Le 30 août 1877, l’armée roumaine réussit à prendre d’assaut la redoute de Grivita et remporte ainsi une première et éclatante victoire.
Le 9 mai 1877, au Parlement roumain, Mihail Kogalniceanu, Premier ministre de l’époque, répondant à une interpellation introduite par le député Nicolae Fleşca, fait une mise au point des rapports très incertains avec l’Empire Ottoman.: “Avons-nous jamais été une province turque ? Sommes-nous un vassal de la Turquie ?” demanda-t-il, pour répondre “ Si d’aucuns étrangers l’ont dit, nous, nous ne l’avons jamais dit !”.
Ce discours est suivi par la déclaration de guerre de la Roumanie à la Turquie pour mettre fin à ces rapports incertains. Le 10 septembre l’artillerie roumaine pilonne les citadelles turques situées le long du Danube sur la rive bulgare en commençant par la puissante garnison turque de Vidin (en face du port roumain de Calafat).
Les troupes roumaines traversent le Danube et s’engagent dans le combat, en alliance avec les troupes du Tsar Nicolas 1er, qui avait appelé ses « frères orthodoxes » dans le combat contre les païens, c’est à dire les Ottomans, qui lui opposaient une farouche résistance sur tout le territoire bulgare et menaçaient d’encercler son corps expéditionnaire, malgré l’héroïsme des insurgés souvent assiégés et démunis de matériel et d’approvisionnement.
Le commandant des troupes turques, Osman Paşa, blessé et malade, capitule et, en se rendant, remet son sabre au Prince Carol (devenu par la suite le roi Carol 1er). Il sera soigné durant son emprisonnement dans un bâtiment à Bucarest, devenu l’actuel Hôtel Continental, par le docteur Carol Davila, fondateur de la Faculté de médecine de Roumanie et organisateur des Services de santé de l’Armée roumaine.
Des milliers de Roumains sont morts sur les champs de bataille de Bulgarie. Les noms des citadelles turques de Rahova, Plevna, Smardan ou Grivita, qui furent prises par les Roumains après de sanglants assauts, résonnent dans l’histoire de cette Europe des confins danubiens et balkaniques, qui a reconquis sa liberté au prix du sang.
Leurs ossements reposent dans les nombreux mausolées, partout en Bulgarie. Grâce à leur sacrifice, la Roumanie entre après cette guerre, dans son époque “moderne” (et en Europe, comme on le dirait aujourd’hui), processus démarré par la Révolution de 1848 en Valachie, en Transylvanie et en Moldavie et continué par la constitution de la Principauté de Roumanie en 1859.
Ce grand jour qui a changé radicalement le cours de l’Histoire, est déjà ombragé à partir de 1881, par l’éclat des festivités du lendemain. Le 10 mai, jour où le Prince Carol prête serment devant le Parlement en 1866, devient en effet Fête nationale après que la Roumanie est devenue royaume en 1881. Il y avait là pourtant une légitimité liée au fait que l’un des principaux artisans de l’indépendance avait été la Maison Royale.
La couronne de fer de Roumanie fut fondue à partir des canons saisis lors de cette guerre sur les Turcs…
Le 9 mai 1877 fut honoré comme un important jour jusqu’en 1947. Avec la trahison du 24 août 1944 puis l’abdication du Roi en 1947, l’installation d’un régime communiste et une prépondérance soviétique dans la région, on lui enleva toute signification liée à la guerre d’Indépendance. C’est seul le 9 mai 1945 qui sera célébré, comme « Jour de la Victoire sur le fascisme » , avec dans les premières années, une forte composante de “reconnaissance” pour les troupes soviétiques “libératrices”. Cette nuance disparaît après 1954 lorsque le Gouvernement roumain exige et obtient le départ des troupes et conseillers soviétiques, fait unique dans les pays sous influence soviétique (Pacte de Varsovie). La fête est maintenant entièrement confisquée par le P.C. roumain, celui qui a “affranchi du fascisme” et par la même occasion du “capitalisme” et surtout de la liberté la Patrie….
Après 1989, avec la chute du régime communiste, les anciens partis d’avant la guerre, revenus à la vie politique, essaient de relancer la signification de 1877. Hélas, seulement pour quelques années car le 9 mai est noyé dans le vacarme opportun des “Fêtes du Jour de l’Europe” financées avec largesse et avec un souci empressé et gesticulateur des autorités qui entraînent dans la foulée les médias. Peu de renvois à 1877, presse et officiels semble être gênés par le souvenir d’une Fête jugée trop nationale et qu’on laisse mourir peu à peu et sans bruit.
Si vous traversez la Roumanie le 9 mai, arrêtez-vous dans un petit village perdu. Vous aurez peut-être l’occasion de voir dans le cimetière ou dans la cour de l’église, la silhouette en noir d’une vieille, posant avec souci et délicatement un bouquet de fleurs des champs sur une tombe, dans le coin réservé aux héros des guerres de 1877, 1916-1918 et 1940-1944. Ou un vieux professeur conduisant quelques élèves pour leur parler de ces temps qui semblent si loin aujourd’hui…
”Prin foc, prin spăngi, prin glonţi, prin fum,
Prin mii de baionete,
Urcăm, luptăm… iată-ne-acum
Sus, sus, la parapete.
« Allah! Allah! » turcii răcnesc,
Sărind pe noi o sută.
Noi punem steagul românesc
Pe crâncena redută.
Ura! măreţ se-naltă-n vânt
Stindardul României!
Noi însă zacem la pământ,
Căzuţi pradă urgiei!
Sergentul moare şuierând
Pe turci în risipire,
Iar căpitanul admirând
Stindardu-n fâlfâire!”