Troisième volet d’un article paraissant dans L’écho d’AF explorant « les vices de la pensée », consacré dans la dernière livraison à « l’esprit bourgeois ».
Un vice originel empêche chez l’Homme tout redressement, stérilise toute action audacieuse entreprise en vue du Bien Commun, tue dans l’œuf les conditions nécessaires au salut national — et même au salut personnel : il s’agit de l’esprit bourgeois. Quel méchant mot ne prononçons-nous pas ici ! N’est-il pas depuis un siècle le lieu commun permettant à tous de déverser bile et fiel sur ce qu’ils pensent être l’incarnation du mal ? Marxistes, fascistes et antifascistes, nationalistes, tous s’en prennent au bourgeois et à son esprit type, espèce de maladie particulière qui ne peut que toucher l’autre. Mais qu’est-ce que le bourgeois ? Qu’est-ce que l’attitude, la vie ou la pensée bourgeoise ? Tous vous donneront quelques définitions lacunaires, aucun ne vous donnera l’élément structurant. Quant à nous, nous oserons cette définition qui nous semble être la seule qui nous permette de comprendre l’origine de ce mal et toutes les ramifications qu’il provoque : le bourgeois est celui qui ne se sacrifie pas.
Par sacrifice nous entendons cette action de se donner volontairement au risque de perdre des éléments essentiels de notre existence : perte de biens matériels — argent, santé, vie même – et de biens immatériels — réputation, position sociale, etc. La capacité au sacrifice est cette aptitude à savoir mettre sa peau sur la table au nom d’une cause, pour un objectif donné. Suis-je prêt à mourir pour ma patrie ? A accepter la mort sociale au nom de mes convictions ? Le bourgeois sera incapable de réaliser ces actions pleinement, son degré d’aliénation bourgeoise délimitera sa capacité au sacrifice.
Quand apparut le bourgeois ? Cette espèce naquit avec les villes, avec les richesses qui s’y accumulèrent et qui firent qu’une catégorie de personne s’arracha de la société traditionnelle médiévale qui se divisait entre les oratores (ceux qui prient), les bellatores (ceux qui combattent) et les laboratores (ceux qui travaillent). Chacune de ces catégories de population se sacrifia d’une manière qui lui était propre ; les laboratores payaient le prix de la sueur, les bellatores celui du sang et les oratores le prix du don total de soi — imitateurs zélés de N.S.J.C. Que le soldat ou le noble cesse de combattre, il s’embourgeoisera, que le clerc cesse de vivre le front collé contre le tabernacle, il deviendra mondain et bourgeois, que l’ouvrier devienne rentier, il n’aura de cesse de se muer en bourgeois. Un peuple sain est un peuple laborieux, un peuple qui, quotidiennement se combat pour mieux se donner ; et quel peuple sain et saint avions-nous quand le catholicisme érigeait comme modèles les martyrs qui suivaient dans la mort le Christ ! Cette gloire de l’Occident qu’était le catholicisme était un rempart bien sûr contre l’embourgeoisement de notre race ! L’embourgeoisement est l’ultime aboutissement d’une âme qui cesse de payer le prix du sacrifice. C’est pourquoi elle commença à apparaître dans ces villes opulentes où affluaient les richesses et où bien des hommes cessaient de voir la vie comme un sacrifice de soi, commerçants — qui prenaient encore quelques risques -, rentiers, banquiers étaient des métiers qui rompaient avec la grande tradition occidentale. De même, nous pouvons constater que l’embourgeoisement devînt chronique dans l’ancienne noblesse du XVIIIe siècle quand celle-ci cessa de porter les armes ; la richesse, la mondanité et l’oisiveté firent le travail. Quand un homme cesse de poser sa peau sur la table, il s’embourgeoise. Et que dire du XIXe siècle, siècle où le modèle bourgeois devînt un exemple pour chacun, tous ne rêvant que de se hisser dans cette position sociale qui permettait ce que d’aucuns appelleront l’otium — certes célébré par Sénèque, mais qui dans une société désaxée provoque les pires conséquences.
Quant à notre pitoyable XXIe siècle, nous y sommes tous bourgeois, tous. Nul n’est prêt au sacrifice, soyons honnêtes ! Jusqu’à quel degré serions-nous capables de nous battre et de nous sacrifier pour le salut de la France ? Jusqu’où pourrions-nous aller ? Une fois le constat posé, combattons-nous, tuons l’esprit bourgeois qui nous gouverne et sortons de ce sommeil qui nous maintient dans l’inaction — quand nous n’aurons plus peur des décombres, peut-être pourrons combattre : « Le Maréchal a proclamé « que la vie n’est pas neutre » (…) vous verrez qu’avec quelques militants courageux vous en finirez vite avec beaucoup de tièdes et de traîtres » (Robert Brasillach, Je suis partout, 30 mai 1942).
Guillaume Staub
Source : L’Écho d’AF, n°16, Septembre/Octobre 2021