arrivaient pas à s’y faire une situation, votent pour le pouvoir en place qui les a en quelque sorte obligé à partir. C’est tout de même bizarre.