Le rapatriement du corps de Napoléon en France était discuté depuis le début de la monarchie de Juillet. Néanmoins le gouvernement était inquiet de voir à cette occasion de nouveaux débordements politiques. Pourtant, dès le début de son second ministère en mars 1840, Thiers, aimant à flatter les sentiments bonapartistes du peuple, parvient à convaincre Louis-Philippe de ramener en France les cendres de Napoléon qui reposaient depuis le 5 mai 1821 dans la vallée du Géranium à Sainte-Hélène. Il souhaitait, par cette initiative, redresser le prestige du roi Louis-Philippe.
Thiers négocie donc avec le gouvernement anglais le retour des cendres de Napoléon Ier à Paris. Les Anglais acceptent le transfert, désireux qu’ils sont de se concilier la France avec laquelle ils sont en conflit sur la question d’Orient.
Gourgaud, un général d’Empire qui a accompagné Napoléon à Sainte-Hélène, prend en main l’opération avec le prince de Joinville, fils du roi Louis-Philippe. Outre Gourgaud, l’expédition rassemble la plupart des témoins de l’exil : Bertrand et son fils Arthur, Gourgaud, le fils de Las Cases, Marchand, Ali…
Leur navire, la Belle-Poule, atteint l’île de Sainte-Hélène où est mort l’empereur près de vingt ans plus tôt. La dépouille de l’Empereur est pieusement transférée sur le navire avant d’arriver en France le 14 décembre 1840.
Après avoir remonté la Seine – Louis-Philippe estimait ainsi éviter les risques d’émeute –, le cercueil de Napoléon débarque à Courbevoie, où d’anciens soldats le veillent une nuit entière. Ce fut le “ dernier bivouac ”, célébré entre autres par Théophile Gautier dans Emaux et Camées (1852).
Le lendemain, 15 décembre, au cours d’une cérémonie populaire et grandiose, le char funèbre entre à Paris et remonte les Champs-Élysées. Sur le trajet, un million de Parisiens devenus bonapartistes pour l’occasion n’hésitent pas à crier « Vive l’Empereur ! ». Le char se dirige vers les Invalides où l’attend le roi en personne, Louis-Philippe. Le sarcophage est exposé dans une chapelle du Dôme des Invalides en attendant son transfert dans la crypte monumentale, en 1861.
Le principal bénéficiaire de l’opération est le courant bonapartiste. Il reprend vie et il ne lui faudra que huit ans pour amener au pouvoir Louis-Napoléon Bonaparte, neveu du regretté empereur.
Napoléon Ier repose depuis lors en l’église Saint-Louis-des-Invalides, selon le vœu qu’il avait exprimé sur son île : « Je désire que mes cendres reposent sur les bords de la Seine, au milieu de ce peuple français que j’ai tant aimé » (Mémorial de Sainte-Hélène).
« Ainsi trois accueils différents ont été faits à l’empereur. Il a été reçu par le peuple aux Champs-Élysées, pieusement ; par les bourgeois sur les estrades de l’Esplanade des Invalides, froidement ; par les députés sous le dôme des Invalides, insolemment. » (Choses vues, Histoire, Victor Hugo, p. 813)
Cent ans plus tard exactement et moins d’un an après l’armistice de juin 1940, le 15 décembre 1940, malgré l’état de guerre, le gouvernement allemand rendait au vieux sol de France le corps de l’Aiglon. Cent ans exactement après son glorieux père, l’infortuné Empereur Napoléon II entrait aux Invalides.
L’Europe unie autour de la France et de l’Allemagne aurait alors pu dominer le monde.
À nous de ne pas rater la prochaine occasion !
De Charlemagne à Napoléon, vive l’Empereur !
Le « retour des cendres » de l’Aiglon a donné lieu, sinon à des manifestations caractérisées, du moins à des mouvements d’humeur très significatifs des parisiens. Ma mère, qui l’avait vécu, m’avait raconté que le public, très encadré, s’était massé au long des avenues menant aux Invalides – en des temps où la guerre et l’occupation menaient à des restrictions nombreuses, notamment sur le plan alimentaire, et scandait: « Gardez votre Aiglon, rendez-nous notre cochon. »
C’est cela aussi l’histoire: savoir remettre et souligner les évènements dans leur contexte!